Portraits d'acteurs

Gratianne Dumas

Gratianne Dumas

DGA Proximité et Relations aux Habitants à la Ville de Lyon

« Ma mission est au service du renforcement de la qualité des liens entre les usagers-habitants-citoyens et la mairie de Lyon, ses élus, ses agents... C'est réellement au cœur du projet de la délégation que je porte, avec des traductions spécifiques dans le domaine de la participation citoyenne, de la relation à l'usager, et des services de proximité rendus par les maires d'arrondissement. »

Quelles sont vos fonctions actuelles et les grandes étapes de votre parcours professionnel ?

Gratianne Dumas : J'exerce aujourd'hui les fonctions de DGA Proximité et Relations aux Habitants à la Ville de Lyon. Ce pôle regroupe les 9 mairies d'arrondissement, une mission dédiée à la démocratie ouverte et les services en charge de la relation à l'usager. Il a été créé en 2021 pour traduire dans le fonctionnement des services l'ambition du nouvel exécutif en matière de démocratie locale et qualité de service aux administrés. Au sein de l'équipe de DG, mon rôle en une phrase consiste à porter le renforcement du rôle de l'arrondissement, le développement de démarches participatives, et l'attention portée à la qualité du « parcours usager ». Ce sont des marqueurs du mandat qui sont très liés à la manière dont notre exécutif conçoit la transition écologique, le fonctionnement démocratique, et le rôle des services publics du quotidien dans le vivre-ensemble.

Cela fait un peu plus de 10 ans que je travaille à la Ville de Lyon où j'ai occupé précédemment 2 autres postes : d'abord directrice adjointe de l'éducation de 2012 à 2017, où j'ai notamment porté le projet de territorialisation des services, puis la mise en œuvre des « nouveaux rythmes scolaires ». De 2018 à 2021, j'ai secondé le DGA Service aux Publics et Sécurité sur un poste de Secrétaire générale centré sur les fonctions ressources et la coordination du réseau des mairies d'arrondissement alors rattachées à cette délégation.

Avant Lyon, j'étais basée en région parisienne, où, sortant de l'INET, j'ai débuté mon parcours dans l'action sociale : j'ai d'abord travaillé pour l'Agence Nouvelle des Solidarités Actives peu après sa création par Martin Hirsch, pour développer des projets d'expérimentation sociale, dont le RSA, dans des territoires pilotes. J'ai ensuite rejoint le Département du Val-de-Marne à la direction de la protection de l'enfance et de la jeunesse où j'ai travaillé pendant 4 ans.

Si vous deviez décrire votre métier actuel en 3 mots, quels seraient-ils ?

Gratianne Dumas : Le premier mot auquel je pense est celui de « lien » : ma mission est au service du renforcement de la qualité des liens entre les usagers-habitants-citoyens et la mairie de Lyon, ses élus, ses agents. On peut dire que c'est une mission commune à tous les territoriaux et au-delà, à tous les métiers de la relation mais c'est réellement au cœur du projet de la délégation que je porte, avec des traductions spécifiques dans le domaine de la participation citoyenne, de la relation à l'usager, et des services de proximité rendus par les maires d'arrondissement.

Si je me réfère à ma fonction particulière de DGA dans l'organisation, là encore la notion de « lien » est centrale car le DGA « fait le lien » entre des élus qui portent un projet politique, des directeurs pilotes d'une politique publique, un collectif de direction générale... On est en permanence en discussion avec un grand nombre d'acteurs de la collectivité sur un large spectre de sujets, c'est d'ailleurs un volet très stimulant de la fonction.

Ensuite, je choisis le mot « transformation » : j'ai le sentiment d'évoluer dans une collectivité qui se transforme, en profondeur, et mon métier est très porté sur la conduite et l'accompagnement du changement. Par exemple, notre maire souhaite revoir en profondeur les relations entre la mairie centrale et les mairies d'arrondissement, faire jouer le principe de subsidiarité et confier davantage de leviers aux élus et services de proximité : en travaillant en mode-projet de manière articulée entre administration et exécutif, nous avons engagé ce changement qui est lourd d'enjeux et d'impacts pour le fonctionnement de la mairie. De manière moins spécifique à ma fonction, en toile de fond, comme tous les employeurs publics, nous sommes engagés dans des réflexions et actions liées à la transformation du travail : comment attirer et fidéliser nos agents, assurer une qualité de vie au travail, développer de nouveaux leviers de motivation, nous adapter au déploiement massif du télétravail, etc.

