Réforme de la PSC : l’urgence d’accélérer dans les collectivités

Publié le 9 septembre 2025 à 9h00 - par

Avec l’adoption au Sénat, le 2 juillet dernier, de la proposition de loi transposant l’accord national de 2023 sur la protection sociale complémentaire (PSC) en matière de prévoyance, le volet législatif semblait enfin sur les rails. Mais entre un Parlement paralysé par le contexte politique actuel et le report de la mise en œuvre au 1er janvier 2029, le chemin semble encore long, face à l’urgence de mieux protéger les agents. Reste que les employeurs ont aussi la possibilité d’anticiper.

Réforme de la PSC : l'urgence d'accélérer dans les collectivités
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L’accord national collectif du 13 juillet 2023 portant sur le volet prévoyance de la protection sociale complémentaire (PSC) dans la fonction publique territoriale (FPT) a besoin d’une transposition législative pour que ses principales dispositions soient effectives, en particulier une généralisation des contrats à adhésion obligatoire et la participation minimale de l’employeur à 50 %. Si le ministre de la Fonction publique, Laurent Marcangeli, affichait en janvier 2025 sa volonté « d’aller le plus vite possible », soutenant d’ailleurs la proposition de loi (PPL) transpartisane, déposée en février par la sénatrice Isabelle Florennes, l’examen parlementaire n’a finalement débuté que cet été. Deux longues années et autant de frustrations, voire même d’agacements, tandis que la transposition de l’accord interministériel à l’État, signé après celui de la territoriale, l’a été automatiquement par la loi de finances pour 2024.
Faut-il le rappeler, employeurs et organisations syndicales (OS) avaient demandé au gouvernement d’engager une procédure accélérée, sans suite. En plein embouteillage législatif au Parlement, la PPL devait donc connaître une navette classique, avec deux lectures dans chaque chambre (sauf si, après l’adoption en première lecture du texte par le Sénat le 2 juillet, les députés l’adoptaient sans modifications). Mais dans le contexte politique actuel, qu’adviendra-t-il de ce texte qui avait été déposé le 3 juillet à l’Assemblée nationale ? Ce chantier, comme d’autres, pourrait en effet rester bloqué encore un bon moment, ce qui serait une mauvaise nouvelle pour les agents territoriaux, le service public et l’attractivité des collectivités.

Un report de la PSC au 1er janvier 2029 pour gagner du temps ?

Pour l’heure, l’adoption du texte par le Sénat, avec modifications, constitue une nouvelle étape franchie, même si une mesure ne passe pas auprès de l’intersyndicale, l’annonce ayant d’ailleurs été faite par le ministre de la Fonction publique par voie de presse le 17 juin, tordant le cou au dialogue. Il s’agit du report au 1er janvier 2029 de l’application de la loi, pour les collectivités ne disposant pas encore de contrat collectif. « Il me paraît raisonnable de reporter la date de l’entrée en vigueur de cette généralisation, a expliqué Isabelle Florennes lors de l’examen au Sénat, afin que les collectivités aient le temps de conclure leurs nouveaux contrats », le temps de lancer les appels d’offres et de préparer les procédures en vue de la conclusion de ces contrats collectifs. Pourtant, comme le souligne Pascal Kessler, secrétaire général de la FA-FPT, « l’accord signé en 2023 prévoyait une phase transitoire pour permettre aux collectivités de se mettre en conformité d’ici le 1er janvier 2027, voire jusqu’au terme des contrats en cours ».
Vent debout, les organisations syndicales ont interpellé le ministre dans un courrier en date du 27 juin : « depuis le 1er janvier 2025, alors que tous les agents auraient dû être couverts, il s’avère que plus de 100 000 agents ont renoncé à souscrire à une prévoyance. Repousser la date limite d’effectivité de la loi au regard des difficultés économiques liées aux décisions de ne pas augmenter le point d’indice, de supprimer la GIPA, d’abaisser le niveau d’indemnisation des congés maladie ordinaire va conduire à plus de difficultés sociales et de risque pour la santé des agents ». La Fédération Interco CFDT craint, de surcroît, « que ce report permette encore, une nouvelle fois, aux employeurs réticents de gagner du temps, ceci aux dépens des agents qui ne seront pas obligatoirement couverts d’ici cette échéance ou bien seulement… à hauteur de 7 euros », avec donc un reste à charge important. Pour rappel, depuis le 1er janvier 2025, chaque employeur territorial a l’obligation de participer à la prévoyance de ses agents à hauteur de 7 euros minimum par mois (20 % d’un montant de référence de 35 euros).
Les arguments des OS seront-ils alors entendus par les députés, ouvrant la porte à un possible compromis au 1er janvier 2028 ? À suivre.

