Sport, école, colonies : les victimes de violences sexuelles appelées à témoigner

Publié le 12 janvier 2022 à 13h00 - par

La Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise) lance mercredi 12 janvier 2021 un appel à témoigner aux victimes au sein d’une institution, comme les écoles, les clubs de sport ou les foyers de l’aide sociale à l’enfance.

Sport, école, colos : les victimes de violences sexuelles appelées à témoigner

Depuis son premier appel à témoignages en septembre 2021, la Ciivise indique avoir collecté quelque 8 200 témoignages. Sur les 3 800 premiers analysés en novembre 2021, 80 % concernent l’inceste, 10 % des personnes victimes en institutions, les autres dans l’espace public. Selon cet échantillon restreint et non représentatif, les victimes en institutions avaient en moyenne 10 ans au début des violences. 3 sur 10 les ont subies dans un établissement scolaire, entre 2 et 3 sur 10 en institution religieuse, 20 % en colonie de vacances. « Après la publication en octobre 2021 du rapport Sauvé sur les violences sexuelles dans l’Église catholique, nous avons reçu plus de témoignages de victimes dans les institutions », explique à l’AFP Edouard Durand, coprésident de la Ciivise.

Sports de glace, gymnastique, natation, tennis : de nombreux cas de violences sexuelles ont été révélés ces dernières années en France et à l’étranger, par des sportifs de haut niveau. Le ministère des Sports a mis en place une cellule de lutte contre les violences sexuelles, qui avait reçu en décembre 2021 600 signalements. Dans le sillage de la publication du livre de Camille Kouchner, « La familia grande », la Ciivise est chargée de disséquer les mécanismes des violences sexuelles pour faire des préconisations de politiques publiques. « Chaque jour, nous recevons des mails de gens qui ont témoigné et disent combien cela a été important pour eux. Leur parole va nous permettre de documenter les stratégies des agresseurs et construire des politiques publiques de protection des enfants. Nous avons besoin de la parole des victimes, elle est notre légitimité », explique le juge Durand. Or souvent les victimes n’ont pas osé parler à l’époque où n’ont pas été entendues, comme témoigne auprès de l’AFP un homme aujourd’hui âgé de 30 ans.

Chape de plomb

« J’avais onze ans, j’allais régulièrement dans un centre pour malvoyants. Un jeune de quinze ans m’avait attiré dans les toilettes et m’a forcé à des actes sexuels. Une éducatrice nous a surpris, j’étais soulagé, j’ai pensé qu’elle allait me sauver. En fait nous avons été sermonnés tous les deux. Personne ne m’a interrogé, écouté », raconte cet homme qui veut garder l’anonymat. « Cela a continué, jusqu’au viol. Les éducateurs pensaient que j’étais consentant. J’ai été traité comme un coupable. J’ai perdu confiance dans les adultes, j’en ai gardé une culpabilité et des troubles profonds ».

La Ciivise appelle aujourd’hui ces victimes à témoigner par le biais de son site, par courrier ou mail ([email protected]) ou dans ses réunions publiques à travers la France. Deux lignes téléphoniques sont également dédiées au recueil de témoignages (0805 802 804 et 0800 100 811 pour l’Outre-mer), avec des écoutants formés qui peuvent guider les victimes vers des aides juridiques ou des soins.

Les violences sexuelles concernent des actes sexuels imposés avec violence physique ou sous une contrainte morale, psychologique. « Pour rester impuni, l’agresseur cherche à imposer le silence à l’enfant et au groupe. Toute institution doit faire un effort pour vérifier qu’aucun agresseur ne s’est immiscé en son sein », indique le juge Durand. Pour Isabelle Frechon, coauteure du rapport « Violence sous protection » publié par l’Ined en 2021, les violences sexuelles que subissent les enfants placés sont « la forme de violence la plus taboue. Il y a une chape de plomb forte. Les jeunes avaient besoin qu’on arrête l’enregistreur pour en parler, ils en parlaient longtemps après » les faits. Les institutions manquent de protocoles pour savoir comment gérer les cas, et les témoignages des enfants sont « minimisés ou accueillis avec méfiance », selon cette chercheuse au CNRS (laboratoire Printemps de l’Université Paris Saclay).

Dans certains cas, agresseurs et agressés restent ensemble en institution, faute de place ailleurs. Dans d’autres, c’est la victime qu’on éloigne, ce qui entraîne des parcours plus chaotiques. Selon le même rapport, « on estime que 31 % des filles et 12 % des garçons placés ont été victimes de violences sexuelles, quels que soient l’auteur et le moment », pendant leur placement ou avant.

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