Enfin, je terminerai par le concept de « pouvoir d'agir », qui plus que mon métier, évoque la finalité au service de laquelle mes équipes et moi mettons nos compétences et notre énergie. Si l'on développe des démarches participatives, un budget participatif, si l'on cherche à toucher différemment les Lyonnais dans leur relation à la mairie, c'est dans un objectif d'émancipation, de lutte contre les inégalités, pour que chaque habitant puisse prendre part à la vie de la cité. Je reste très humble dans l'exercice de cette mission mais c'est un des moteurs essentiels de mon travail.

Quelles sont les qualités essentielles inhérentes à vos fonctions ?

Gratianne Dumas : Écouter, prendre en compte un grand nombre de points de vue, paramètres, contraintes, pour fixer un cap : cela passe par une présence quotidienne et un lien à son équipe, de l'empathie, un goût pour la relation aux autres. Quand on est DGA en collectivité, on est au croisement de la sphère administrative et du politique, pour simplifier. C'est un métier qui demande, en particulier dans le dialogue avec les élus, des capacités de raisonnement et d'analyse, des qualités de communication, une bonne dose d'intelligence situationnelle. Et pour pouvoir donner à son équipe un cadre d'action clair, suffisamment stable, il faut savoir dégager des lignes directrices, être pragmatique sur la capacité à réaliser les objectifs qu'on fixe, être attentif au niveau d'autonomie et d'initiative qu'on encourage, et donner envie !

Tout cela demande de la persévérance, de la confiance en soi, du courage managérial, du lâcher-prise... On peut vite se laisser déborder ; donc il faut évidemment des qualités d'organisation et de prise de recul pour garder en tête ses 3-4 priorités ! Et veiller à rester bienveillant envers les autres, envers soi-même (c'est souvent plus dur !) en se rappelant avec humilité qu'on agit au mieux dans un environnement complexe.

Qu'est ce qui vous fait lever chaque matin ?

Gratianne Dumas : Le sentiment d'apporter ma petite pierre au service public et à travers lui, à une société plus juste. C'est clairement le premier moteur de mon engagement professionnel, et ce n'est pas un hasard si j'ai choisi comme domaines le social puis l'éducation en début de carrière.

Ensuite, comme beaucoup de gens, j'ai progressivement développé ces dernières années, avec le dérèglement climatique, une conscience plus forte des enjeux écologiques, et je suis vraiment heureuse de faire partie de l'aventure lyonnaise qui a débuté en 2020. J'ai la chance d'évoluer dans un collectif de travail de grande qualité à mes yeux : élus, DG, équipes. C'est cet engagement collectif qui m'aide à me lever chaque matin, même si le compteur de sommeil est un peu en déficit avec 3 enfants dont le dernier est encore bébé.

Quel est le projet qui vous a le plus marquée et dont vous êtes la plus fière ?

Gratianne Dumas : Je citerai le projet d'évolution de la direction de l'éducation de la Ville de Lyon auquel j'ai contribué entre 2012 et 2017. Cela date un peu au regard de ma trajectoire professionnelle, mais c'est à mon avis là que j'ai le plus appris dans la durée et que j'ai eu le sentiment d'avoir le plus d'impact.

