Catastrophes naturelles : deux textes et un début de solution pour les collectivités locales

Publié le 28 juillet 2025 à 9h40 - par

Un décret et un arrêté très attendus viennent de modifier les franchises « Catastrophes naturelles » applicables aux collectivités territoriales, pour une meilleure couverture. L’incitation à la prévention pêche elle encore.

Catastrophes naturelles : deux textes et un début de solution pour les collectivités locales
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Viennent de paraître coup sur coup le décret n° 2025-613 du 1er juillet 2025 relatif à la modification de la franchise d’assurance applicable aux collectivités territoriales en matière de catastrophes naturelles (Catnat), puis l’arrêté du 1er juillet 2025 en fixant les modalités. Avec ces Catnat qui se multiplient, certaines collectivités locales impactées peinaient en effet à obtenir une couverture d’assurance ou bien à des prix exorbitants, ce qui a amené les associations d’élus locaux, les assureurs et Bercy à plancher sur le sujet dès 2024.

Meilleur dédommagement notamment pour les petites communes

En résumé, le montant de la franchise Catnat doit désormais être compris entre 1 140 euros minimum (ou 3 050 € pour le retrait/gonflement des sols) et 10 % maximum du montant des dégâts. Pour les communes et EPCI de moins de 2 000 habitants, le montant de la franchise est plafonné à 100 000 euros peu importe le montant des dégâts ; pour les autres, il n’y a pas de plafond en dehors de la limite des 10 %. Pourquoi ce seuil de 2 000 habitants – qui désavantage donc les collectivités plus grandes – ? Parce qu’on estime que plus il y a d’habitants, plus le ratio d’équipements publics par habitant augmente et parce que les plus grosses collectivités peuvent davantage faire face ? Probablement, mais cela aurait pu être 5 000 habitants par exemple… « Au premier passage à la Commission nationale d’évaluation des normes, le projet de décret avait reçu un avis défavorable, car ce seuil, entre autres, n’avait pas été concerté avec les associations d’élus, précise Stéphanie Bidault, responsable Prévention des risques et gestion des crises à l’Association des Maires de France. Bercy et la Caisse centrale de réassurance ont alors expliqué qu’il s’agissait de maintenir l’équilibre financier du système Catnat ».
Ce nouveau système amène une meilleure prise en charge pour les collectivités locales. Prenons l’exemple d’une commune de 1 500 habitants qui a une franchise émeute de 2 M€ et une franchise dommages de 1,5 M€ et qui subit par exemple un dommage de 700 000 € dû à une inondation. Avant la réforme, on appliquait le montant de franchise le plus important de l’ensemble des contrats, soit ici 2 M€ (même s’il ne s’agit pas d’une émeute), la commune ne touchait donc rien. Après la réforme, la commune ayant moins de 2 000 habitants, la franchise Catnat maximale étant de 100 000 €, la commune se voit rembourser 700 000-100 000 = 600 000 €. Second exemple pour une commune de 5 000 habitants avec une franchise émeute de 1 M€, une franchise Catnat de 125 000 € et un dommage de 3 M€ dû à une inondation. Auparavant, elle touchait 3 – 1 = 2 M€ de l’assurance. Désormais, la franchise sera de 10 % x 3 M€ = 300 000 €. Elle touchera donc 3 – 0,3 = 2,7 M€ de l’assurance, soit 700 000 € de plus qu’auparavant. Ces textes prennent effet pour toutes les Catnat survenues depuis le 1er juillet et s’appliquent à tous les contrats, y compris ceux signés avant le 1er juillet.

