« La communication intercommunale va connaître un changement de périmètre »

Publié le 21 février 2012 à 0h00 - par

Marc Thébault, dircom de Caen la Mer, et Laurent Defrocourt, ancien dircom de la ville et de l’agglomération d’Angers, présentent les enjeux de la communication intercommunale.

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Weka : Marc Thébault, Laurent Defrocourt, en quoi la communication des EPCI se distingue-t-elle de celle des collectivités territoriales ?

Marc Thébault : C’est une communication qui porte beaucoup plus sur un territoire que sur des personnes. La communication des collectivités est bien souvent la communication de l’équipe dirigeante, voire du premier élu.

En intercommunalité, c’est d’abord celle d’un territoire, dont fait certes partie l’institution, et donc ses dirigeants.

Car l’objectif premier est de fédérer autour d’un bassin de vie, d’une entité relativement nouvelle pas forcément encore entrée dans les habitudes, de montrer comment l’institution administrative n’est finalement que la concrétisation d’un territoire de vie préexistant.

L’enjeu est de faire comprendre qu’au-delà des actions directes auprès des administrés, telles la gestion des ordures ménagères, l’intercommunalité à des compétences « masquées », pas toujours visibles aux yeux des citoyens. Il faut donc expliquer notre rôle, nos actions.

Laurent Defrocourt : Il est très agréable de travailler à la communication d’une intercommunalité car on travaille avec des moyens, des projets d’envergure, en s’axant sur les services aux habitants. Les polémiques politiciennes ont plus de chance d’être surmontées. Les choses sont plus souvent consensuelles qu’en collectivité.

Je suis d’accord avec Marc Thébault quant au rapport au territoire, mais je ne pense pas qu’il y ait pour autant de différence essentielle entre une ville et son EPCI. Une ville existe indépendamment de sa mairie, de son équipe municipale.

La différence entre communication municipale et intercommunale n’est donc pas si grande à ce niveau-là.

La notion d’intérêt général ou « communautaire » est peut-être plus centrale, puisqu’assez vite on communique sur des services tels la gestion des déchets, les transports, plus neutres idéologiquement, au moins à première vue.

Weka : Pour ce faire, y a-t-il des outils de communication propres aux EPCI ?

Marc Thébault : Il s’agit des mêmes outils que pour les collectivités territoriales, mais l’utilisation est différente. Un des axes de la communication intercommunale est de passer par les supports préexistants, à savoir les supports municipaux.

Les magazines communaux sont souvent ancrés depuis longtemps et ont un plus fort impact que leurs homologues intercommunaux.

Si je prends un exemple vécu à Caen la mer, lorsque nous avons voulu informer la population de la mise en place de la collecte complète de tous les déchets, nous n’avons pas eu d’incident dans les communes ayant relayé l’information.

À l’inverse, c’est dans les communes n’ayant pas relayé l’information que l’on a rencontré des soucis. Le même phénomène se vérifie par exemple sur l’évènementiel.

Laurent Defrocourt : Lorsqu’à Angers on a mis en place le tramway, c’était un outil extraordinaire pour mettre en avant le développement du territoire. Le marketing territorial constituait alors le cœur du travail.

Mais cela doit se faire en cohérence avec la ville-centre, c’est essentiel, car pour être pertinent, le marketing territorial doit répondre à la question du leadership du territoire.

Il faut que celui-ci soit incarné par un individu, comme par exemple le maire de la ville-centre, pour fédérer un maximum d’acteurs locaux et externes. Ce n’est pas forcément le président de l’EPCI .

Peut-être un jour pourrait-on voir un artiste, ou un entrepreneur, piloter un marketing territorial….

Weka : Quelles sont les difficultés propres à la communication intercommunale ?

Marc Thébault : La légitimité de l’action d’abord, puisque nos élus ne sont pas élus directement par les citoyens.

