Dématérialisation : le Défenseur des droits prône l’égal accès aux services publics

Publié le 24 janvier 2019 à 10h45 - par

Le Défenseur des droits dénonce une dématérialisation des démarches administratives trop rapide et s’inquiète des inégalités d’accès aux services publics.

Dématérialisation : le Défenseur des droits prône l’égal accès aux services publics

La dématérialisation offre de nouveaux moyens d’accès aux services publics et permet de simplifier l’accès aux informations et aux documents administratifs. Le Défenseur des droits en convient aisément. Toutefois, saisi de milliers de réclamations sur les difficultés rencontrées par les usagers face à la généralisation de la dématérialisation des démarches administratives, Jacques Toubon a lancé, le 17 janvier 2019, une alerte « sur les risques et dérives de cette transformation numérique ». Le titre de son rapport est sans ambiguïté : « Dématérialisation et inégalités d’accès aux services publics ».

Selon les chiffres 2018 du Baromètre numérique du CRÉDOC, plus d’un tiers (36 %) des personnes interrogées éprouvent une inquiétude à l’idée d’accomplir la plupart de leurs démarches administratives en ligne, en évoquant un sentiment d’incompétence informatique (notamment vis-à-vis des sites administratifs). Les personnes les plus concernées sont celles qui ne maîtrisent pas l’usage d’internet, ne comprennent pas le langage administratif ou ne parlent pas très bien le français, ou encore celles qui ne disposent pas d’une connexion internet de qualité, ne sont pas équipées d’ordinateur et de scanner…, énumère le Défenseur des droits. Si toute personne peut être confrontée à une difficulté dans l’accès à une démarche administrative en ligne, certains usagers le sont encore davantage, comme les personnes âgées, les personnes en situation de précarité, les étrangers, mais aussi les jeunes maîtrisant mal les codes de l’administration, ajoute-t-il. Par ailleurs, les personnes en situation de handicap, pour qui certains sites ne sont pas accessibles, les personnes détenues, qui disposent d’un accès limité à internet, et les majeurs protégés, « ne sont que trop rarement pris en compte dans les démarches de dématérialisation », pointe le rapport.

« Il est, par conséquent, impératif d’agir afin que la dématérialisation de l’accès aux services publics n’engendre pas de rupture d’égalité entre les usagers ou ne favorise l’émergence de discriminations, telle que la discrimination territoriale », demande Jacques Toubon. Pour « ne laisser aucun usager sur le bord du chemin », le Défenseur des droits formule donc plusieurs recommandations dans son rapport, et notamment de :

  • Conserver toujours plusieurs modalités d’accès aux services publics en adoptant une disposition législative en ce sens au sein du Code des relations entre les usagers et l’administration. « Aucune démarche administrative ne doit être accessible uniquement par voie dématérialisée », insiste le rapport.
  • Repérer et accompagner les personnes en difficulté avec le numérique en redéployant, par exemple, une partie des économies procurées par la dématérialisation des services publics vers la mise en place de dispositifs pérennes d’accompagnement des usagers.
  • Prendre en compte les difficultés de mise en œuvre, en créant une clause de protection des usagers en cas de problème technique leur permettant de ne pas être considérés comme responsables du non-aboutissement de leur démarche.
  • Améliorer et simplifier les démarches dématérialisées pour les usagers en favorisant l’usage d’un identifiant unique pour accéder à l’ensemble des services publics dématérialisés et en informant mieux sur la gratuité des démarches administratives, afin de mettre fin à l’orientation vers un service privé payant.
  • Renforcer la formation initiale et continue des travailleurs sociaux et des agents d’accueil des services publics à l’usage numérique, à la détection des publics en difficulté et à leur accompagnement.
  • Prendre en compte les publics spécifiques : permettre aux personnes détenues de disposer d’un accès effectif aux sites des services publics, des organismes sociaux, ainsi qu’aux sites de formation en ligne agréés par l’Éducation nationale ; généraliser le double accès aux comptes personnels pour le majeur protégé et son mandataire judiciaire ; prendre réellement en compte les difficultés d’accès spécifiques aux personnes en situation de handicap.