L’apprentissage risque un coup d’arrêt brutal à la rentrée

Publié le 19 mai 2020 à 8h55 - par

Alors que l’apprentissage avait connu un succès record auprès des jeunes en 2019, la crise risque de briser net à la rentrée cette dynamique, selon ses promoteurs qui demandent au gouvernement des « mesures choc » d’ici juin 2020.

L'apprentissage risque un coup d'arrêt brutal à la rentrée

Il y a trois mois seulement, la ministre du Travail Muriel Pénicaud célébrait « la dynamique exceptionnelle » de l’apprentissage avec 368 000 contrats signés l’année dernière, un bond de 16 %, conséquence de la bonne conjoncture et des premiers effets de la réforme de 2018 qui « a supprimé les freins » à l’essor de cette formation en alternance.

Si cette hausse restait tirée par l’enseignement supérieur, l’apprentissage avait enfin redémarré, après une décennie difficile, dans le secondaire, du CAP au Bac Pro, signe d’un changement d’image auprès des jeunes et de leurs familles.

Cet essor aurait dû se poursuivre en 2020, porté par l’ouverture de nombreux centres de formation d’apprentis (CFA) par les entreprises elles-mêmes, une des nouveautés de la réforme qui a libéralisé le secteur.

Mais le confinement a complètement changé la donne.

Certes, des mesures ont été prises pour que les apprentis gardent leur formation et leur contrat de travail (cours à distance, examens en contrôle continu, accès au chômage partiel). 

Mais se profile maintenant la rentrée avec la perspective d’un coup d’arrêt brutal des offres des entreprises.

« Les processus de recrutement dans les entreprises sont à l’arrêt, ça va être difficile de signer des contrats d’apprentissage en juin-juillet pour septembre », redoute Aurélien Cadiou, président de l’Association nationale des apprentis de France (Anaf).

Si les grands groupes continueront à prendre des apprentis, souvent de l’Enseignement supérieur, « les TPE vont être davantage frappées par la crise alors qu’elles emploient beaucoup d’apprentis de niveau inférieur au bac, là où l’effet de l’alternance sur l’insertion dans l’emploi est le plus fort », souligne-t-il.

Face à l’incertitude, « certains collégiens et lycéens préféreront se replier sur la voie technologique ou générale », craint M. Cadiou alors que « l’apprentissage est déjà rarement le premier choix d’orientation ».

Les CFA, qui ont dû annuler leurs journées portes ouvertes ou salons de recrutement au printemps, ne notent cependant pas de baisse d’intérêt.

« On a organisé des journées virtuelles qui ont très bien marché », témoigne Jean-Claude Bellanger, secrétaire général des Compagnons du Devoir. 

À défaut d’une hausse de 37 % de ses effectifs comme en 2019, M. Bellanger table sur « un même niveau de recrutement, ce qui serait déjà très bien. Ce qui va nous pénaliser, c’est l’emploi ».

Extension de l’aide

Même constat préoccupant dans les branches professionnelles, qui ont vu leur rôle renforcé avec la réforme.

« On est sur le même niveau de candidatures côté jeunes. Notre inquiétude est côté entreprises : si aucune mesure n’est prise, nous projetons une baisse de 20 à 40 % des alternants », rapporte David Derré, directeur emploi-formation de l’UIMM (métallurgie), qui comprend les filières particulièrement touchées de l’automobile et l’aéronautique.

La branche, qui emploie 50 000 alternants (35 000 apprentis et 15 000 contrats de professionnalisation) avait prévu d’augmenter ce chiffre de 50 % d’ici 2023, un objectif « qui n’est plus d’actualité », admet M. Derré.

Pour éviter « une situation critique » à la rentrée, l’UIMM demande l’adoption de « mesures choc » d’ici juin 2020.

L’une d’elle est l’extension de l’aide unique à l’apprentissage, réservée aux entreprises de moins de 250 salariés et aux niveaux bac et inférieur. Cette aide, de 4 125 euros pour la première année d’un contrat, doit « être doublée et généralisée, quels que soient l’entreprise et le diplôme ».

De son côté, l’Anaf demande la prolongation de la période, actuellement de trois mois, pendant laquelle un jeune peut intégrer un CFA sans contrat. « Un allongement à un an laisserait à un jeune jusqu’à l’été 2021 pour trouver une entreprise », souligne M. Cadiou.

Cela permettrait, selon lui, de résoudre un autre problème, le financement des CFA qui, depuis la réforme, dépend de leur nombre d’apprentis et serait en péril en cas de chute des effectifs.

Des revendications auxquelles Muriel Pénicaud, fortement engagée sur l’apprentissage, devrait être sensible.

« Il faut un grand élan national sur l’apprentissage, ce sera une des priorités du plan de relance », assure la ministre, qui en discute mardi 19 maiv2020 avec les partenaires sociaux.

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