Handicap à l’école : le lourd défi des accompagnants

Publié le 9 octobre 2019 à 7h35 - par

Un salaire peu élevé, une place difficile à trouver entre parents et enseignants, un déficit de formation. Nadra, qui accompagne des élèves en situation de handicap, espère une revalorisation de son statut, promise à la rentrée par le gouvernement.

Handicap à l'école : le lourd défi des accompagnants

Mardi 8 octobre 2019, les ministres de l’Éducation, Jean-Michel Blanquer, et la secrétaire d’État chargée des personnes handicapées, Sophie Cluzel, se voient remettre un rapport parlementaire publié en juillet 2019, qui préconisait notamment de revaloriser le rôle et la formation de ces accompagnants.

Dans cette classe de CM2 d’une école du 13e à Paris, Nadra a sa place attitrée : juste à côté de Léo.

Le jeune garçon présente « des problèmes de langage et d’apprentissage ». Elle n’en sait pas plus. « On ne connaît jamais la nature des handicaps des enfants et on nous demande d’éviter d’en parler avec les parents », déplore-t-elle. Elle suit Léo 15 heures par semaine. Et aussi Sidy, 9 heures, en CE1, qui souffre de « troubles de l’attention ».

Son travail consiste notamment à leur réexpliquer les consignes des exercices qu’ils ont du mal à appréhender.

Ce jeudi après-midi, les élèves de CM2 ont quatre poésies à lire. Léo ne s’y met pas, triture la gomme de son crayon. « Il a du mal à rentrer dans un texte ; je lui suggère de lire une seule phrase par poème car en entier, c’est trop long pour lui », explique Nadra après lui avoir chuchoté à l’oreille.

Elle a aussi ses tactiques pour le calmer. « Léo est vite parasité par le bruit de la classe. Quand je sens qu’il ne tient plus, je l’emmène se reposer dans une salle à côté ».

Quant à son autre élève Sidy, « il a une faculté de concentration limitée », décrit-elle. « On a mis en place des petits rituels : quand il commence à s’agiter, je lui demande de serrer ses poings et on fait des exercices de respiration ». Une technique apprise pendant des cours de sophrologie, qu’elle a suivi en plus de ses fonctions d’accompagnante d’élève en situation de handicap (AESH).

« Respirer un peu »

Ce métier, elle l’a choisi « par hasard » il y a trois ans, après s’être arrêtée de travailler pour s’occuper de son enfant, lui-même handicapé.

« Les horaires étaient parfaits pour moi, et je savais qu’on recrutait facilement ». En effet, l’entretien d’embauche a duré à peine dix minutes. « On nous demande comment on réagirait dans une situation donnée et… c’est à peu près tout ».

À 45 ans, elle gagne aujourd’hui 730 euros par mois avec le remboursement de ses frais de transports pour 24 heures de présence par semaine, et bénéficie des congés scolaires. Sans le salaire de son mari, elle ne sait pas comment elle s’en sortirait.

Christine, sa collègue célibataire de 48 ans, explique, elle, être logée gratuitement, « sinon, ce ne serait pas possible ». Elle vient de signer un nouveau contrat de 3 ans renouvelable, qui pourra déboucher sur un CDI. Jusqu’ici, les CDD étaient de un an. « Je vais pouvoir respirer un peu », se réjouit-elle.

Cette mesure fait partie du plan du gouvernement pour sécuriser les conditions d’emploi des AESH. On leur promet aussi une reconnaissance comme membre à part entière des équipes éducatives.

Nadra mesure sa chance d’être affectée dans la même école depuis trois ans, aux côtés d’«une super équipe ». « Ce n’est pas toujours comme ça, il est très fréquent que des AESH ne tiennent pas l’année », souligne-t-elle.

En cause notamment : un déficit de formation initiale, limitée à 60 heures. « On nous fait découvrir les différents handicaps, mais c’est tout ». Selon elle, il faudrait leur fournir « des supports pédagogiques pour savoir comment faire progresser les élèves en fonction de leurs difficultés ».

Bien souvent, elle fait ses propres recherches sur internet et improvise : « Léo a de gros problèmes avec la grammaire, alors je me cale sur les méthodes d’apprentissage préconisées pour les enfants dyslexiques, ce qu’il n’est pas ». Un système D « un peu frustrant ».

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