Accessibilité, environnement, performance énergétique, sécurité… L’inflation des normes contribue à augmenter le coût, direct et indirect, des constructions et des aménagements publics, plus particulièrement pour les communes rurales. Le pôle Science des données du Sénat évalue à près de 67 % en vingt ans l’augmentation des dépenses de construction des collectivités (environ 3 % par an). Certaines doivent donc renoncer à des projets de construction neuve ou de rénovation de bâtiments trop onéreux. « Les surcoûts de construction empêchent de satisfaire certains besoins de la population et conduisent à retarder l’atteinte des objectifs d’économies d’énergie », constate la délégation aux collectivités territoriales dans le rapport « Élus locaux : comment faire face aux surcoûts de la construction publique ? » Et l’augmentation des prix peut conduire à dégrader la qualité des ouvrages.
Entre 2005 et 2025, le Code de la construction et de l’habitation a plus que doublé en volume, le Code du patrimoine a presque quintuplé et le Code de l’environnement est trois fois et demi plus gros… Même si aucune étude ne permet de déterminer dans quelle mesure la multiplication de ces normes complexes affecte la hausse des prix de la construction publique, les auditions menées par les sénateurs montrent à quel point le sujet préoccupe les élus locaux. La mise en accessibilité des bâtiments est très élevée pour les petites communes pour un faible nombre d’utilisateurs. Les normes environnementales augmentent les coûts et les délais. Par exemple, l’étude « faune flore 4 saisons », destinée à évaluer la biodiversité d’un site sur un an, allonge le projet d’autant et coûte entre 10 000 et 60 000 euros selon les sites. Un maire du Haut-Rhin souhaitait créer une extension d’un bâtiment sportif ; une association de défense des chauves-souris lui a demandé une expertise pour s’assurer qu’il n’y en avait pas dans le bâtiment. Une étude estimée à plus de 1 300 euros…
Les normes de performance énergétique (RE2020), renforcées en 2025, représentent une charge nette pour les collectivités, alors que les économies d’énergie sont limitées et aléatoires, notamment pour un bâtiment utilisé par intermittence. Quant aux normes de sécurité, elles sont citées comme les plus onéreuses. Sans compter celles liées au risque sismique, à l’environnement (inondation…) ou encore à l’archéologie préventive.
À cela s’ajoutent la complexité et la rigidité du cadre de la commande publique, avec des règles qui engendrent des surcoûts pour les entreprises, répercutés sur les acheteurs. Et les sénateurs pointent notamment l’interdiction de négocier les prix dans le cadre d’un appel d’offres formalisé (marchés supérieurs à 5 538 000 euros hors taxes).
Créer une sixième catégorie d’ERP
Les rapporteurs présentent plusieurs recommandations pour alléger les coûts. À commencer par une évaluation systématique de l’impact sur les finances locales de toute norme de construction. Celles qui semblent disproportionnées par rapport à la protection des deniers publics devraient être allégées. Ainsi, les études préalables qui présentent un bilan intérêt/contraintes limité pourraient être supprimées. Pour l’accessibilité des établissements recevant du public (ERP), la mission propose de créer une sixième catégorie dont l’effectif du public et du personnel ne dépasse pas cinquante personnes. Le calendrier de mise en œuvre de la RE2020 pourrait être repoussé et le zonage sismique assoupli. La commande publique pourrait être simplifiée afin que les collectivités puissent mieux contrôler les coûts de construction.
La mission invite les élus à définir leurs besoins très précisément, pondérer les critères d’attribution des marchés, élaborer un programme pluriannuel de travaux ou encore pratiquer le sourcing des offres locales, le plus en amont possible de la passation des marchés. La collectivité peut recourir à une assistance à maîtrise d’ouvrage (AMO), notamment à un économiste de la construction. En outre, définir rigoureusement les besoins limite le risque d’avenants ultérieurs. Enfin, il faut dimensionner les équipements d’économie d’énergie (pompes à chaleur…) en fonction des besoins réels du bâtiment.
Pour les petites communes, la mutualisation des achats, le soutien des services départementaux et, à terme, le recours à l’intelligence artificielle (IA), semblent des solutions intéressantes. À condition d’être vigilantes sur la protection des données face aux éditeurs de logiciels, l’IA pourrait leur offrir certains atouts : rapidité des délais, optimisation de l’expression des besoins, prise en compte du coût global…
Marie Gasnier
