Gabriel Fraga (ANDEV) : “Il faut redonner du souffle à la communauté éducative”

Publiée le 20 juin 2025 à 10h35 - par

L'ANDEV a récemment publié un communiqué suite au drame de Nogent, dont Mélanie fut la victime. L'association des cadres territoriaux de l'éducation appelle à la création d'une nouvelle gouvernance locale autour des collectivités territoriales pour redonner de l'ambition à la communauté éducative, reconstruction à l'intérieur de laquelle les élèves eux-mêmes seraient appelés à jouer un rôle essentiel. Gabriel Fraga, Vice-président de l'ANDEV, appelle à la mobilisation.
Gabriel Fraga (Andev) : "Il faut redonner du souffle à la communauté éducative"

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Le 10 juin dernier, à Nogent (Haute-Marne), Mélanie trouvait la mort, sous les multiples coups de couteau assénés par un élève de 14 ans, lors d’une fouille de sac à l’entrée du collège. Le 12 juin, l’Association nationale des directeurs et des cadres de l’éducation nationale des villes et des collectivités territoriales (ANDEV), a réagi, via un communiqué fort, appelant à se resituer « à la hauteur des faits », pour « construire (…) une réponse éducative ». Les faits de violences graves, dans leur succession, « impose un sursaut collectif », mettant en lumière « une fragilisation structurelle du lien éducatif » et d’une « tension croissante dans l’environnement scolaire ». Afin de dépasser « la tentation de réponses strictement sécuritaires », l’association « réaffirme la nécessité d’une approche éducative, globale et cohérente, fondée sur la qualité des relations humaines, le renforcement du climat scolaire et la coopération entre tous les acteurs concernés ». Vice-président de l’ANDEV, par ailleurs DGA Éducation à Juvisy-sur-Orge (Essonne), Gabriel Fraga estime qu’il n’y a pas plus « utile qu’un jeune pour mieux en comprendre un autre ».

Quelle lecture faites-vous du drame de Nogent ?

Ce n’est pas un fait divers au sens où on l’entend habituellement. C’est un séisme éducatif, qui met à mal toutes les caricatures que l’on peut avoir sur le sujet. Ce jeune n’est pas issu de la banlieue, n’appartenait pas à un collège sensible. Ce geste sans mobile apparent est bien la marque d’une désaffiliation sociale. C’est pour cette raison que nous formulons une réponse à hauteur éducative car il est nécessaire aussi de s’interroger sur les causes qui favorisent ce passage à l’acte à un moment donné.

Quelles sont les causes ?

Il ne s’agit bien entendu pas d’aplatir le réel, d’en avoir une vision trop distante. Dans la quantification de la violence, dans son objectivation, on peut rappeler qu’en France, on compte une infirmière scolaire pour 1 500 élèves. Est-ce normal ? Ces professionnelles sont bien souvent les premières à détecter les signaux faibles, à accompagner les souffrances. Ça n’explique rien, bien sûr, mais ça objective un malaise, c’est le constat que l’on s’est éloigné d’une réflexion qui impliquait une cohérence dans la communauté éducative. Nous devons recontextualiser les raisons de cette hausse de la violence dont nous savons bien qu’elle est polymorphe.

La réponse sécuritaire ne suffit pas…

Mais intuitivement, nous le savons tous. Je ne nie pas la nécessité d’une réponse sécuritaire quand l’insécurité expose les personnels éducatifs, nous avons tous un bout de solution à l’ANDEV. Mais la réponse à ce drame a d’abord été pavlovienne : les portiques de sécurité. Or, on connaît les limites de la réponse sécuritaire. Ce réflexe dit beaucoup de notre époque : il confond traitement du symptôme et compréhension du malaise. Nous souhaitons valoriser le lien humain. On sent que la prise de conscience est là, sur la santé mentale des jeunes, dont la crise est bien décrite par le dernier rapport du Haut conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge publié en début d’année. On y découvre en effet que les années post-Covid ont accentué la prévalence du syndrome dépressif chez les jeunes. Recruter des humains, pour être à la hauteur de l’humanité des enfants et des jeunes. Dans ce domaine, les collectivités territoriales peuvent jouer un rôle de catalyseur car c’est le moment de rebondir, de créer les conditions d’une gouvernance éducative locale.

Vous insistez sur le fait qu’il faut mieux écouter les jeunes, c’était d’ailleurs un des thèmes abordés lors du dernier congrès de l’ANDEV…

Oui, il paraît tellement évident qu’il faut redonner un pouvoir d’agir aux jeunes. Qui, mieux qu’un jeune, peut en comprendre un autre qui serait en situation de dérive personnelle ? Il faut redonner de l’ambition à la communauté éducative, à travers des dispositifs de médiateurs, d’ambassadeurs qu’occuperaient les jeunes. Pour détecter les signaux faibles, il faut former des jeunes relais, prévoir des espaces de paroles. L’adulte reste une autorité, il doit être présent mais il ne faut pas oublier que certains jeunes refusent de s’y référer. Dans de nombreuses communes, je pense à Rezé, Grenoble, les jeunes participent à la vie de l’établissement. Optimiser une démocratie des usages avec ceux qui la vivent, tel est l’objectif.

Faut-il interdire l’accès aux réseaux sociaux pour les moins de 15 ans ?

Allons écouter les jeunes sur le sujet ! Les réseaux sociaux alimentent des imaginaires violents et sexistes auprès des jeunes. Il est donc nécessaire de sortir de ce bain culturel mais en informant, en passant toujours par les outils éducatifs. L’ANDEV défend une culture de résistance éducative, fondée sur la conviction que la confiance, la relation et la prévention sont nos meilleurs remparts contre l’effondrement du lien social.

Stéphane Menu

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