Portraits d'acteurs

Jules Nyssen

Jules Nyssen

Délégué général de Régions de France

« J'exerce un métier où chaque journée est une surprise, et où il faut savoir passer très rapidement d'un sujet à l'autre. La maîtrise globale du sens de l'action des régions, de ce qu'elles apportent au pays, le sentiment d'y apporter une petite pierre, sont des éléments très motivants. »

Quelles sont vos fonctions actuelles et les grandes étapes de votre parcours professionnel ?

Jules Nyssen : Je suis actuellement le délégué général de Régions de France, l'association qui représente les régions auprès des institutions françaises et européennes.

Je suis universitaire de formation, docteur en économie, agrégé du supérieur et j'ai commencé ma carrière en 1996 comme professeur de sciences économiques à l'Université Jean Monnet de Saint-Étienne avant d'être nommé à l'Université Aix-Marseille 2 en septembre 1998. À la même époque, j'ai rejoint le cabinet de Michel Vauzelle, Président de la Région Provence Alpes Côte d'Azur, pour m'occuper des dossiers universitaires, des lycées et de la formation professionnelle.

En 2001, j'ai été élu au conseil municipal de la ville d'Arles, dans les Bouches-du-Rhône, en charge du patrimoine et de l'enseignement supérieur, et j'ai conservé ce mandat jusqu'en 2004, date à laquelle j'ai été nommé directeur général des services de la région Provences Alpes Côte d'Azur.

Après 4 années marquées notamment par la mise en œuvre des textes de décentralisation, j'ai rejoint la ville de Montpellier comme DGS pendant 6 ans. Au renouvellement municipal de 2014, souhaitant faire évoluer ma carrière, j'ai fondé un cabinet conseil (ANAKENA conseil) et exercé comme avocat. Au cours de cette période, au-delà des activités de conseil au secteur public, j'ai eu la chance de pouvoir accompagner le projet du skipper Kito de Pavant pour le Vendée Globe 2016-2017.

En 2016, comme une nouvelle aventure, l'associé de Jean Nouvel, le montpelliérain François Fontès, m'a proposé de prendre la présidence exécutive de l'agence d'architecture de Jean Nouvel, ce que j'ai accepté de faire pour aider l'agence à passer un mauvais cap au plan économique.

Cette mission achevée, et souhaitant ensuite revenir vers le service public, j'ai choisi d'accompagner les collectivités locales sous l'angle des compétences de leurs agents, et à partir de 2017, j'ai exercé comme directeur de la délégation des Hauts-de-France du CNFPT puis en parallèle comme directeur de l'INSET de Dunkerque. Cet institut, hébergé dans un lieu incroyable, l'ancienne Halle aux sucres du port, prend en charge la formation initiale des directeurs de police municipale et conçoit pour le compte de l'ensemble du CNFPT les formations aux politiques d'urbanisme, d'aménagement du territoire, et de développement économique.

C'est alors qu'à l'été 2018 le cabinet Light consultants m'a contacté pour le poste de délégué général de Régions de France, où j'ai été recruté par Hervé Morin, et où j'ai l'honneur de travailler à présent sous la présidence de Renaud Muselier.

Si vous deviez décrire votre métier actuel en 3 mots, quels seraient-ils ?

Jules Nyssen : Piloter, influencer, produire.

C'est un métier d'influence, de « soft power » au service d'intérêts publics, ceux des conseils régionaux. Il faut porter haut, et ce n'est pas toujours facile dans un pays resté très jacobin, le rôle et surtout le sens de l'action des régions. Ce travail est le résultat d'un effort collectif dans lequel chacune des 18 régions françaises est directement impliquée. Ce « faible nombre » est porteur d'une grande richesse, car il permet une forme de « démocratie directe » au sein de l'association. Il donne beaucoup de sens à l'animation du réseau des régions à tous les niveaux, politique comme technique.

Quelles sont les qualités essentielles inhérentes à vos fonctions ?

Jules Nyssen : Il faut avant tout être un inlassable militant des régions. C'est un combat permanent. Il faut ensuite être un bon animateur, car l'Association des régions n'est pas leur ministère. Elle est simplement leur voix commune, et cette voix se construit à partir des apports de tous. Il faut enfin avoir un grand sens de l'intérêt général, le goût du service public et aimer la négociation !