J'ai été recrutée en 2012 à un moment où élus et DG étaient prêts à soutenir le développement de nouveaux moyens pour réaliser le projet éducatif local, et assumer une gestion plus territorialisée. La réforme des rythmes scolaires était au programme du président Hollande fraîchement élu. En 2 ans, nous avons construit et mis en place un modèle basé sur l'encadrement de proximité, avec une trentaine de créations de postes étalée dans le temps, et la restructuration totale de la ligne hiérarchique, confiant le management de l'ensemble des métiers hors fonction support ou expertes, à des responsables de territoire. Comme nous le pressentions, il a fallu très rapidement accueillir là-dessus la semaine de 4 jours et demi, restructurer et développer le périscolaire. C'était franchement complexe. Nous avions peu de temps pour rendre le dispositif opérationnel, beaucoup de vents contraires, le quotidien à assurer, des écoles en construction, etc. À Lyon, la réforme des rythmes a pu se faire notamment grâce à un partenariat avec les structures d'éducation populaire, et les cadres de la direction ont été exemplaires dans leur capacité d'adaptation, leur engagement, et l'esprit d'équipe. Ce furent 5 années très marquantes, pas toujours faciles mais cela a beaucoup compté dans mes apprentissages.

Avez-vous un rêve que vous souhaiteriez concrétiser ?

Gratianne Dumas : Pas vraiment un rêve précis ou un projet auquel je m'accroche en particulier. Disons que j'ai plutôt en continu une petite musique au fond de moi qui m'appelle à savourer davantage « la vraie vie », dans un quotidien toujours pressé. J'ai fait le choix d'accéder au poste de DGA que j'occupe lorsque j'attendais mon 3e enfant, j'aurais clairement pu faire un choix plus « pépère » mais j'en avais vraiment envie. Donc le rêve, ce serait d'avoir plus de temps. Pour mes enfants, pour moi, pour jouer du piano, faire plus de sport, m'engager dans une asso... Derrière cette aspiration « égoïste » et une situation très banale de conciliation des temps, il y a quand même l'idée du ralentissement, d'une écologie personnelle à respecter pour vivre un peu plus en harmonie avec les autres et la Planète ! Ce n'est pas un rêve grandiose à réaliser mais j'espère dans les années qui viennent cheminer sur ce sujet, au plan personnel et aussi en tant que manager, vu les débats qui traversent les collectivités et les entreprises sur la semaine de 4 jours et l'organisation du travail !

Quelles sont les rencontres qui vous ont le plus marquée dans votre carrière ?

Gratianne Dumas : La première rencontre marquante pour mon parcours s'est faite pendant ma scolarité à l'INET, avec l'équipe en charge du rapport « Au possible nous sommes tenus : la nouvelle équation sociale, 15 résolutions pour lutter contre la pauvreté des enfants ». En relisant ce long titre 18 ans plus tard, je me dis que tout y était pour me motiver ! Le personnage, la figure qui a beaucoup compté pour moi à l'époque était Martin Hirsch. Il incarnait à la fois le haut fonctionnaire, serviteur de l'État, et l'homme engagé (via Emmaüs), capable de réunir des patrons, des acteurs publics, des associations... autour d'objectifs communs pour s'attaquer à la pauvreté des enfants. J'ai rejoint avec enthousiasme la petite agence qu'il avait montée en 2006 pour mettre en œuvre les propositions du rapport sous forme d'expérimentations. J'ai adoré l'état d'esprit dans lequel nous travaillions : un fonctionnement de type associatif, des collègues issus du privé comme du public, une règle d'or consistant à associer au maximum les bénéficiaires à nos réflexions et propositions, le grand écart entre le travail de terrain, que nous menions dans une vingtaine de territoires en France et le volet stratégique et politique porté par Martin Hirsch. J'y ai énormément appris ! Sur l'action sociale, sur ce que permet une structure de type « start-up » et comment s'y développer, sur le travail avec les ministères au moment de la préparation de la loi généralisant le RSA fin 2008.

La deuxième rencontre, beaucoup plus récente mais tout aussi marquante pour moi, c'est Grégory Doucet. Je travaillais depuis 8 ans déjà à la Ville quand il a été élu. Parmi les dimensions du changement qu'il apporte à la tête de Lyon, il y a sa manière de travailler avec les services, et sa vision de la collaboration élus/administration. En 15 ans, j'ai côtoyé beaucoup d'élus, mais depuis 2 ans je découvre le travail en équipe de DG, plus proche de l'exécutif. L'écoute réciproque, la compréhension qu'a le maire des enjeux managériaux, sa vision de la conduite du changement, nourrie à mon avis de son parcours professionnel antérieur… font que c'est vraiment très agréable et enrichissant de travailler avec lui. Je le trouve vraiment à part dans la représentation que j'ai des élus à la tête de grandes collectivités, et très aligné entre ce qu'il promeut à l'extérieur et la manière dont il travaille avec nous.