Santé des agents : une situation qui s’aggrave

Il y a urgence. Comme le montre le Panorama de la santé au travail des agents des collectivités du groupe mutualiste Relyens (2024), les durées d’absences des agents territoriaux sont plus longues avec une gravité plus importante, en hausse de 8 % en cinq ans et de 27 % en 10 ans.
« Avec le report incessant de l’âge de la retraite, nous avons de plus en plus d’invalidités, rapporte également Jean-Marc Grizot, vice-président de la Fédération nationale des centres de gestion (FNCDG) et président délégué du CDG de Saône-et-Loire (71). J’y siège depuis une vingtaine d’année, et nous voyons maintenant beaucoup de licenciements pour invalidité, alors que nous n’en avions pas ».
En lien avec la réforme de la PSC et le volet prévoyance, le Panorama propose par ailleurs un focus sur le demi-traitement, qui intervient au bout de 90 jours d’arrêt en maladie ordinaire (ou d’arrêts cumulés sur les 365 jours précédent) mais aussi « consécutif à une longue maladie, une longue durée ou lors de dispositifs de disponibilité d’office ». Ainsi, en 2023, « dans les effectifs d’agents en arrêt pour raison de santé, près de 20 % sont à demi-traitement », une part qui augmente chaque année. La maladie ordinaire « concentre la moitié des jours d’absence indemnisés et les deux-tiers des agents en demi-traitement avec une part importante d’arrêts multiples ».
Un éclairage est également apporté sur le montant annuel moyen du demi-traitement perçu par les agents sinistrés, qui s’avère plus faible chez les plus jeunes. L’occasion de rappeler la grande précarité dans laquelle peut se retrouver un agent sans couverture prévoyance. Sans oublier non plus que depuis le 1er mars, les agents en congé de maladie ordinaire ne touchent plus que 90 % (contre 100 %) de leur traitement indiciaire (diminution qui impacte également la NBI, le CTI et les primes calculées sur la base du traitement indiciaire) durant les trois premiers mois de leur congé. Comme l’a souligné Philippe Laurent, président du Conseil supérieur de la FPT (CSFPT), « 10 % de rémunération en moins, c’est beaucoup pour les agents de catégorie C, dont je le rappelle, la fonction publique territoriale est composée aux trois quarts ».

Peu de collectivités ont anticipé l’application de la réforme de la PSC

Rien n’interdit cependant les employeurs d’anticiper l’entrée en vigueur de l’accord national collectif au niveau local. C’est ce qu’ont déjà fait une dizaine de grandes collectivités dont Rennes Métropole (voir l’interview d’Emmanuelle Rousset, dans WEKA le Mag n° 16, juillet-août 2024) et 11 centres de gestion, dont celui de Saône-et-Loire. Mais l’anticipation reste malgré tout encore timide. La sécurisation juridique du dispositif, qui a été précisée par le Sénat (lire l’encadré), est avancée comme motif ; d’autres attendent que leur convention en cours se terminent.
Est également mis en avant le contexte financier contraint, marqué notamment par une augmentation de 12 points sur quatre ans du taux de la CNRACL. Le report au 1er janvier 2029 « vise aussi à tenir compte de ceci de manière à lisser dans le temps l’effort demandé aux collectivités », a indiqué Catherine Di Folco, sénatrice et rapporteure de la commission des lois, lors de l’examen au Sénat. Jean-Marc Frizot tempère : « Il faut relativiser. Si je prends l’exemple de ma commune, Blanzy, où je suis conseiller municipal, le coût de la prévoyance pour une centaine d’agents, c’est 12 fois moins que l’augmentation de la CNRACL et je ne parle pas de la cotisation. Dans un cas, ça n’apporte rien aux agents, ni à l’employeur, dans l’autre, vous apportez une belle couverture à vos agents, face aux aléas de la vie – et je pense notamment aux familles monoparentales -, qui sinon iront frapper à la porte du CCAS ». Et de poursuivre avec optimisme : « nous nous apercevons que beaucoup de collectivités sont allées au-delà de l’accord minimal et c’est une grande et bonne surprise. En Saône-et-Loire, 86 % des collectivités adhérentes sont allées au-delà des 90 % pour les garanties, et environ 30 % sont allées au-delà de 50 % de participation (dont 40 collectivités à 100 %). Ce n’est donc pas un obstacle financier ! ».
Il ne faut toutefois pas occulter la complexité et la technicité du sujet, qui a été pointée lors du dernier congrès de la FNCDG, début juin, dans le cadre d’un atelier sur les accords négociés, pour toutes les parties prenantes. Et il le sera peut-être d’autant plus pour les nouvelles équipes municipales, de surcroît si les transpositions législatives et réglementaires de l’accord (les décrets devant être pris dans la foulée) ne sont toujours pas effectives.

Estelle Chevassu

Sécurisation du dispositif

L’article 4 de la proposition de loi sénatoriale, « qui cristallise les débats au sein du monde mutualiste », selon Catherine Di Folco, prévoit, lors de la conclusion d’un contrat collectif à adhésion obligatoire, que le nouvel organisme assureur prenne en charge les rechutes d’un arrêt de travail survenu avant la prise d’effet du contrat collectif.
L’article 5 concerne les agents en arrêt de travail à la date de mise en place du contrat collectif à adhésion obligatoire : ils ne devront souscrire à ce contrat qu’après avoir repris l’exercice de leur fonction pendant au moins 30 jours consécutifs. L’employeur, au moment de la prise d’effet du contrat collectif, doit informer ses agents en congés de maladie qu’ils peuvent y adhérer avant la fin du régime dérogatoire.

Pour aller plus loin : le dossier législatif

Retrouvez cet article dans WEKA Le Mag n° 23 à paraître – Septembre / Octobre 2025

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