Qu'est-ce qui vous fait lever chaque matin ?

Jules Nyssen : L'envie de découvrir, car j'exerce un métier où chaque journée est une surprise, et où il faut savoir passer très rapidement d'un sujet à l'autre. La maîtrise globale du sens de l'action des régions, de ce qu'elles apportent au pays, le sentiment d'y apporter une petite pierre, sont des éléments très motivants.

Quel est le projet qui vous a le plus marqué et dont vous êtes le plus fier ?

Jules Nyssen : Il est difficile de choisir, mais je crois quand même que le pilotage du chantier de construction du nouvel hôtel de ville de Montpellier, conçu par Jean Nouvel, reste une expérience incroyable. Il fallait faire en sorte de rester dans les clous de l'épure financière avec un architecte pour qui la contrainte budgétaire ne doit pas s'opposer à la création. Et il a fallu aussi faire d'une œuvre architecturale superbe un lieu de démocratie et de service public pour les citoyens, et un lieu de travail pour les agents. Le résultat est, je crois à la hauteur.

Avez-vous un rêve que vous souhaiteriez concrétiser ?

Jules Nyssen : J'aimerais faire le tour du monde à la voile en solitaire sur les traces de Bernard Moitessier. C'est un projet assez égoïste, mais cette introspection dans des conditions où une fois parti, on ne peut plus faire marche arrière, doit permettre de trouver réellement qui on est ! Mais soyons raisonnable, je n'ai plus vraiment l'âge pour faire ça !

Quelles sont les rencontres qui vous ont le plus marqué dans votre carrière ?

Jules Nyssen : Elles sont liées aux différentes étapes de mon parcours professionnel. Je pense en premier lieu à un universitaire, Jean-Jacques Laffont, fondateur de l'IDEI (Institut d'économie industrielle) à Toulouse, car il incarnait le pragmatisme américain dans le monde académique français habituellement si enclin à rester enfermé sur lui-même. C'est lui qui a fait venir à Toulouse le futur prix Nobel d'économie, Jean Tirole.

Je pense ensuite à l'homme politique, Michel Vauzelle, qui a su incarner la présidence d'un conseil régional avec beaucoup de solennité. Il avait une manière très digne de faire de la politique. Il croyait dans la force des institutions, et dans les symboles qui les représentent. Et puis, aux côtés de François Mitterrand, il a été le témoin de profonds changements du monde et il s'en faisait souvent le narrateur passionné !

Je pense enfin à un duo d'architectes : Jean Nouvel et François Fontès, associés au sein de l'agence de Jean Nouvel, pour la très haute vision de la création architecturale et de son rôle dans la société qu'ils portent, et pour les débats sans fin sur la dialectique de l'économie et de la création.

Quelle est votre citation préférée et pourquoi ?

Jules Nyssen : « In medio stat virtus ». On dit parfois que c'est une citation de vieux monsieur. Moi, je la trouve plutôt empreinte de sagesse. La vertu consiste à rechercher l'équilibre entre les extrêmes. Je crois que j'apprécie cette citation car je déteste la radicalité.

Quels sont les deux changements les plus importants qui ont impacté votre carrière ?

Jules Nyssen : La crise de la Covid-19 car elle a chamboulé l'ordre établi, et elle a créé (au début tout au moins) de nouvelles méthodes de travail et d'action publique entre l'État et les collectivités locales. Pendant un temps, les associations d'élus ont joué un rôle très important dans la formation de la décision publique d'urgence.

En 2009, j'ai été mis en examen dans une affaire de détournement de fonds publics dont j'avais moi-même fait le signalement au titre de l'article 40 du Code de procédure pénale. Après trois années sans aucun autre acte de procédure que la comparution initiale devant un juge d'instruction qui m'a dit très directement que c'était pour lui un passage obligé pour atteindre un autre objectif, j'ai bénéficié d'un non-lieu sans équivoque. Mais les dégâts sont irrémédiables, et montrent que l'intégrité est un chemin semé d'embuches !

Propos recueillis par Hugues Perinel

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