Portraits d'acteurs

Portrait de Mathieu Lheriteau

Mathieu Lheriteau

Directeur général des services d’Agglopolys, Communauté d'agglomération de Blois

« Une première forme de mon engagement consiste à tomber amoureux du territoire pour lequel je travaille. À chaque prise de poste, je prends du temps pour déambuler, ressentir et m'imprégner de la géographie et du paysage de la collectivité dans laquelle je vais exercer. Chaque espace géographique a ses particularités et un DGS ne peut réussir s'il plaque les mêmes outils sur n'importe quelle administration. Il faut croire au développement de ce territoire et avoir envie de le porter en étendard ! »

Quelles sont vos fonctions actuelles ?

Mathieu Lheriteau : Depuis le 1er aout 2018, je dirige les services de la Communauté d'agglomération de Blois.

Quelles ont été les grandes étapes de votre parcours professionnel ?

Mathieu Lheriteau : Dès mon cursus à Sciences Po Paris dans les années 1990, j'ai souhaité intégrer le service public. Progressivement, je me suis rendu compte que c'était l'échelon local qui m'intéressait le plus car il permettait une véritable action publique au service des habitants. J'ai donc complété ma formation par ce que l'on appelait encore un Diplôme d'Études Approfondies (ancêtre du master) de gestion publique locale au Centre d'Études et de Recherche sur la Vie Locale à Sciences Po Bordeaux et j'ai passé le concours d'administrateur territorial.

Ma première expérience professionnelle a été très formatrice et a déterminé la suite de ma carrière. J'ai occupé les fonctions de directeur administratif et financier du Département de la Haute Corse. J'ai dû rapidement transposer mes connaissances théoriques en expertise pratique. Et je vous assure que gérer un budget, c'est plus compliqué que suivre un cours de finances publiques ! La DGS de l'époque, Marie-Claude Santini m'a transmis son savoir-faire et a été un véritable modèle de rigueur et d'engagement. Je lui dois beaucoup. Outre la gestion de dossier, j'ai aussi pris beaucoup de plaisir à encadrer des équipes aux parcours variés.

J'ai ensuite progressivement élargi mes fonctions au gré de mes postes. En Lot et Garonne, j'ai renforcé mon expertise en gestion de patrimoine et en gestion des satellites, en particulier le suivi de la SEM Départementale. À la ville d'Orléans, j'ai piloté l'ensemble des fonctions ressources. Le statut de la fonction publique et la gestion des ressources humaines me sont devenus familiers tout autant que le pilotage de projets informatiques. C'est d'ailleurs à Orléans, que j'ai commencé à m'investir au sein du SNDGCT, syndicat des DGS de collectivités pour lequel je suis devenu un référent en modernisation numérique de l'administration.

Depuis 2002, j'ai exercé les fonctions de Directeur Général des Services dans trois villes d'Île-de-France : Saint-Germain-en-Laye, Asnières-sur-Seine puis Noisy-le-Grand. À chaque fois les projets étaient différents, les élus étaient différents mais le métier reste à peu près le même. Il s'agit de conseiller les élus et les assister dans la mise en œuvre de leur projet politique. Mais le vrai cœur de ce métier, c'est le management d'équipes nombreuses aux métiers différents !

Faute de statut clair, le métier de DGS de collectivité est souvent réduit à une fonction généraliste sans technicité. Or, il n'existe presque nulle part ailleurs dans le monde professionnel des emplois nécessitant une aussi large polyvalence, une grande aptitude à l'anticipation et une capacité d'adaptation. Une collectivité locale est une « entreprise » multi-services au plus près de ses « clients » !

Citez le projet qui vous a le plus marqué et dont vous êtes le plus fier ?

Mathieu Lheriteau : C'est une question trop difficile pour moi qui aime m‘investir pleinement dans tous les projets ! Si je dois me limiter à un seul projet, je citerai un des premiers et des plus emblématiques dans mon parcours : la relance de l'exploitation de l'eau minérale d'Orezza en Haute Corse. Il est emblématique de ma conception du métier de cadre territorial.

En premier lieu, il a fallu croire au développement de cette petite commune au cœur de la Castagniccia. Le but était de passer d'un site patrimonial appartenant au Département à un projet de développement économique créateur d'emplois et de visibilité pour cette partie montagneuse de la Corse. En second lieu, il fallait concevoir le cadre juridique de ce partenariat public/privé. La préparation et la négociation d'un contrat de délégation de service public est une occasion unique pour affirmer les exigences et les valeurs de la puissance publique tout en s'ouvrant aux initiatives privées. La rigueur juridique n'est pas un obstacle aux projets, c'est un cadre à respecter pour garantir l'intérêt général ! Enfin, un projet local réussi nécessite d'associer de nombreuses compétences et de faire collaborer en transversalité des services habitués à fonctionner en mode silo par métier. Dans ce cas, il fallait veiller au respect de l'environnement tout en rendant le site accessible.

Aujourd'hui lorsque je vois une bouteille d'eau d'Orezza dans un magasin ou un restaurant, je suis fier d'avoir contribué à ce projet ambitieux et concret.

Avez-vous un rêve que vous souhaiteriez concrétiser ?

Mathieu Lheriteau : Je pense que les envies sont plus constructives que les rêves. Et des envies à concrétiser j'en ai plein !

La dernière était ma volonté de travailler dans une communauté d'agglomération. Je suis convaincu que l'échelon intercommunal est le bon niveau d'intervention publique. En effet, il dispose de moyens financiers que les communes perdent progressivement et il constitue un niveau suffisamment proche pour exercer des compétences de proximité et suffisamment large pour les gérer de manière la plus optimale. À une époque où la mobilité réduit les distances, les bassins de vie sont le plus souvent à l'échelle des agglomérations.

