Commission d’enquête sur les crèches : un système « à bout de souffle »

Publié le 30 mai 2024 à 8h00 - par

Le rapport adopté lundi 27 mai 2024 par la Commission d’enquête de l’Assemblée nationale sur les crèches fait le constat d’un système « à bout de souffle », dans le public comme dans le privé, selon sa rapporteure Sarah Tanzilli.

Commission d'enquête sur les crèches : un système "à bout de souffle"
© Image par Esi Grünhagen de Pixabay

« Complexité kafkaïenne, sous-financement chronique, insatisfaction des usagers et des personnels, multiplication des dérogations : le système d’accueil des jeunes enfants en crèche est à bout de souffle », observe la députée Renaissance.

« Les travaux ont démontré que les défaillances identifiées n’étaient pas la conséquence de l’ouverture du secteur des crèches au secteur privé ou de l’influence des fonds d’investissement », a précisé l’élue du Rhône à l’AFP. « C’est le modèle économique et les règles de fonctionnement des crèches qui ont contribué à établir un cercle vicieux de la défaillance ».

La commission a adopté le rapport lundi 27 mai. Tous les députés présents ont voté pour, les élus LFI et écologistes se sont abstenus, a indiqué à l’AFP une source au faîte des débats. Mais le vice-président LFI William Martinet a publié un contre-rapport.

Après la parution en septembre de deux livres-enquêtes mettant en cause les crèches privées, « Le prix du berceau » et « Babyzness », LFI avait obtenu en novembre, contre l’avis des groupes LR et Renaissance, la création de cette commission chargée d’enquêter sur le modèle économique des crèches et la qualité d’accueil du jeune enfant.

Les pouvoirs publics ont mis l’accent sur la quantité de places plutôt que la qualité d’accueil, selon Mme Tanzilli. « Un cercle vicieux de la défaillance » s’est installé : face au manque de personnel, les pouvoirs publics ont « allégé les taux d’encadrement ». Le financement incite à « accueillir le plus d’enfants possible » dans une crèche.

Cela dégrade les conditions de travail et pousse les professionnelles à quitter le métier. Avec in fine moins de berceaux : 10 000 places sont « gelées » en France faute de personnel, explique Mme Tanzilli.

Crèches privées

Selon elle, des problèmes liés à la qualité d’accueil s’observent partout, dans le privé (un quart des quelque 500 000 places) comme dans le public (la moitié) ou l’associatif (un quart).

Pour William Martinet au contraire, « les travaux ont fait la démonstration des effets néfastes des crèches privées lucratives » : 93 % des 26 fermetures administratives de crèches en 2023 ont eu lieu chez des gestionnaires privés lucratifs, a-t-il indiqué à la presse.

Mme Tanzilli préconise que chaque crèche, quel que soit son statut, soit contrôlée tous les trois ans, a minima, ayant observé que les crèches privées étaient plus contrôlées que les crèches publiques.

Pour la députée, les auditions ont montré que « les fonds d’investissement n’ont pas un modèle basé sur la rentabilité à court terme ou le versement de dividendes à leurs actionnaires ».

« Le modèle économique de ces fonds inclut la qualité d’accueil pour pouvoir croître », dit-elle, soulignant les déboires du groupe privé People & Baby depuis la mort d’un enfant dans une microcrèche à Lyon en 2022.

Les crèches privées ont fourni 90 % des nouvelles places en dix ans.

Les fédérations représentant les crèches privées se sont félicitées de voir le rapport conclure que la dégradation de la qualité d’accueil était « systémique » et non pas le fait du privé, tout en accueillant avec prudence les solutions proposées.

Pas de moyens

Le rapport préconise de ramener le taux d’encadrement à un adulte pour cinq enfants (un pour six actuellement) d’ici à 2027, et un pour quatre pour 2032.

« De belles promesses sans moyens pour augmenter les salaires et donc qui ne verront jamais le jour », grince le député LFI William Martinet.

Passer d’un adulte pour six enfants à un pour cinq équivaut à 25 000 professionnels supplémentaires, pour un coût d’un milliard d’euros par an, ou à fermer 70 000 places, explique à l’AFP Elsa Hervy, déléguée générale de la Fédération française des entreprises de crèches (FFEC).

La rapporteure propose en outre de supprimer le mécanisme de réservation de berceaux par les employeurs, qui crée un « coupe-file » pour leurs employés. La commune doit devenir l’interlocuteur unique des parents, soutenue par un « versement petite enfance » imposé aux employeurs.

« Un nouvel impôt payé par tous les salariés », selon la FFEC, qui estime que cette mesure aboutirait à détruire 150 000 places de crèches actuellement financées par les réservations des employeurs.

Améliorer la qualité d’accueil ne doit pas se faire au détriment de création de places, alors que manquent 200 000 places d’accueil du jeune enfant, a indiqué à l’AFP la Fédération des entreprises de service à la personne qui représente 1 250 crèches.

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