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Protection sociale complémentaire (PSC) dans la FPT : que retenir de l’accord du 11 juillet 2023 ?

Publié le 16 octobre 2023 à 9h00 - par

Les négociations débutées en juillet 2022 dans la FPT entre les représentants des employeurs territoriaux membres de la « Coordination des employeurs publics territoriaux » et les organisations syndicales représentatives au Conseil supérieur de la fonction publique territoriale (CSFPT), ont abouti le 11 juillet 2023, avec quelques mois de retard sur l’échéance initiale, à la conclusion d’un accord collectif national portant réforme de la protection sociale complémentaire (PSC) des agents publics territoriaux.

Protection sociale complémentaire (PSC) dans la FPT : que retenir de l'accord du 11 juillet 2023 ?
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Même si cet accord doit encore faire l’objet d’une transposition règlementaire, voire législative, l’ensemble des acteurs de la fonction publique territoriale (FPT) doivent d’ores et déjà en maitriser le contenu pour être prêts à la mise en œuvre de la réforme.

La poursuite de l’élaboration d’un nouveau cadre juridique

Pour rappel, aux termes de l’ordonnance du 17 février 2021 relative à la réforme de la PSC et du décret du 20 avril 2022 relatif aux garanties de protection sociale complémentaire et à la participation obligatoire des collectivités territoriales et de leurs établissements publics à leur financement, les employeurs publics territoriaux et leurs établissements publics devront participer à la couverture de leurs agents en matière de Prévoyance lourde, à hauteur d’au moins 7 euros, à compter du 1er janvier 2025 et de Frais de santé, à hauteur d’au moins 15 euros, à compter du 1er janvier 2026.

Ce financement sera versé au titre d’un contrat ou règlement individuel labellisé ou d’un contrat d’assurance collectif. Dans le cas d’un contrat collectif d’assurance, l’adhésion des agents sera en principe facultative. Toutefois, les collectivités territoriales et leurs établissements publics pourront conclure des accords valides, au sens du Code général de la fonction publique (CGFP), prévoyant l’adhésion obligatoire des agents, sous réserve des dispenses d’adhésion.

Au-delà des dispositions légales et règlementaires définissant les principes susmentionnés, les employeurs territoriaux membres de la « Coordination des employeurs publics territoriaux » et les organisations syndicales représentatives au sein du CSFPT se sont rapidement emparés de la réforme en négociant un pré-accord de méthode le 23 février 2022 relatif à la conduite de négociations concernant la réforme de la PSC dans la FPT, lequel rappelait la volonté des signataires de poursuivre et d’approfondir la réforme par la négociation collective, puis un accord de méthode le 12 juillet 2022. L’accord du 11 juillet 2023, qui résulte de ces négociations, est très large puisqu’il porte notamment sur les garanties « socles » constituant le cadre des futures négociations locales, sur le pilotage et le portage social des dispositifs de participation et sur les dispositions nationales qui viendront encadrer les pratiques contractuelles et les différents régimes de participation. Les principales mesures de l’accord portent toutefois sur la Prévoyance lourde, puisque les négociations doivent se poursuivre en Frais de santé.

Des évolutions importantes en Prévoyance lourde

Deux évolutions majeures prévues dans l’accord sont à relever. En premier lieu, les négociateurs souhaitent que la couverture des agents en matière de Prévoyance lourde fasse l’objet d’un contrat collectif à adhésion obligatoire. Cela signifierait le cas-échéant que la couverture des agents ne pourrait plus intervenir via la labellisation. En second lieu, ils se sont entendus pour que le montant de la participation de l’employeur au titre du contrat d’assurance collectif Prévoyance lourde soit à hauteur de 50 % de la cotisation globale. Comme rappelé ci-dessus, jusqu’à présent, cette participation est fixée à un montant forfaitaire de 7 euros qui, au regard des garanties minimales prévues, serait largement dépassé avec l’instauration d’une participation proportionnelle à la cotisation globale.

Par ailleurs, l’accord du 11 juillet 2023 se limite, comme le décret du 20 avril 2020, à prévoir des garanties minimales uniquement pour l’incapacité de travail et l’invalidité, tout en apportant néanmoins quelques modifications par rapport à celles définies dans le décret, pour les agents affiliés à la CNRACL qui sont mis à la retraite pour invalidité. Quoiqu’il en soit, il est acté que les garanties minimales feront l’objet d’une nouvelle négociation en cas d’évolution du niveau des garanties statutaires après la signature de l’accord.

Au-delà, le texte contient également des stipulations sur les conditions d’adhésion des agents aux futurs contrats d’assurance collectifs puisqu’il préconise que « soient prises les dispositions en vue » d’interdire le questionnaire médical tout au long de la durée du contrat d’assurance, d’interdire la mise en place d’une tarification différente en raison de l’état de santé, de supprimer la possibilité de majorer les cotisations pour adhésion tardive ou encore pour encadrer la pratique des délais de carence.