J'ai cité là 2 leaders inspirants à deux moments de mon parcours, et ce sont des figures masculines ! En l'occurrence, au fur et à mesure de mon parcours, j'ai aussi pas mal pris conscience de la prédominance de modèles masculins et d'un manque de représentation des femmes dans les postes à haute responsabilité. Cela change, heureusement, et dans les rencontres qui m'ont forgée et aidée à tracer ma route ces quinze dernières années il y a aussi des femmes ! La complicité avec d'autres femmes concernées par la conciliation vie pro/vie perso, le soutien de coaches femmes à certains moments de mon parcours ont beaucoup compté. C'est la raison pour laquelle j'ai récemment adhéré à l'association Dirigeantes et Territoires qui fait un travail intéressant en rendant ces problématiques plus visibles dans la territoriale et en nous permettant de nous engager positivement pour l'égalité hommes/femmes.

Quelle est votre citation préférée et pourquoi ?

Gratianne Dumas : Très sincèrement les citations ne sont pas trop mon mode d'inspiration, mais j'ai choisi de mettre en avant une artiste que j'adore, Pina Bausch. Grande amatrice de danse, j'allais voir tous ses spectacles au Théâtre de la Ville quand j'étais étudiante à Paris, la première rencontre a été un choc tellement son langage chorégraphique était différent des autres. Et elle a dit : « Il faut apprendre à être touché par la beauté, par un geste, un souffle, pas seulement par ce qui est dit et dans quelle langue, percevoir indépendamment de ce que l'on « sait » ». C'est une belle citation je trouve, qui nous invite à entrer en relation avec les autres et avec le monde en se détachant un peu de nos codes habituels, du rationnel, du savoir. C'est une belle manière d'exprimer ce que l'art peut selon moi apporter à chacune de nos vies et aussi à la société dans son ensemble.

Quels sont les deux changements les plus importants qui ont impacté votre carrière ?

Gratianne Dumas : La crise Covid de 2020 est encore récente mais quand j'observe à quel point elle a modifié l'organisation du travail, catalysé des changements de comportements vis-à-vis du travail, j'ai tout de même l'impression que c'est le point de bascule le plus important rencontré ces 15 dernières années dans mon environnement de travail. Le moment de la crise elle-même telle que nous l'avons traversée en collectivité a été une période hors norme. Mais j'ai plutôt en tête ici ce que la crise aurait révélé ou accéléré d'un autre rapport au travail en collectivité via le développement du télétravail, de ce que la gestion de crise, sur la durée, a apporté comme enseignements, etc. Les sociologues, psychologues et autres experts savent bien mieux que moi décrire et analyser ces changements multidimensionnels et multifactoriels, pas forcément le seul fait d'une nouvelle génération entrant sur le marché du travail. Il n'empêche que depuis 2020, j'ai le sentiment de vivre une période très singulière, intéressante et pleine de défis en tant que recruteur et manager.

Si je me place dans la perspective de 15 années de parcours dans la territoriale, le deuxième changement qui m'a le plus impactée est peut-être lié à la place qu'ont pris les outils numériques dans les relations de travail et les relations aux usagers-citoyens. L'accélération du temps, la gestion de la communication au sein des organisations à travers les canaux mails/SMS/whatsapp et autres, le besoin qu'on ressent aujourd'hui de réhumaniser les relations, de faire preuve de plus de sobriété et discernement dans le recours au numérique, l'arrivée de l'IA... Je pense que ce paramètre technologique est celui qui a le plus impacté ma carrière et ce n'est pas fini !

 

Propos recueillis par Hugues Perinel

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