Petite enfance : à trois mois de l’entrée en vigueur de la réforme, les collectivités s’interrogent

Publié le 17 septembre 2024 à 14h45 - par

Transferts de compétences, compensations financières, avis… En janvier prochain, les communes deviennent autorités organisatrices de l’accueil du service public de la petite enfance mais aux yeux des élus, des questions fondamentales subsistent.

Petite enfance : à trois mois de l'entrée en vigueur de la réforme, les collectivités s'interrogent
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Il reste un peu plus de trois mois aux collectivités pour organiser leur service public de la petite enfance (SPPE), ce qui suscite encore de nombreuses interrogations, soulevées lors de la quatrième Rentrée de la petite enfance, qui s’est tenue le 16 septembre 2024 à Paris. En effet, à partir du 1er janvier 2025, les communes seront autorités organisatrices (AO) de l’accueil du jeune enfant (loi plein-emploi du 18 décembre 2023, article 17, devenu article L. 214-1-3 du Code de l’action sociale et des familles). Seules les communes étant expressément désignées comme AO, le texte n’avait pas manqué d’inquiéter Intercommunalités de France, qui demandait notamment une modification législative pour ajouter les groupements. Car dans les faits, « les trois quarts des intercos exercent la compétence petite enfance, totalement ou en partie », a rappelé Anne Terlez, vice-présidente à la cohésion sociale d’Intercommunalités de France et vice-présidente de la communauté d’agglomération Seine-Eure (60 communes, 105 000 habitants). « L’intention n’était pas que la loi détricote ce qui fonctionne dans les territoires », a répondu Élisa Bazin, cheffe de projet service public de la petite enfance, rappelant que début juillet, la Direction générale de la cohésion sociale et la Direction générale des collectivités locales ont clarifié certains éléments dans une foire aux questions (FAQ). Le document précise notamment que la loi ne remet pas en cause les compétences actuellement exercées à l’échelon intercommunal. Les communes peuvent choisir, à tout moment, de transférer tout ou partie du SPPE à l’interco ou à un syndicat mixte qui sont alors de fait AO pour les compétences transférées.

Insécurité juridique

Toutefois, les intercos ne percevront pas la compensation financière prévue par l’article 17 de la loi. Elle ne sera octroyée qu’aux communes de plus de 3 500 habitants, pour lesquelles quatre compétences deviennent obligatoires : recenser les besoins des enfants de moins de 3 ans et de leurs familles et les modes d’accueil disponibles sur le territoire, informer et accompagner les familles et les futurs parents, planifier le développement des modes d’accueil en fonction des besoins et soutenir la qualité des modes d’accueil. Selon Anne Terlez, cette absence de compensation financière directe est un « point bloquant » pour les intercos. Au point que les adhérents de l’association d’élus pourraient presque rendre la compétence aux communes et retravailler ensuite les transferts de compétence pour sécuriser la partie financière…

Pour Olivier Girardin, maire de La Chapelle-Saint-Luc, indépendamment des compensations financières promises, « se pose la question de leur pérennité et des conditions dans lesquelles les fonds seront attribués. On est en train de construire un service public dans une période d’incertitude réglementaire, financière et politique, dans un cadre totalement insécurisé. À partir du moment où on nous donne des objectifs cadrés, précis, avec des ambitions et des contraintes, il nous faut du droit, des règles, du dialogue. Or, l’ensemble de ces éléments sont aujourd’hui en jachère. On est loin de dire que c’est terminé, à quelque mois d’un service public opposable ». Dans la salle, un élu a déploré que pour le montant du « bonus attractivité » les agents fonctionnaires recevront 100 euros, contre 150 euros dans les structure privées, ce qu’il a qualifié de « cynique », d’autant que les structures publiques coûtent plus cher à maintenir. Élisa Bazin a cependant rappelé que les structures associatives sont soumises à plusieurs critères d’exigence pour être éligibles et percevoir le bonus versé par les caisses d’allocations familiales (CAF). De son côté, l’adjointe au maire de Montpellier déléguée à la petite enfance et à la place de l’enfant dans la ville, Tasnime Akbaraly a déploré que les communes qui ont devancé les obligations légales en matière de SPPE, comme Montpellier, ne bénéficieront pas de ce bonus pour leurs actions futures.

Dans l’attente des décrets d’application de la loi du 18 décembre 2023, des questions subsistent aussi sur l’avis préalable favorable que doit émettre l’AO compétente en cas de création, d’extension ou de transformation d’un établissement ou d’un service de droit privé accueillant des enfants de moins de 6 ans. Élisa Bazin a rappelé que c’est à l’AO de définir les besoins qualitatifs et quantitatifs des familles recensés sur le territoire, au regard desquels l’avis est rendu. L’AO peut considérer, par exemple, qu’un modèle de structure ne correspond pas aux besoins parce que ses tarifs sont trop élevés, en fonction des quartiers notamment. Fannie Le Boulanger, adjointe au maire de Bordeaux chargée de la petite enfance et de la parentalité, a fait part de l’inquiétude de la ville, car cette mesure fait peser une insécurité juridique sur les conseils municipaux, chargés de rendre l’avis. L’absence de conseil municipal entre juillet et octobre les mettra la commune dans l’impossibilité de respecter le délai de trois mois imposé.

D’autres décrets sont encore à venir, sur le schéma pluriannuel de maintien et de développement de l’offre d’accueil du jeune enfant ou les relais petite enfance (RPE), par exemple.

Martine Courgnaud – Del Ry


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