Les lanceurs d’alerte et la commande publique

Publié le 20 avril 2022 à 9h00 - par

Si la notion de « lanceur d’alerte » est utilisée depuis de nombreuses années, le statut général et son régime de protection n’ont été créés que par la loi du 9 septembre 2016 (dite loi Sapin 2) en France.

Les lanceurs d'alerte et la commande publique

Au niveau de l’Union européenne, la protection des lanceurs d’alerte restait inégale. Aussi, afin d’harmoniser le régime, la directive (UE) 2019/1937 du 23 octobre 2019 sur la protection des personnes qui signalent des infractions au droit de l’UE a été adoptée. En France, cette directive a été transposée par la loi n° 2022-401 du 21 mars 2022 visant à améliorer la protection des lanceurs d’alerte et vient, notamment, modifier la loi Sapin 2. Ces modifications entreront en vigueur le 22 septembre 2022.

Ce dispositif de lanceur d’alerte s’applique à de nombreux domaines juridiques dont les marchés publics pour le signalement de faits postérieurs à l’entrée en vigueur de la loi Sapin 2 (CA Lyon, 28 novembre 2019, EPIC SNCF, n° 19/02856).

Le champ d’application matériel de la protection des lanceurs d’alerte

L’article 2 de la directive 2019/1937 prévoit une protection des personnes signalant des violations du droit de l’Union européenne dans 10 domaines juridiques dont les marchés publics. Plus précisément, l’annexe 1 de la directive vise les textes européens concernés et, notamment, les directives 2014/23, 2014/24 et 2014/25 relatives aux marchés publics.

En France, l’article 6 de la loi Sapin 2 vise, notamment, le droit de l’Union européenne, la loi et le règlement. Par conséquent, la violation des dispositions du Code de la commande publique ou d’une directive marchés publics peut faire l’objet d’un signalement par un lanceur d’alerte.

L’élargissement de la définition de lanceur d’alerte

La définition de lanceur d’alerte est élargie par la loi du 21 mars 2022. Dès l’entrée en vigueur de cette nouvelle définition, le lanceur d’alerte (qui doit toujours être une personne physique) peut signaler ou divulguer, « sans contrepartie financière directe et de bonne foi » des informations relatives à une violation ou une tentative de dissimulation d’une violation des règles sans que cette violation soit qualifiée de « grave et manifeste ». Le lanceur d’alerte peut avoir eu personnellement connaissance des faits ou les faits peuvent lui avoir ont été rapportés (uniquement dans le cadre des activités professionnelles).

En outre, il convient de noter que le lanceur d’alerte peut être un membre du personnel, un ancien membre du personnel, un collaborateur extérieur et occasionnel, un salarié du titulaire de marchés publics ou du sous-traitant.

Enfin, le régime de protection est étendu aux « personnes physiques en lien avec le lanceur d’alerte » qui peuvent faire l’objet de mesures de représailles, et au « facilitateur » c’est-à-dire à toute « personne physique ou toute personne morale de droit privé à but non lucratif qui aide un lanceur d’alerte à faire un signalement ou une divulgation ».

La loi du 21 mars 2022 simplifie les canaux dont dispose un lanceur d’alerte pour signaler des faits.

La fin de la hiérarchisation des canaux d’alerte

La loi du 21 mars 2022 met fin à l’obligation pour le lanceur d’alerte de respecter la hiérarchisation des canaux d’alerte pour bénéficier du régime de protection. Dès lors, le lanceur d’alerte pourra réaliser :

  • soit un signalement interne ;
  • soit un signalement externe (Défenseur des droits, autorité judiciaire, autorités externes compétentes ou institutions de l’UE compétentes pour recevoir des informations relatives à la violation du droit de l’Union européenne) ;
  • soit une divulgation publique dans certains cas prévus par la loi (notamment, en cas de « danger grave et imminent »).

S’agissant des signalements internes, la loi prévoit l’obligation de créer un dispositif d’alerte pour certaines entités publiques.

L’obligation de créer une procédure interne de recueil et de signalement

La loi précise qu’une procédure interne de recueil et de traitement des signalements doit être mise en place, notamment :

  • pour les personnes morales de droit public employant au moins 50 agents (à l’exception des communes de moins de 10 000 habitants, des établissements publics qui leur sont rattachés et des EPCI qui ne comprennent parmi leurs membres aucune commune excédant ce nombre d’habitants) ;
  • pour les administrations de l’État ;
  • pour les personnes morales de droit privé employant au moins 50 salariés.

Toutefois, les communes et leurs établissements publics employant au moins 250 agents peuvent mettre en commun leurs procédures, d’une part, et les communes et leurs établissements membres d’un centre de gestion de la fonction publique peuvent confier à ce dernier le recueil et le traitement des signalements internes quel que soit le nombre de leurs agents, d’autre part.

Si la loi ne prévoit pas de sanction à l’encontre des entités ne mettant en place un tel dispositif, il convient de souligner qu’il existe toutefois un risque de signalements externes et/ou de divulgation publique pouvant créer un préjudice réputationnel (problème de recrutement, moins de candidats aux procédures de marchés publics, etc.).

Conclusion

Ce dispositif de lanceur d’alerte ne doit pas être confondu avec le dispositif d’alerte interne « destiné à permettre le recueil des signalements émanant d’employés et relatifs à l’existence de conduites ou de situations contraires au code de conduite de la société » prévu à l’article 17.2 de la loi Sapin 2 et qui s’applique également aux entités publiques visées à l’article 3.3. Toutefois, en pratique, il est possible de mettre en place un seul et unique dispositif de recueil de ces deux types de signalements prévus par la loi Sapin 2.

Baptiste Vassor


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