Le débat autour du contrôle indépendant des Ehpad relancé

Publié le 3 février 2022 à 15h15 - par

La demande d’un contrôle indépendant pour prévenir les maltraitances dans les Ehpad, formulée dès 2012 par le contrôleur des prisons mais restée lettre morte, revient au goût du jour après les révélations du livre « Les fossoyeurs ».

Le débat autour du contrôle indépendant des Ehpad relancé

Le système de contrôle « n’est pas assez performant », a reconnu mercredi 2 février 2022 sur LCI la ministre déléguée chargée de l’Autonomie, Brigitte Bourguignon, pour qui « il vaudrait mieux que l’on ait une autorité indépendante ». Elle s’est dite « ouverte à toutes les propositions ». Dix ans en arrière, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL), Jean-Marie Delarue, avait proposé que sa compétence d’autorité indépendante soit étendue aux Ehpad.

Dans un avant-projet de loi de mai 2012, puis dans son rapport annuel paru en février 2013, le CGLPL expliquait que « les personnes âgées dépendantes sont, en institution spécialisée, de fait privées de leur liberté ». Le contrôleur des prisons invoquait « le devoir de transparence pour les familles et le grand public » pour justifier « un contrôle indépendant qui ait pour objet de vérifier le respect des droits fondamentaux ». Ce contrôle devait être « complémentaire des évaluations et inspections », dévolues à l’administration et actuellement exercées par les Agences régionales de santé (ARS) et les conseils départementaux.

Dans un entretien à l’AFP mardi 1er février 2022, M. Delarue a rappelé que sa proposition avait alors buté sur un gouvernement « attentiste » et une « franche hostilité » du secteur. À l’époque, le Synerpa, premier syndicat des maisons de retraite privées, avait dénoncé la « violence de l’amalgame » établi avec les lieux de privation de liberté. L’AD-PA, association représentant les directeurs de services à domicile et d’établissements pour personnes âgées, s’était opposée « à la mise en place de contrôles s’ajoutant aux nombreux existants ». Alors ministre déléguée aux Personnes âgées, Michèle Delaunay avait estimé que cette proposition se heurtait « à la fois à des difficultés concrètes et à des questions déontologiques ». Elle avait notamment jugé que considérer l’espace des Ehpad comme « limitatif de liberté » serait « peu encourageant » pour les personnes âgées susceptibles d’y entrer et pour le personnel.

En mars 2018, une mission parlementaire sur les Ehpad, conduite par les députées Monique Iborra et Caroline Fiat, soulignait pour sa part la nécessité « de repenser le processus d’évaluation externe des Ehpad » afin de le rendre « plus efficace et plus transparent ».

Insuffisance de moyens

Plus récemment, en mai 2021, la Défenseure des droits Claire Hédon a publié un « rapport sur les droits fondamentaux des personnes âgées accueillies en Ehpad », déplorant que les inspections réalisées par les ARS et conseils départementaux n’aient « aucun référentiel commun comme base de contrôle ». « La durée de la procédure s’avère très longue et l’insuffisance de moyens au sein de ces entités pour effectuer les inspections requises est à relever », ajoutait-elle. Désormais, les positions semblent évoluer après la parution du livre-enquête du journaliste Victor Castanet sur les établissements du géant français Orpea, soupçonnés de graves dysfonctionnements.

Le Synerpa se dit favorable à une intensification des contrôles administratifs et à une nouvelle procédure de certification qualité. Dimanche 30 janvier 2022 sur le site du quotidien Sud-Ouest, l’ancienne ministre Michèle Delaunay a réclamé des contrôles « durcis et indépendants » avec la mise en place d’un « défenseur des droits des personnes âgées ». Les députés socialistes ont demandé quant à eux que les parlementaires puissent disposer d’un droit de visite dans les Ehpad sur le modèle de ce qui se pratique pour les lieux de privation de liberté.

L’actuelle CGLPL, Dominique Simmonot, a indiqué à l’AFP qu’elle était favorable à « un contrôle indépendant sur les Ehpad » comme d’ailleurs sur les structures de l’aide sociale à l’enfance (ASE) pour faire respecter « les droits des gens en début et en fin de vie qui n’ont pas de voix ». Mais le CGLPL ne souhaite pas l’exercer. « Nous défendons les droits des prisonniers, des mineurs détenus, des étrangers en rétention, des personnes enfermées en psychiatrie… Si on contrôlait aussi les Ehpad, tous les gens que nous défendons actuellement seraient noyés » et passeraient en quelque sorte au second plan, fait-elle valoir.

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