Allonnes, « banlieue à la campagne », fait le pari de la culture et du sport

Publié le 14 mai 2018 à 15h28 - par

À Allonnes (Sarthe), près d’un cinquième du budget est consacré à la culture, au sport et à l’éducation : sans être une « assurance tout risque », c’est pour cette commune proche du Mans un moyen « d’empêcher que certains ne tombent encore plus dans la délinquance ou l’économie souterraine ».

Allonnes, "banlieue à la campagne", fait le pari de la culture et du sport

« C’est un choix politique : on a un seul policier municipal », revendique le maire communiste Gilles Leproust, dont la commune de 11 000 habitants accueille lundi 14 mai la 6e étape, consacrée à la culture, des États généraux de la politique de la ville. La culture et le sport sont généralement les parents pauvres des budgets municipaux.

Allonnes, à quelques kilomètres du Mans, a beau bénéficier d’un environnement très vert, avec ses champs à l’orée de la ville et la Sarthe en contrebas des tours, cette « banlieue à la campagne » cumule aussi les problèmes des quartiers prioritaires, avec un chômage proche de 30 %.

Bâtie dans les années 60 pour les ouvriers de Renault, Allonnes aligne aujourd’hui les barres de béton avec 85 % de son territoire en zone urbaine sensible (ZUS).

Et l’un des casse-tête est d’occuper la population très jeune (plus de 40 % entre 18 et 26 ans), au delà des sorties au Mans, qu’une ligne de bus rallie en 10 minutes.

« On a des transports, mais les freins sont plus psychologiques », résume Youkoff, rappeur qui anime un atelier pour les jeunes. « L’idée, c’est de les sortir de leur cocon », ajoute-t-il, en se défendant de tout « angélisme » : « quand on me dit que la priorité n’est pas d’aller au cinéma mais de remplir le frigo je peux le comprendre, mais il y a moyen de ne pas opposer les deux ».

Cet après-midi, Souleimane et Khalid, 14 et 15 ans, font écouter une de leurs compositions de rap, dont le texte évoque « la rue, les ennuis, la “téci” » d’une banlieue universelle. « S’il n’y avait pas eu La Baraka production », le label où Youkoff a son studio, « on serait passé à côté de la Maison des arts », reconnaît Khalid. Va-t-il sinon au musée ? « C’est quoi ça ? », lance-t-il crânement, avant d’ajouter : « ma pratique culturelle, c’est la moto ».

« Suivi » des parents

La ville prête des instruments la première année à l’école de musique, propose des chèques culture de 50 euros aux élèves de 3e ainsi qu’une médiathèque gratuite mais l’une des difficultés est d’intégrer les habitants.

« Quand l’humoriste D’jal est venu, des gens nous ont dit que c’était la première fois qu’ils allaient au théâtre, voire qu’ils découvraient son existence. On s’est dit qu’on avait dû rater quelque chose », raconte Youkoff, également élu municipal.

À une semaine du discours d’Emmanuel Macron sur la politique de la ville, le maire défend son choix de consacrer 18 % du budget (soit 3 millions d’euros environ) aux postes culture, éducation et sport : « On nous demande souvent : qu’est-ce qu’investir dans la culture a apporté ? La question est plutôt de savoir ce que ça a empêché ».

Si Allonnes connaît « de temps en temps des montées de violence », « aucune école ou bâtiment public n’a été touché », ajoute M. Leproust.

Pour Fahel, 15 ans, « c’est calme ici. On n’a pas l’impression d’habiter en banlieue ». « Il y a des hauts et des bas, mais on peut pas se plaindre », assure Palpitte, retraité installé depuis 1992.

Dans cette ville connaissant une forte pauvreté, l’inclusion passe aussi par des tarifs bas pour la culture et le sport, avec une formule « un euro pour sept activités ».

Or certains « ne pensent pas à inscrire leurs enfants. Le côté banlieue, on le voit par rapport au suivi des parents. Dans les tours, il y en a que je n’ai pas vus en trois ans », soupire Xavier Lehérissier, animateur à l’association « jeunesse sportive d’Allonnes ».

Pourtant « si on arrête le foot, on a 200 gamins qui traînent dans les rues », ajoute Jean-Claude Guillois, le président, qui déplore les coupes dans les emplois aidés, et attend les annonces présidentielles avec scepticisme.

« Il y aura peut-être quelques petites avancées », dit-il. Mais Emmanuel Macron « est loin des banlieues. Il les ignore. Et ça, ça fait mal », juge-t-il.

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