Portraits d'acteurs

Sonia Blond Butlen

Sonia Blond Butlen

Secrétaire Générale de l'Institut national de recherches archéologiques préventives (INRAP)

«  J'ai pris comme chacun des décisions de mobilité géographique ou professionnelle parfois difficiles, sans toujours avoir le sentiment de les désirer ou de les choisir pleinement. Mais à chaque fois, j'ai accepté de prendre un risque, de sortir de ma zone de confort et face à l'adversité, j'ai transformé la contrainte en opportunité. ».

Quelles sont vos fonctions actuelles et les grandes étapes de votre parcours professionnel ?

Sonia Blond Butlen : J'ai toujours cultivé une double culture, littéraire et scientifique, qui a structuré mon mode de pensée et ma manière d'être. Historienne et géographe, urbaniste et ingénieure, j'ai commencé ma carrière en région parisienne sur des postes de directrice de l'urbanisme et de l'aménagement en Seine-Saint-Denis puis dans le Val-de-Marne. Très rapidement, j'ai évolué vers la direction de services techniques avant d'opérer une mobilité géographique à Lyon. Là, j'ai expérimenté le pilotage de projets urbains et d'espaces publics dans une grande structure (Métropole de Lyon). Après avoir réussi le concours d'ingénieur en chef, j'ai engagé une nouvelle mobilité géographique et professionnelle en prenant un poste de Directrice Générale des Services Techniques au Puy-en-Velay (Haute-Loire). J'ai choisi de revenir sur Lyon en 2018, dans le cadre d'un détachement à l'État au sein de l'Institut National de Recherches Archéologiques Préventives, sur des missions de Secrétaire Générale.

Ces différentes mobilités (professionnelles, géographiques) m'ont nourrie dans mon rapport au service public, au territoire et aux citoyens. Les problématiques économiques et sociales, les moyens d'actions et la temporalité ne sont pas les mêmes si vous êtes en responsabilité dans la banlieue parisienne, dans une métropole régionale ou dans un département très rural.

Mais chaque fois, c'est bien le sens du service public qui m'anime.

Si vous deviez décrire votre métier actuel en 3 mots, quels seraient-ils ?

Sonia Blond Butlen : Je dirai de mon poste aujourd'hui qu'il mobilise la double culture (scientifique et littéraire) qui est la mienne. C'est ce dialogue (parfois compliqué) entre services opérationnels et fonctionnels que j'essaie d'instiller au quotidien. J'ai également le plaisir de travailler dans un institut de recherche, qui conduit des chantiers et travaille sur l'histoire. Une belle réconciliation de mes deux « univers parallèles » ! Enfin, au travers de nos missions de valorisation, je contribue à la diffusion auprès de tous les publics de notre bien commun : la connaissance des hommes du passé, de leur manière de vivre et d'occuper le territoire.

Quelles sont les qualités essentielles inhérentes à vos fonctions ?

Sonia Blond Butlen : Comme dans le cadre de mes précédents postes, il m'est essentiel de cultiver et de déployer chaque jour les qualités d'un dirigeant : vision, pragmatisme et détermination.

Ces qualités sont intrinsèquement liées à la confiance qui se travaille au quotidien. Non pas la confiance aveugle, qui vous conduit à l'entêtement (je dois réussir même si tous les vents sont contraires et que la réalité me donne tort), mais bien plutôt une forme d'espérance. Le chemin peut être ardu, semé d'embûches, mais s'il est gravi avec bienveillance et éthique, dans le respect de l'autre, alors vous pouvez abattre des montagnes.

Qu'est-ce qui vous fait lever chaque matin ?

Sonia Blond Butlen : Le bonheur de déposer un baiser sur le front de chacun de mes trois garçons.

Quel est le projet qui vous a le plus marquée et dont vous êtes la plus fière ?

Sonia Blond Butlen : Au niveau professionnel, c'est sans doute à Clichy-sous-Bois, en Seine-Saint-Denis, où j'ai piloté une large concertation dans le cadre de l'élaboration du Plan local d'urbanisme. Je me souviens, lors d'une des toutes premières réunions, du témoignage de deux habitants nous exprimant leurs attentes. « J'aimerais que ma rue soit plus fleurie, moins sale, que les poubelles et les crottes de chiens soient ramassées tous les jours », dit le premier. « J'aimerais qu'il n'y ait plus de rats dans la chambre de mes enfants. C'est difficile, chaque matin, de soigner leurs morsures aux pieds. Il y a peut-être des maladies », dit le second. J'aime ce contraste, qui ne vient pas légitimer ou délégitimer l'un ou l'autre témoignage. Les deux se complètent, s'enrichissent et in fine, c'est à travers la rencontre et le dialogue de ces deux univers, de ces deux humanités, que l'on parvient à construire un « vivre ensemble ».

