Tous les espaces ont une identité sonore qui peut impacter la santé des citoyens, la qualité des interactions sociales, l’envie d’habiter les espaces urbains, explique la Fabrique de la cité dans son étude Acoustique urbaine : « De la pollution au paysage sonore : comment les villes agissent sur l’acoustique urbaine ? », publiée début octobre 2025. Au-delà de la lutte contre le bruit, la commune peut en effet réaliser des aménagements propices à apaiser certains espaces : valoriser certains sons à la valeur patrimoniale ou esthétique, installer des espaces de calme et des zones plus adaptées à des activités dynamiques.
La loi Bruit du 31 décembre 1992 a posé le cadre de la réglementation. Pour les constructions neuves, l’arrêté du 30 juin 1999 relatif aux caractéristiques acoustiques des bâtiments d’habitation (« nouvelle réglementation acoustique »), modifié par l’arrêté du 26 décembre 2023, impose des normes d’isolation. Une directive européenne, transcrite en droit français en 2005, impose aux agglomérations de plus de 100 000 habitants de réaliser des plans de prévention du bruit dans l’environnement (PPBE), de produire des cartes d’exposition au bruit et de proposer un plan d’action, qui comporte des zones calmes pour favoriser le repos auditif.
Pour autant, toutes les autres communes peuvent agir. En adoptant notamment certaines mesures pour réduire le bruit routier : limitation de vitesse, revêtement anti-bruit sur la chaussée, interdiction de circulation des véhicules les plus bruyants… La commune peut aussi adopter une flotte automobile électrique, efficace en ville où la vitesse de circulation est plus faible (sachant que, au-delà de 60 km/h, c’est le bruit de roulement qui devient prépondérant). Mais, « agir sur la mobilité en ville, c’est aussi agir sur le bruit urbain », précise La Fabrique de la cité. Par exemple, piétonniser une rue diminue les niveaux sonores pour les riverains. Mais de nombreuses terrasses, ouvertes tard dans la nuit, sont aussi source de gêne sonore… Introduire la nature en ville peut aussi modifier l’acoustique urbaine. La terre absorbe le son et limite les échos, et les jardins servent d’habitat à une petite faune urbaine. Avantages : les sons des animaux et de la végétation ont des effets positifs sur le bien-être de la population.
Les collectivités tardent à agir
En parallèle de la réduction du bruit, certaines communes envisagent de créer des « points d’ouïe » (comme les points de vue), pour écouter et apprécier le paysage sonore urbain. Pessac (Gironde, 67 670 habitants) prévoit d’en aménager au cœur du quartier de Saige, pour que les habitants profitent de la richesse du paysage sonore, avec les éléments d’origine naturelle. Dans ce quartier en renouvellement urbain, où réduire la quantité de bruit globale est impossible, car il est traversé par une rocade, il y aura également des « bulles de calme » – des zones de quiétude au sein d’une future coulée verte. Le mobilier urbain jouera également un rôle pour renforcer le calme et, si possible, faire écran au bruit.
Quant à la métropole de Nice (Alpes-Maritimes, 575 000 habitants), elle pose des enrobés phoniques sur les chaussées et teste trois prototypes différents d’écrans anti-bruit le long d’une voie routière, placés les uns à côté des autres. Bilan : une baisse de niveau sonore estimée à 5 dB dans un jardin d’enfants (sachant que la sensation de bruit double tous les 3 dB) et jusqu’à 15 dB pour les passants, directement derrière les écrans. En outre, la métropole a adopté une politique de verdissement qui réduit la place des voitures et augmente les surfaces végétalisées, ce qui peut diminuer le niveau sonore de 3 à 6 dB dans certaines zones. Toutefois, l’usage de ces espaces modifie le paysage sonore : jeux d’enfants, conversations, activités diverses…
Mais la route est encore longue… Selon l’observatoire Bruitparif et le Centre d’information et de documentation sur le bruit (CidB), alors que les collectivités établissent des cartes de bruit, identifient les zones calmes et proposent un plan d’action, la plupart sont restées à la phase du diagnostic. Et les acousticiens sont souvent sollicités très tard, dans des projets urbains déjà esquissés. À l’inverse de Courbevoie (Hauts-de-Seine, 82 547 habitants), ville très dense et bruyante, qui associe systématiquement un acousticien dès la conception.
Martine Courgnaud – Del Ry
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Le label Quiet, développé par le Centre d’information sur le bruit, peut être attribué à des espaces particulièrement calmes : parcs urbains, cantines scolaires, crèches, espaces médicaux et hospitaliers… Ainsi, La Seyne-sur-Mer (Var, 63 600 habitants) a fait labelliser une plage sur laquelle elle a instauré des horaires de quiétude pour favoriser le repos. |