Enfin, les négociations ont également porté sur des sujets très techniques tels que la fixation de règles afférentes au provisionnement des risques en matière de Prévoyance lourde ou encore les problématiques liées à la succession de contrats et de changement d’organismes assureurs. En effet, si certaines situations résultant des changements d’organismes assureurs et de contrats ne posent aucune difficulté dans la mesure où la loi du 31 décembre 1989, dite loi Évin, et la jurisprudence de la Cour de cassation, apportent des réponses, la prise en charge des agents en arrêt de travail, pour les cas non réglés par la loi Évin et la jurisprudence, conduit à des contentieux opposant les organismes assureurs successifs qui refusent d’accorder leurs garanties. Pour ces derniers, l’accord propose que l’organisme assureur dont le contrat collectif est en cours d’exécution indemnise immédiatement l’agent dans l’attente des résultats des expertises médicales et/ou judiciaires permettant de déterminer le fait générateur de l’arrêt de travail. L’organisme assureur du contrat résilié devrait alors rembourser les prestations versées à l’agent en cas de décision ultérieure favorable à l’organisme assureur dont le contrat collectif est en cours d’exécution et qui a versé les prestations.

Des discussions à venir en Frais de santé

En matière de Frais de santé, les apports de l’accord sont nettement moins nombreux qu’attendus. Ainsi, tant le montant de la participation minimale que les garanties minimales ne sont pas modifiés par l’accord national. En revanche, ils pourront toujours l’être dans le cadre des négociations au niveau local. D’ailleurs, le Gouvernement est poussé par les négociateurs à prendre des mesures afin d’accorder de la souplesse à la négociation locale quant aux critères de modulation de la participation financière.

L’accord contient tout de même certaines mesures relatives aux Frais de santé, puisque communes à la Prévoyance, notamment en prévoyant que les organismes assureurs devront respecter un délai de prévenance minimal obligatoire de 6 mois avant l’échéance contractuelle en cas d’évolutions tarifaires ou encore que les hausses tarifaires annuelles soient limitées (à 10 % aux Frais de santé et à 15 % en Prévoyance), sauf dérogations. Le texte recommande de limiter les cas de dérogations à trois situations : aggravation de la sinistralité, variation du nombre d’agents et de retraités adhérents (ou souscripteurs) et évolutions démographiques.

S’agissant de la procédure de labellisation, l’accord suggère une réduction des écarts de cotisations en fonction de l’âge, en portant à 2 le ratio maximal entre la cotisation hors participation due par l’adhérent de plus de 30 ans acquittant le montant le plus élevé et la cotisation due par l’adhérent de plus de 30 ans acquittant le montant le moins élevé, à charge de famille, catégorie statutaire et option de garanties identiques. Jusqu’à maintenant, ce ratio était fixé à 3.

Quoiqu’il en soit, des nouvelles négociations doivent avoir lieu en matière de Frais de santé, selon des modalités qui viennent remplacer celles prévues par le décret du 20 avril 2022. Des rencontres seront ainsi organisées mensuellement entre janvier 2024 et juin 2025 afin d’échanger sur différents thèmes tels que les garanties minimales du panier de soins ou la participation minimale de l’employeur et son évolution. Surtout, les négociateurs profiteront de ces discussions pour préciser, au plus tard d’ici le 30 juin 2024, le fonctionnement et la gouvernance du fonds national de solidarité instauré par l’accord du 11 juillet 2023. À ce stade, il est uniquement indiqué que ce fonds devrait bénéficier aux agents territoriaux actifs et retraités et devrait être financé par un prélèvement de 2 % sur les cotisations versées au titre des contrats Frais de santé, donnant lieu à une prise en charge par un employeur public territorial.

Une transposition juridique indispensable mais incertaine

L’article 4.1 de l’accord prévoit en tout logique que celui-ci devra faire l’objet d’une transposition législative et règlementaire, dans les six mois de sa signature. De sorte que, des textes d’application sont attendus d’ici la fin de cette année. Toutefois rien n’oblige le Gouvernement à procéder à cette transposition, ni à y procéder dans les termes et conditions prévus par l’accord. Pourtant, celle-ci est indispensable pour que les principales mesures de l’accord s’appliquent. Chacun devra donc patienter jusqu’à la publication des textes règlementaires et législatifs pour connaître de façon définitive les nouvelles règles à respecter.

Maître Caroline Letellier, Avocat Associé, Maitre Kamel Boulacheb, Avocat, AVANTY Avocats

Auteurs :

Caroline Letellier

Caroline Letellier

Avocat Associé AVANTY Avocats

Kamel Boulacheb

Kamel Boulacheb

Avocat AVANTY Avocats


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