Inondations : le Sénat réfléchit comment faciliter l’intervention des élus

Publié le 8 mars 2024 à 10h30 - par

La délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation du Sénat a entendu des représentants des élus locaux et du Cerema, le 29 février 2024, sur le sujet des inondations.

Inondations : le Sénat réfléchit comment faciliter l'intervention des élus
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En France, plus de 17 millions de personnes sont soumises au risque inondation, et un emploi sur trois est menacé, a rappelé Hervé Gillet, sénateur de la Gironde, lors d’une table ronde relative au pouvoir d’agir des élus locaux face aux risques d’inondations, organisée par la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation du Sénat, le 29 février 2024. Or, l’article L. 2212-2 du CGCT, confie au maire le « soin de prévenir, par des précautions convenables, et de faire cesser, par la distribution des secours nécessaires, les accidents et les fléaux calamiteux » ce qui comprend notamment les inondations et les ruptures de digues.

Le maire est responsable personnellement et pénalement, y compris de ce qui n’est pas de son fait, a rappelé Sébastien Leroy, maire de Mandelieu-La Napoule (Alpes-Maritimes) et co-président de la mission prévention des risques, représentant l’Association des Maires de France (AMF). En outre, il ne maîtrise plus tout à fait son plan local d’urbanisme (PLU), puisque l’État le pousse souvent à construire malgré tout, par exemple pour le volume de logements sociaux. Il convient donc de redonner au maire la liberté d’aménager son territoire. Sans compter que les injonctions qu’il reçoit sont parfois contradictoires. Pour les petites communes, le plan intercommunal de sauvegarde (PICS) est une solution intéressante mais cela incite les maires à penser qu’ils ne sont plus responsables mais que c’est l’interco. Or, il est toujours responsable. Et le PICS ne remplace pas le plan communal de sauvegarde (PCS).

Certaines actions sur le terrain permettent à la commune de se prémunir contre les inondations, sans pour autant passer par un document homologué comme le plan d’action et de prévention des inondations (Papi) : confortation de l’approche intercommunale de la gestion du risque ou système communicant d’information et d’accompagnement, par exemple. Des aménagements peuvent être faits, comme créer des bâtardeaux pour mettre au sec la base des constructions dont le financement peut atteindre 80 %. Toutefois, la commune doit avancer les fonds mais l’avantage est qu’elle sera alors couverte par son assurance, a précisé Sébastien Leroy. Autre possibilité : promouvoir de nouvelles architectures sur les territoires inondables : pilotis… Le Cerema a également indiqué que certaines collectivités (Grand Cahors, Saint-Jean-de-Luz) testent des actions pour aménager au mieux un territoire face au risque.

Hervé Gillet a rappelé que les enjeux sont différents selon les territoires. Les aménagements nécessaires sont très lourds et l’intercommunalité ne peut généralement pas les assumer : il faudrait donc une assiette de solidarité plus large que l’intercommunalité. Le sénateur a donné l’exemple du Marmandais, où les coûts de rénovation des digues sont tels que même avec le fonds de prévention des risques naturels majeurs (FPRNM), dit « fonds Barnier », les collectivités ne peuvent pas apporter ensuite les fonds complémentaires.

Les événements climatiques se multiplient, et l’intensité monte en puissance. La courbe va s’accentuer et des territoires qui n’était jusqu’alors pas concernés vont l’être, a expliqué Sébastien Leroy. Selon lui, l’état du droit est « déconnecté de la réalité et incapable de relever le défi » : complexité, contradiction des textes et des normes, dispersion de l’autorité entre différents acteurs de l’État… Le maire, au centre de la situation de crise, doit sensibiliser les habitants sur les risques dont il n’a parfois pas une connaissance précise. Il doit gérer la crise avec des moyens qui ne sont pas adaptés et préparer les prochaines crises mais tout est fait pour empêtrer son action. Car on est toujours dans l’action et pas dans l’anticipation. Il faut environ dix ans pour obtenir les autorisations : services de l’État, autorisations environnementales, validation avec étude préalable globale demandée par l’Europe, contraintes de foncier… Du coup, les ouvrages inaugurés sont décorrélés des événements qui évoluent plus rapidement.

La commission des lois du Sénat a adopté une disposition, examinée lors du débat sur le statut de l’élu (amendements sous l’article 9), pour faciliter les autorisations d’absence des élus salariés pendant une calamité, toujours difficiles à négocier. Le sujet est crucial : par exemple, le maire d’une commune du Pas-de-Calais de 1 000 habitants qui a été particulièrement inondée, bénéficie seulement de vingt jours d’absence sans rémunération.

Martine Courgnaud – Del Ry

 

Représentant Intercommunalités de France, le président de la communauté de communes du pays de Lumbres (Pas-de-Calais, 36 communes, 25 000 habitants), Christian Leroy, a apporté un témoignage instructif sur le besoin de coordination et de pédagogie. En 2002, une crue importante du fleuve Aa a touché 700 habitations, avec 50 millions de m3 d’eau qui se sont abattus sur le bassin versant. Les territoires ont alors créé un syndicat mixte de gestion et d’aménagement puis il a fallu travailler environ dix ans pour créer des ouvrages d’une capacité de rétention de 640 000 m3, permettant de diminuer la ligne d’eau à l’aval et le risque inondation. En novembre 2023, un nouvel épisode (avec 90 millions de m3) atteint plus de 2 000 maisons. Et quelques semaines plus tard, en janvier 2024, ce sont 55 millions de m3 d’eau qui se sont déversés. Les sols étant saturés, les conséquences ont été plus importantes notamment pour les habitants qui avaient des travaux en cours, et les agriculteurs et industriels qui ont été impactés.


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