Les conflits d’intérêts dans la commande publique

Publié le 14 mars 2022 à 9h00 - par

L’article L. 121-5 du Code général de la fonction publique (CGFP) définit la notion de conflits d’intérêts comme « toute situation d’interférence entre un intérêt public et des intérêts publics ou privés qui est de nature à influencer ou à paraître influencer l’exercice indépendant, impartial et objectif d’une fonction de l’agent public » et l’article L. 121-4 dispose que « l’agent public veille à prévenir ou à faire cesser immédiatement les situations de conflit d’intérêts (…) dans lesquelles il se trouve ou pourrait se trouver ».

Les conflits d'intérêts dans la commande publique

Pour les agents publics, la notion de conflit d’intérêts est intimement liée aux obligations d’exercer sa fonction avec « dignité, impartialité, intégrité et probité ». Aussi, une telle situation est de nature à exposer l’agent à des sanctions disciplinaires et, le cas échéant, caractériser une infraction pénale (corruption, trafic d’influence, favoritisme). Au-delà des sanctions individuelles, l’entité publique peut également être impactée avec des conséquences économiques, réputationnelles et/ou juridiques. À ce titre, les procédures et les marchés publics peuvent être fragilisés par des telles situations de conflits d’intérêts.

La violation du principe d’impartialité par l’acheteur public

La violation du principe général d’impartialité par les acheteurs publics, qui peut résulter d’une situation de conflit d’intérêts, est constitutive d’un manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence prévues par le Code de la commande publique.

En pratique, la violation de ce principe a été appréciée de manière variable par le juge du référé précontractuel qui oscille entre le fait que la « proximité » du titulaire pressenti et de l’acheteur crée un doute sur son impartialité (CE, 14 octobre 2015, n° 390968) et que la partialité de l’acheteur public au profit du titulaire provisoire doit être établie (CE, 12 septembre 2018, n° 420454 et CE, 20 octobre 2021, n° 453653). Dans le cadre d’un recours en contestation de validité du contrat, le Conseil d’État a considéré que les « anciens » liens entre l’acheteur et le titulaire du marché créent un doute sérieux sur l’impartialité de la procédure sans qu’il soit besoin de relever une intention chez l’entité publique de favoriser le titulaire. De plus, pour la première fois, le juge considère que la méconnaissance du principe d’impartialité est constitutive d’un « vice d’une particulière gravité justifiant l’annulation du contrat à l’exclusion de toute autre mesure » (CE, 25 novembre 2021, n° 454466).

Au regard de ces jurisprudences, les acheteurs doivent prévenir les situations de conflits d’intérêts en questionnant leur référent déontologie, en déposant une déclaration d’intérêts et, le cas échéant, en se déportant de la procédure susceptible de créer un doute sur son impartialité. Dans le cadre des marchés publics, il existe également un risque juridique lorsque l’assistance à maitrise d’ouvrage (AMO) viole le principe d’impartialité.

Une violation pouvant également résulter de l’assistance à maitrise d’ouvrage

Après quelques jugements de tribunaux administratifs ayant considéré que la « proximité » entre l’AMO et une entreprise candidate constituait un risque d’atteinte au secret des affaires, le Conseil d’État a estimé que cette « proximité » ne suffisait pas « à caractériser un risque d’atteinte imminente au secret des affaires » dans la mesure où les dirigeants et les salariés de l’AMO sont tenus à une obligation professionnelle de confidentialité dans le cadre de l’exécution du marché. En revanche, le juge rappelle que la société requérante peut toujours introduire un référé précontractuel si elle considère que le manquement aux obligations de publicité et de concurrence résulte de la violation du principe d’impartialité ou du secret des affaires (CE, 10 février 2022, n° 456503). En conséquence, le Conseil d’État neutralise l’intérêt du référé secret des affaires en cas de violation du principe d’impartialité par l’AMO au profit du référé précontractuel. En tout état de cause, le conflit d’intérêts d’une AMO peut toujours fragiliser une procédure de marchés publics d’un acheteur public.

Conclusion

Si la question de l’encadrement des conflits d’intérêts dans la commande publique n’est pas nouvellée, le sujet est de plus en plus prégnant.

En effet, dans le cadre des marchés de prestations intellectuelles, le Premier ministre a précisé dans une circulaire du 19 janvier 2022 que « dans le cadre des futurs marchés, ces clauses (relatives à la prévention des conflits d’intérêts) seront renforcées pour prévoir une déclaration d’intérêts des personnes mobilisées par le fournisseur dans le cadre de la prestation ». De plus, la loi « 3DS » du 21 février 2022 vient encadrer les situations de conflits d’intérêts des élus locaux en précisant que les représentants d’une collectivité territoriale désignés pour participer aux organes décisionnels d’une autre personne morale de droit public ne participent pas aux décisions de la collectivité territoriale attribuant à la personne morale concernée un contrat de la commande publique ou à la CAO (article L. 1111-6 CGCT).

Le déploiement du dispositif anticorruption de la loi « Sapin 2 » doit conduire les acheteurs à s’interroger sur la prévention des conflits d’intérêts durant tout l’acte d’achat.

Baptiste Vassor


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