Autisme : une vaste étude pour étudier le rôle de l’environnement

Publié le 19 avril 2023 à 16h30 - par

Pollution, pesticides, médicaments, perturbateurs endocriniens… Quel est le rôle des facteurs environnementaux dans l’autisme et les troubles du neuro-développement ? C’est pour tenter de le savoir que la France a lancé une vaste étude auprès de 1 700 familles, qui seront suivies pendant dix ans.

Autisme : une vaste étude pour étudier le rôle de l'environnement
© Par Photographee.eu - stock.adobe.com

« Quand mon fils a été diagnostiqué autiste en 2014, on nous parlait d’un enfant sur 150. Aujourd’hui, c’est un sur 40. Nous, parents, sommes persuadés que c’est autre chose que seulement la génétique. Mais à l’époque, on ne prenait pas en compte l’environnement », déclare à l’AFP Camille Nicolas, ingénieure biomédicale.

Le taux de prévalence des troubles du spectre autistique (TSA) est estimé à 2 % des naissances, en augmentation dans les pays occidentaux, selon la délégation interministérielle à la stratégie nationale pour l’autisme.

Un enfant sur six présente un trouble du neuro-développement (TND), selon le ministère chargé des Personnes handicapées. Les TND rassemblent l’autisme, le trouble du déficit de l’attention avec ou sans-hyperactivité (TDAH), les troubles de la communication, de la motricité ou des apprentissages (dysphasie, dyspraxie, dyslexie, dyscalculie, dysorthographie…), le trouble du développement intellectuel.

« Les progrès du dépistage n’expliquent qu’en partie cette hausse. Des facteurs environnementaux – alimentation, mode de vie, pollution, médicaments… – pourraient contribuer à l’augmentation de la prévalence de ces troubles », indiquait début avril la déléguée interministérielle à l’Autisme, Claire Compagnon, devant l’Académie de médecine.

Pour le savoir, les ministères de la Recherche et des Personnes handicapées ont lancé la « cohorte Marianne », un dispositif de suivi pendant dix ans de 1 700 familles. Cette annonce intervient à l’occasion de la Journée internationale de l’autisme le 2 avril.

Hôpitaux, services sociaux, associations vont recruter des mères au deuxième trimestre de grossesse, dont 1 200 qui ont déjà un enfant autiste, dans les départements de l’Eure, Gard, Haute-Garonne, Hérault, Loire, Nord, Rhône, Seine-Maritime, Tarn et  Tarn-et-Garonne.

Au fil des années seront effectués des prélèvements biologiques, observations pédiatriques et suivi des problématiques de santé et sociales.

Les 1 000 premiers jours

« Lorsqu’un enfant a un frère ou une sœur autiste, il a un risque accru, de 50 %, d’avoir lui-même des troubles du neuro-développement », explique à l’AFP la Pr Amaria Baghdadli, responsable scientifique de la cohorte Marianne.

L’autisme était il y a trente ans considéré comme une maladie rare. Pourquoi sa prévalence a-t-elle tant augmenté ? L’objectif de la cohorte Marianne est d’identifier les déterminants des troubles du développement, les mécanismes et ainsi ouvrir la voie à des traitements.

« Notre modèle est que les troubles du développement et l’autisme sont liés à une interaction entre un terrain génétique et des facteurs de l’environnement, présents dans une période très précoce : les 1 000 premiers jours, c’est-à-dire la vie fœtale et les premiers mois de la vie », souligne la Pr Baghdadli.

« Il peut s’agir de l’exposition pendant cette période à des toxiques, des pesticides, des métaux lourds, certains médicaments et polluants chimiques comme le bisphénol (interdit depuis 2015 dans les biberons), les phtalates. La littérature scientifique suggère qu’ils ont un lien avec des troubles du développement mais nous n’avions pas d’infrastructure de recherche qui permette de valider suffisamment ces résultats », ajoute la responsable du centre d’excellence autisme à Montpellier, qui dépend du CHU de cette ville.

« Ces produits chimiques, pour certains, passent la barrière placentaire et peuvent se trouver en contact direct avec un bébé, un fœtus qui est très vulnérable car des organes essentiels comme le cerveau sont en pleine phase de construction », ajoute-t-elle.

Les enfants des familles de la cohorte Marianne pourront être diagnostiqués précocement et suivis dans les cinq centres dédiés à la recherche et au suivi des personnes autistes, les centres d’excellence autisme. Le diagnostic de l’autisme a lieu actuellement en moyenne à l’âge de quatre ans, alors qu’un dépistage précoce permet la mise en œuvre de dispositifs qui réduisent le handicap.

Les bases de données récoltées grâce à la cohorte Marianne pourront être accessibles aux chercheurs et à des entreprises pour concevoir des outils de diagnostic ou des traitements. Elles permettront aussi de renforcer la prévention auprès des femmes enceintes et d’avoir des indicateurs fiables pour mener des politiques de santé publique.

Copyright © AFP : « Tous droits de reproduction et de représentation réservés ». © Agence France-Presse 2023