Analyse des spécialistes / Droits et obligations

Quel devoir de réserve pour les agents publics avant les élections municipales ?

Publié le 1 septembre 2025 à 14h15 - par

En période électorale, les agents publics doivent faire preuve de réserve dans l’expression de leurs opinions, notamment politiques, que ce soit dans leur travail, sur les réseaux sociaux ou en dehors du service, sans pour autant perdre totalement leur liberté d’expression. Les règles à connaître à partir du 1er septembre 2025.

Quel devoir de réserve pour les agents publics avant les élections municipales ?
© Par AGDER - stock.adobe.com

Cet article fait partie du dossier :

Élections municipales et intercommunales 2026: tout ce qu'il faut connaître
Les dates clés des élections municipales 2026
Élections municipales et intercommunales 2026 : tout ce qu'il faut connaître
Voir le dossier

Quel est le devoir de réserve de l’agent public tout au long de sa carrière ?

La liberté d’expression est une liberté fondamentale non seulement reconnue par l’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, mais également par le droit international et européen. Toutefois, cette liberté n’est pas absolue pour les agents publics, qui sont soumis à des obligations déontologiques spécifiques, notamment le devoir de réserve, l’obligation de neutralité et la discrétion professionnelle, prévues par le statut général des fonctionnaires. Le devoir de réserve impose aux agents publics, même en dehors de leur service, une obligation de retenue et de modération dans l’expression de leurs opinions, afin de préserver l’image, la neutralité et le bon fonctionnement du service public. Cette obligation n’est pas expressément inscrite dans la loi générale sur la fonction publique, mais elle est fermement consacrée par le juge administratif. Cela signifie que les propos injurieux, outranciers ou jetant le discrédit, tenus par un agent public peuvent être sanctionnés à tout moment, par le juge administratif.

En quoi, un an avant le scrutin, la mise à disposition d’agents publics par une collectivité sans facturation au prix normal est-elle un avantage illégal ?

L’article L. 52-8 du Code électoral interdit aux personnes morales, à l’exception des partis politiques, de financer les campagnes. La mise à disposition d’agents publics par une collectivité sans facturation au prix normal est un avantage illégal. Cependant, la participation d’agents publics à une campagne en dehors de leurs heures de service ou pendant leurs congés n’est pas un avantage prohibé1. Mais, le juge de l’élection apprécie au cas par cas si l’avantage consenti justifie le rejet du compte, en tenant compte du montant et des circonstances2. Ainsi, la participation continue d’un agent de la commune à la campagne d’un candidat constitue une infraction caractérisée justifiant la sanction du compte3.

En quoi, six mois avant le scrutin, les agents publics n’ont pas le droit de faire de promotion publicitaire des réalisations et de la gestion de la collectivité ?

En application de l’article L. 52-1 du Code électoral, six mois avant le scrutin, toute campagne de promotion publicitaire des réalisations d’une collectivité est prohibée. Cette interdiction vise à garantir l’égalité entre les candidats en empêchant les élus sortants d’utiliser les moyens de la collectivité à des fins électorales. La jurisprudence confirme qu’il importe peu que la communication soit récurrente ou sans référence directe au scrutin : sera sanctionnable toute opération qui, par son ampleur ou son contenu, dépasse la simple information pour valoriser la gestion de la collectivité4. Le Conseil d’État distingue la simple information de la promotion publicitaire. Une publication régulière, au contenu inchangé par rapport aux éditions précédentes et sans caractère exceptionnel, ne constitue pas une campagne de promotion publicitaire prohibée, même si elle mentionne des réalisations ou projets figurant dans le programme du maire sortant5.

Pendant la campagne électorale, en quoi les agents publics ont-ils une interdiction de distribuer du matériel électoral ?

En application de l’article L. 50 du Code électoral, les agents publics ont une interdiction formelle de distribuer du matériel électoral. Cette règle est renforcée par leur obligation de neutralité posée par l’article L. 121-2 du Code général de la fonction publique et par l’interdiction de toute propagande partisane dans l’exercice de leurs fonctions. La jurisprudence confirme cette prohibition, sanctionnant la participation non marginale d’agents publics à la campagne, en particulier si elle a lieu pendant leurs heures de service, car cela rompt l’égalité entre les candidats6.

La veille et le jour du scrutin, en quoi les agents publics ont-ils une interdiction de diffuser de messages de propagande sur les réseaux ?

L’article L. 49 du Code électoral interdit de diffuser tout message de propagande électorale la veille et le jour du scrutin. Cette interdiction est générale et absolue. S’agissant spécifiquement des agents publics, ils sont tenus par leur obligation de neutralité, qui leur impose, en service, de s’abstenir de toute manifestation politique, notamment via les réseaux sociaux, pour ne pas compromettre l’égalité entre les candidats7.

Les agents publics sont soumis à une obligation de réserve constante. Toutefois, cette obligation se renforce en période préélectorale et électorale, avec des interdictions strictes visant à garantir l’égalité entre les candidats et à préserver la neutralité du service public.

Dominique Volut, Avocat-Médiateur au barreau de Paris, Docteur en droit public


1. Décision n° 97-2198 du Conseil constitutionnel du 16 décembre 1997, AN Loire, 4e circonscription.

2. CE, Sect., 2 octobre 1996, req. n° 176967, M. Borrel, Élections municipales d’Annemasse.

3. Décision n° 2002-113 du Conseil constitutionnel du 26 septembre 2002, PDR, compte Mégret.

4. Voir notamment CE, 4 juillet 2011, Élections régionales d’Île-de-France, req. n° 338033.

5. Voir notamment CE, 15 mars 2002, Élections municipales de Valence-d’Agen, n° 236247, Lebon p. 746

6. Voir notamment la décision n° 97-2198 du Conseil constitutionnel, 16 décembre 1997, AN Loire, 4e circonscription, M. D. Mandon et la décision n° 97-2263 du Conseil constitutionnel, 13 février 1998, AN Bas-Rhin, 1re circonscription, M. Harry Lapp.

7. Voir notamment CE, 23 avril 2009, n° 316862, Guigue.

Auteur :


On vous accompagne

Retrouvez les dernières fiches sur la thématique « Ressources humaines »

Voir toutes les ressources numériques Ressources humaines