Normandie réunifiée : un glorieux passé mais une identité à reconstruire

Publié le 3 décembre 2015 à 14h21 - par

Forte d’un passé prestigieux, la « grande Normandie » qui va renaître après les élections régionales se cherche une identité d’avenir, au-delà d’une simple « marque » touristique très connue dans le monde.

Normandie réunifiée : un glorieux passé mais une identité à reconstruire

Des nouvelles grandes régions créées par la réforme territoriale, la Normandie est la seule à retrouver des contours historiques : ceux de l’ancien domaine de Guillaume le Conquérant (1027-1087), duc de Normandie, roi d’Angleterre, descendant des Vikings, un des dirigeants les plus puissants d’Europe au Moyen Âge.

Grâce à des marqueurs touristiques particulièrement forts (les plages du Débarquement, le Mont Saint-Michel, le camembert, les impressionnistes…), l’ancienne province parle au monde entier.

Mais il y a bien longtemps qu’elle même ne parle plus d’une seule voix. Morcelée en cinq départements à la Révolution, elle fut coupée en deux entités, Haute et Basse Normandie, lorsqu’il s’est agi de créer en 1956 des circonscriptions d’action régionale, ancêtres des régions.

Toutes les prises de positions politiques visant, par la suite, à la réunification échoueront, jusqu’à ce qu’elle soit octroyée par le sommet de l’État, dans le cadre de la réforme du président François Hollande, natif de Rouen.

Que peut faire maintenant la Normandie, unie sous son drapeau historique, rouge et orné de deux léopards jaunes ?

Mieux se « vendre » en France et à l’étranger, espèrent dirigeants politiques et décideurs économiques, qui aiment à dire qu’elle est, selon des sondages internationaux, un territoire aussi connu dans le monde que la Californie. « Il faut développer une véritable marque ‘Normandie’ pour l’ensemble du tissu économique régional, afin de favoriser la production locale et faciliter la vente de nos produits et services à l’export », préconise le Medef normand.

Hervé Morin (UDI), à la tête de la liste « Normandie conquérante » (droite et centre) tient le même discours. « Nous avions un nom, nous allons en faire une marque connue dans le monde entier, symbole de beauté, de créativité et d’innovation », promet-il.

Imiter la Bretagne ?

Mais il veut aller plus loin pour affirmer l’identité normande, en s’inspirant de la méthode bretonne. « Nous devons être plus bretons », dit-il, en mettant en avant le « made in Normandy », car dit-il, « les biscuits bretons ne sont pas meilleurs que les biscuits normands », sauf que les premiers sont estampillés « Bretagne ».

Et quand il s’agit de défendre les intérêts régionaux vis-à-vis de Paris, notamment de la SNCF qui a oublié la région dans son schéma de lignes à grande vitesse, il faudra, lance-t-il, « sortir nous aussi nos bonnets rouges ».

Mais Bretons et Normands n’ont pas le même tempérament. « Ils sont un peu aux antipodes, les Normands étant assez peu réputés pour leur enthousiasme mais plutôt pour leur prudence », note le politologue et géographe Michel Bussi.

D’ailleurs, peut-on comparer l’identité bretonne et normande ? « L’identité normande est plus externe que ressentie à l’intérieur », analyse-t-il, rappelant que ce sont des personnes venant d’ailleurs qui ont fait sa renommée, que ce soit les Vikings, les GI’s, les Anglais, les peintres, les écrivains, les Parisiens…

Des Normands divisés

Moins affirmés que les Bretons, les Normands sont également plus divisés. « La Normandie se meurt de ses divisions », n’hésite pas à dire Nicolas Mayer-Rossignol, président de la Haute-Normandie et tête de liste PS aux régionales.

Cette division s’exprime surtout au niveau des territoires, avec principalement la rivalité entre Rouen, retenue comme préfecture, seul bastion socialiste encore en place, Caen, capitale bas-normande, qui lutte pour obtenir le siège du conseil régional, et Le Havre, deuxième port français après Marseille.

C’est pourtant l’association de ces trois villes, formant un triangle d’une centaine de kilomètres de côté, qui devrait être la capitale idéale, préconise dans un ouvrage un groupe de 12 universitaires, dont Michel Bussi.

Bien que peu conforme aux traditions centralisatrices françaises, l’idée commence à faire son chemin. Et si elle devenait un jour le symbole d’un nouveau particularisme normand ?

par Hervé LIONNET

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