Sur le plan personnel, j'éprouve une grande fierté d'avoir chanté en tant que choriste amateur (soprane) un oratorio de Mozart, Davide Penitente, avec des solistes professionnels et un orchestre symphonique. La musique nous enseigne l'humilité, l'écoute de l'autre et cette recherche du beau, sans cesse renouvelée. Quel ravissement de dialoguer avec les autres pupitres, les solistes, les instruments, chacun avec son timbre, sa vibration intérieure, sa « manière d'être », sans parler bien sûr de l'énergie et de la résonnance qui se dégagent lorsque l'émotion traverse le public !

Avez-vous un rêve que vous souhaiteriez concrétiser ?

Sonia Blond Butlen : Retourner au lac Baïkal avec mon mari et mes trois enfants en hiver et marcher sur la glace dans le scintillement du soleil levant. Nous sommes allés en Sibérie à l'été 2019 et je sentais déjà, à l'époque, une forme d'urgence à découvrir et à humer ces lieux magiques. Comme une sensation de « première et dernière fois ». L'actualité que nous connaissons tous vient éclairer bien tristement cette intuition d'alors.

Quelles sont les rencontres qui vous ont le plus marquée dans votre carrière ?

Sonia Blond Butlen : Je garde un souvenir très fort de Claude Dilain, qui a été maire de Clichy-sous-Bois, conseiller général et sénateur de Seine-Saint-Denis. J'ai travaillé plus de 4 ans à ses côtés. Cet homme, fils d'ouvrier devenu pédiatre, est resté fidèle à son territoire, où il a exercé en tant que médecin au service de tous, et au premier chef des plus pauvres.

Il demeure pour moi une figure politique de premier plan, sachant écouter, soutenir mais aussi prendre position et décider. À peine sortie des bans de l'université, prenant mon premier poste de direction dans la territoriale, j'ai traversé des épreuves difficiles comme les émeutes urbaines de 2005, qui ont démarré à quelques mètres de mon bureau. Sans le soutien du Directeur Général des Services d'alors, Stéphane Le Ho, et celui de l'équipe politique, en particulier de Claude Dilain, nous aurions pu sombrer dans une forme de nihilisme en se disant : « À quoi bon ? Pourquoi s'engager au service des autres, de nos concitoyens, si tout est cassé, piétiné, incendié ? ». Les paroles de soutien et d'accompagnement que j'ai reçues, tout comme mes collègues directeurs, nous ont permis de continuer et d'avancer.

« Ce qui ne tue pas rend plus fort ». Ces événements fondateurs ont été déterminants pour la suite de ma carrière et je dirai même pour ma construction personnelle. Malgré la violence et la haine, continuer d'aller vers l'autre et comprendre. Comprendre et agir.

Quelle est votre citation préférée et pourquoi ?

Sonia Blond Butlen : « N'ayez pas peur ! ». Cette injonction, dont on retrouve des occurrences dans les Écritures et les Évangiles, peut être lue, avec un éclairage laïc, comme une invitation à rester debout, à avoir confiance et à suivre son chemin de vie non pas avec résignation, mais dans la joie.

Quels sont les deux changements les plus importants qui ont impacté votre carrière ?

Sonia Blond Butlen : Il m'est difficile de répondre à cette question car je n'ai pas le sentiment d'avoir « subi » ma carrière ou que celle-ci ait été guidée par des événements extérieurs. Bien sûr, j'ai pris comme chacun des décisions de mobilité géographique ou professionnelle parfois difficiles, sans toujours avoir le sentiment de les désirer ou de les choisir pleinement. Mais à chaque fois, j'ai accepté de prendre un risque, de sortir de ma zone de confort et face à l'adversité, j'ai transformé la contrainte en opportunité. « N'ayez pas peur ! ». C'est sans doute mon guide, ma lanterne que je garde levée.

 

Propos recueillis par Hugues Perinel

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