La moitié des mineurs pris en charge par l’aide sociale à l’enfance (ASE) souffre d’au moins un trouble psychique. C’est cinq fois plus que la moyenne nationale, rappelle une note du think tank Terra Nova publiée fin août 2024. L’accueil en établissement ou en famille est en lui-même une étape difficile. Il perturbe l’attachement, limite le contrôle des enfants sur leur propre vie et entraîne des déplacements fréquents. Or, « malgré l’ampleur de ces défis, l’accès à un soutien psychologique est rare et complexe », déplore l’auteure de la note.
Le manque d’informations quantitatives sur la santé mentale des enfants de l’ASE complique l’analyse en la matière, explique Terra Nova. Les études spécifiques sont quasiment inexistantes ou limitées à une zone géographique, alors que l’ASE concerne 377 000 enfants et mobilise un budget annuel de 10 milliards d’euros. « À l’heure où l’ASE est au cœur de plusieurs drames et où une commission d’enquête de l’Assemblée nationale s’était créée pour se pencher sur ses défaillances, il est essentiel de reconnaître que les soins psychiques, loin d’être un luxe, sont un besoin fondamental. Ils constituent la base indispensable pour surmonter les traumatismes et permettre à ces enfants de se construire un avenir adulte, plaide l’auteure de la note. Comment espérer avancer sans traiter les troubles passés et les difficultés liées au placement ? Comment croire que des enfants confrontés à l’inceste, au viol, aux coups ou à l’abandon puissent, sans suivi psychologique, laisser derrière eux l’horreur et s’épanouir ? Pourquoi, pendant le placement, les soins psychologiques sont-ils si difficiles d’accès ? »
Il est donc impératif de revoir notre approche de la santé mentale des enfants de l’ASE, recommande Terra Nova. Selon le think tank, les soins psychiques devraient être considérés comme une évidence dans le cadre d’une expérience qui est l’une des plus traumatisantes que l’on puisse imaginer. Ils doivent être intégrés de manière systématique et prioritaire dans le cadre de leur prise en charge.
À l’œuvre depuis avril 2024, la commission d’enquête de l’Assemblée nationale chargée d’évaluer les défaillances de l’aide sociale à l’enfance représentait une opportunité pour mettre en avant le caractère prioritaire de la santé mentale de ces enfants. « Éloignés par tant d’obstacles des services de pédopsychiatrie et des consultations psychologiques, ils sont pourtant ceux qui en ont le plus besoin. Sans un diagnostic précoce, des soins systématiques et à long terme tout au long des difficultés du placement, comment espérer l’épanouissement et la réussite de ces jeunes ? », interroge à nouveau l’auteure de la note. La dissolution de l’Assemblée nationale, le 9 juin 2024, a mis fin à ses travaux. Nul ne sait s’ils reprendront un jour.