Même si l’absence de réel jeu électoral évite les querelles partisanes au sein des EPCI, où les décisions sont généralement prises à une écrasante majorité. Et puis éclaircir notre rôle, à quoi sert-on, pourquoi a-t-on été créé ?

Laurent Defrocourt : Le risque est d’avoir un discours trop consensuel à terme, loin des enjeux partisans et citoyens, de verser dans un phénomène de technocratie, où les services risquent de trop se sentir dépositaire de l’intérêt général, à  la place des élus.

Mais sur de grands projets structurants le débat et la polémique s’inviteront toujours…

Weka : La réforme territoriale, la logique de mutualisation vont-elles changer votre métier ?

Marc Thébault : De façon ponctuelle pour la réforme territoriale. Avec l’obligation pour toutes les communes d’intégrer un EPCI, et la réduction du nombre de ces derniers, la communication intercommunale connaît ou va connaître un changement de périmètre.

Il va donc falloir expliquer aux nouveaux comment « ça marche », d’autant plus que certaines communes intègrent des EPCI de façon forcée, ce qui ne va pas arranger les choses.

Mais sur le long terme, impossible de savoir en quoi la réforme va transformer le métier, d’autant plus que les choses peuvent encore changer d’ici 2014.

Laurent Defrocourt : Lorsque j’ai été recruté à Angers, l’objectif était de mutualiser les services communication de la ville et de l’agglomération.

Lorsqu’il y a fusion, c’est difficile, car ça signifie un jeu de chaises musicales, et pour certains postes, un place au lieu de deux. C’est alors très compliqué.

L’autre élément, c’est la mise en place d’une culture commune. Les différences culturelles entre services municipaux et intercommunaux peuvent prendre du temps à se résorber, car dans une structure intercommunale, il y a moins de contact avec les usagers, alors qu’en mairie, le rapport au « terrain » est plus direct.

Mais la plupart des agents sont souvent heureux de voir leur panel de missions s’élargir, avec des moyens alloués plus importants.

Weka : Vous avez participé à la rédaction du service documentaire Réussir sa communication locale et avez notamment rédigé les fiches concernant le marketing territorial et la réalisation d’un portrait de territoire. De quoi s’agit-il ?

Marc Thébault : Ayant comme compétence le développement économique, les EPCI sont vite allés chercher des solutions du côté du marketing pour mettre en valeur leur territoire. C’est ce qu’on appelle le marketing territorial.

Mais travailler sur son image nécessite d’abord de travailler sur ce qu’on est, son identité. Puis, classer les éléments constitutifs du territoire, ses atouts, ses faiblesses, la perception qu’en a l’extérieur, et repérer les éléments d’accélération de notoriété et ceux qui, peu visibles, doivent attendre avant d’être mis en avant.

La meilleure méthode étant de vendre quelque chose de réel, et non un fantasme. Il faut donc mettre en avant ses plus-values réelles, qu’il s’agisse d’éléments géographiques, de valeurs collectives, de qualité de vie, etc. Un travail de réflexion qui était rarement fait avant.

L’outil lié à la fiche sur ce sujet liste ainsi une soixantaine de rubriques à renseigner pour réaliser le portrait du territoire et ainsi le mettre en valeur du mieux que possible.

Laurent Defrocourt : J’ai la conviction que les ouvrages sur la communication en général et sur la communication publique locale en particulier, s’ils veulent apporter des réponses de façon concrète, doivent prendre la forme de fiches. Les autres ouvrages ne traitent pas le sujet de façon utile. Les fiches de ce service documentaire sont l’alpha et l’oméga d’un métier innovant certes, mais où l’on a besoin d’un support donnant proposant les bonnes pratiques.

C’est confortable de savoir qu’on peut mettre un sujet de côté sans s’en inquiéter pendant quelques temps et que, le jour où l’on doit s’y intéresser, il y ait à portée de mains un service documentaire avec tous les éléments pour creuser le sujet plus en avant.

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