Protections physiques préventives

Par ailleurs, l’assureur peut consentir une réduction de franchise si la collectivité assurée « peut démontrer la mise en œuvre de mesures de prévention des risques » de Catnat (art. 2 de l’arrêté). « Cela responsabilise donc les collectivités », apprécie Alain Chrétien, maire de Vesoul (Haute-Saône) et coauteur d’un rapport sur l’assurabilité des collectivités locales remis au gouvernement en septembre 2024. La prévention, ce sont d’abord des protections physiques : « On peut doter des bâtiments publics de batardeaux (ndlr : ici, des structures gonflables étanches), qui placés sur les portes assureront l’étanchéité sur une hauteur adaptée, préconise Stéphanie Bidault. On favorisera l’infiltration en désimperméabilisant les sols : revégétalisations de cours d’école, retour de la nature en ville ».
Les différents documents d’urbanisme peuvent aussi être mis à contribution… avec des limites. Le Plan communal de sauvegarde (PCS) est-il utile pour prévenir le risque ? « Je rappelle que la commune de Breil-sur-Roya (Alpes-Maritimes) par exemple (ndlr : frappée par la tempête Alex de 2020) n’en n’avait pas », note Alain Chrétien. Stéphanie Bidault tient toutefois à nuancer : « Un PCS assure avant tout la protection des personnes, il n’améliore donc pas nécessairement la sécurité des biens ». Les Plans de prévention des risques (PPR) (inondation, submersion marine, mouvements de terrain, feux de forêt…) sont par contre très utiles, car on évite de construire dans des zones à risques, on oblige à rehausser les bâtiments au-dessus des plus hautes eaux connues, etc. « Problème, ils sont à la main de l’État, observe Stéphanie Bidault. Et si trois quarts des communes sont concernées par le risque orages violents/ ruissellement, elles n’ont pas de PPR le plus souvent. La connaissance de l’État sur ces risques est insuffisante ». Et de rappeler que « lors des crues sur la Loire et ses affluents en Centre Val de Loire en 2016 et 2018, il n’y avait des PPR que sur la Loire, pas sur ses affluents… ». Certaines vallées (Vésubie, Roya) impactées par la tempête Alex en 2020 n’avaient pas non plus de PPR. Dans ce contexte, certaines métropoles ont fait réaliser des études hydrauliques poussées (Nantes, Bordeaux, Grenoble…) lors des révisions de leurs documents d’urbanisme, « mais quid des plus petites collectivités qui n’en ont pas les moyens ? », interroge Stéphanie Bidault.

Pas de critères pour obtenir des réductions de franchise

Les PLU doivent intégrer les risques naturels. Mais là encore, il faut que des PPR soient intégrées aux PLU ou que la collectivité ait fait les études coûteuses nécessaires.
Et les Programmes d’actions de prévention des inondations (PAPI) ? C’est une démarche volontaire nécessitant préalablement un PPR, souvent menée à l’échelle d’une interco, qui comporte notamment des mesures de gestion de l’aléa (digues, bassins de rétention…) et de réduction de la vulnérabilité (batardeaux…), avec des cofinancements de l’État à la clé (Fonds de prévention des risques naturels majeurs, dit fonds Barnier). Mais attention, « le rôle d’un PAPI sur les équipements des collectivités peut être limité… », avertit Stéphanie Bidault. En revanche, à travers ces différents documents, les collectivités incitent à des mesures qui auront un impact plus large que leurs seuls biens à elles : cela intéresse les assureurs en général, mais ne sera pas pris en compte par le leur en particulier… On comprend donc qu’en l’absence de définition de critères pour obtenir ces réductions de franchise, cela sera difficile à négocier pour les collectivités.
À noter que la création d’un dispositif de mutualisation du risque émeutes (façon Cat Nat ou attentats terroristes) n’a elle pas encore eu lieu. Une proposition de loi visant à garantir une solution d’assurance à l’ensemble des collectivités territoriales a toutefois été déposée par Jean-François Husson le 18 avril dernier, qui déboucherait sur une garantie obligatoire des dommages résultant d’émeutes dans les contrats d’assurance « dommages aux biens » et sur la création d’un fonds prudentiel abondé par une surprime et dont l’intervention serait limitée aux dommages dépassant certains seuils (art. 6). Dommage sans doute que toutes les collectivités y soient soumises : les émeutes ont rarement lieu dans les communes rurales, lesquelles ont des moyens réduits pour faire face à des augmentations de primes… Par ailleurs, est prévue la création d’une dotation d’équipement des collectivités territoriales face aux risques majeurs : évènements climatiques ou géologiques graves mais aussi émeutes (art. 5). Ceci permettrait un complément d’indemnisation par l’État. Tout cela aura un coût, on aurait donc d’abord intérêt à prévenir les émeutes… À suivre.

Frédéric Ville


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