Comment décririez-vous votre engagement personnel en tant qu’acteur public ?

Mathieu Lheriteau : Dans chacun de mes postes, mon engagement a été double.

Une première forme de mon engagement consiste à tomber amoureux du territoire pour lequel je travaille. À chaque prise de poste, je prends du temps pour déambuler, ressentir et m'imprégner de la géographie et du paysage de la collectivité dans laquelle je vais exercer. Chaque espace géographique a ses particularités et un DGS ne peut réussir s'il plaque les mêmes outils sur n'importe quelle administration. Il faut croire au développement de ce territoire et avoir envie de le porter en étendard !

Mon second engagement est l'implication totale dans l'équipe dont je prends la tête. J'aime rencontrer les agents des différents services et avoir envie de travailler avec chacun quel que soit son parcours précédent. Il faut donner envie à tous les agents de travailler pour leur collectivité. À ce titre, je conçois mon métier comme une exigence d'exemplarité. Il faut être exemplaire dans le respect humain dû à chaque collègue pour améliorer la qualité de vie au travail de tous. Il faut être exemplaire dans le respect des règles collectives pour exiger la même rigueur de tous ses collègues. Il faut être exemplaire dans l'écoute des usagers pour réaffirmer que notre rôle est d'être au service du public.

Quelles sont les qualités essentielles inhérentes à vos fonctions ?

Mathieu Lheriteau : Au risque de me répéter, je crois que la première qualité nécessaire est l'ambition, non pas pour soi, mais pour son territoire et ses collègues. Il faut vouloir tracer un parcours de développement ; le développement économique et la croissance démographique sont les indicateurs les plus évidents. Mais, il y a aussi la qualité du paysage avec une vision en termes d'aménagement du territoire. Enfin, l'ambition elle est aussi pour que les agents de sa collectivité puissent trouver le poste et les missions qui vont leur permettre de décupler leur travail par plaisir et attachement.

Une autre qualité nécessaire est l'aptitude au management d'équipes. Les collectivités sont très souvent des structures employant un nombre très important de collaborateurs. Il faut connaître le statut de la fonction publique pour savoir expliquer le cadre juridique dans lequel les agents se situent et ainsi les convaincre de leur capacité à évoluer soit dans des métiers différents soit par les concours.

Enfin, la troisième qualité est le souci du concret et de la satisfaction de l'usager. Diriger une collectivité, c'est être en contact direct avec la population. Il faut travailler avec les habitants tout au long des projets. La concertation en amont permet de gagner du temps en évitant de nombreux recours stériles. Elle permet aussi d'adapter la politique publique pour répondre à un maximum d'attentes et ainsi être plus économe de moyens. L'écoute des habitants permet de s'ajuster à tout moment mais aussi de leur rappeler leurs obligations à eux-aussi vis-à-vis des agents publics. Lorsque les habitants connaissent leurs interlocuteurs, ils sont souvent plus respectueux du travail réalisé.

Quelles sont les rencontres qui vous ont le plus marqué dans votre carrière ?

Mathieu Lheriteau : Comme mes réponses précédentes ont pu le montrer, je considère qu'il faut être enthousiaste pour exercer ce métier. Pour cela, il faut « être tiré vers le haut ». Je remercie donc les trois directeurs généraux successifs qui m'ont montré les différentes facettes du métier. Marie-Claude Santini, Alain Vieuxloup et Joël Boscher m'ont tous trois beaucoup apporté.

J'ai aussi une très grande admiration pour les élus auprès desquels j'ai travaillé. J'ai beaucoup appris de Jean-Pierre Sueur, alors Maire d'Orléans ; il avait une vision tellement juste des aménagements nécessaires à l'essor de sa ville. J'ai été vraiment « challengé » par Emmanuel Lamy, Maire de Saint-Germain-en-Laye qui exigeait une maîtrise parfaite des dossiers et ne laissait rien passer ! J'ai été admiratif de la capacité de Sébastien Petrasanta à passer de jeune maire d'Asnières-sur-Seine à brillant député et expert en sécurité intérieure. J'ai hâte de travailler auprès de Christophe Degruelle, président d'Agglopolys, communauté d'agglomération de Blois dont la méthode de travail inclusive et la réflexion sur le grand paysage m'ont convaincu de rejoindre son équipe.

Quels sont les deux changements les plus importants qui ont impacté votre carrière ?

Mathieu Lheriteau : Je crois que tout DGS de collectivité vous répondra que ce sont les alternances politiques successives qui ont réorienté leur carrière.

Même si je me revendique comme un technicien expert de la gestion publique locale et non comme un DGS « politique » (à ce titre, je suis très fier d'avoir collaboré pour des élus aux appartenances politiques diverses), j'ai subi différentes alternances et j'ai parfois fait le choix plus ou moins contraint de la mobilité pour retrouver une motivation professionnelle.

Comme tout changement dans une organisation, le renouvellement des équipes est bénéfique à une collectivité. Mais il doit se faire en capitalisant sur les acquis pour progresser et non pas en essayant d'effacer les actions de son prédécesseur. On construit mieux quand on a de bonnes fondations ! À ce titre, je souhaite saluer le courage de Brigitte Marsigny, maire de Noisy-le-Grand qui, lors de son élection, n'a pas écouté les « conseils » de ses amis politiques et a voulu travailler avec mon équipe de direction générale. Elle a considéré que le professionnalisme devait primer et que la confiance se gagnerait avec le temps. Elle a légitimement exigé la totale transparence. Cela a rassuré les équipes et a permis de ne pas perdre de temps dans la mise en œuvre de ses projets pour la ville. Ces deux dernières années sont la preuve que la continuité administrative n'est pas un obstacle à une modification d'orientation des choix politiques, bien au contraire !

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