Crise politique : les élus locaux dénoncent un « triste spectacle »
« Il y en a marre, la société française est comme quelqu’un qui a la maladie des os de verre. À chaque chute, ça fait plus mal », tance Sébastien Martin, président d’Intercommunalités de France et député LR de Saône-et-Loire.
La crise politique au sommet de l’État, précipitée lundi 6 octobre par l’annonce surprise de la démission de Sébastien Lecornu, offre « un triste spectacle », commente Anne Terlez, vice-présidente de la communauté d’agglomération Seine-Eure, qui dit avoir ressenti de la colère. « J’ai reçu pour la première fois des messages d’élus de Grande-Bretagne, de Belgique, d’Allemagne, me demandant ce qui se passait en France », raconte l’élue MoDem, pour qui les postures partisanes « mettent en péril nos institutions ». Face à la crise, cette élue normande appelle à « entrer en résistance » pour montrer que la stabilité politique « vient des territoires ».
Crèches, écoles, distribution d’eau, transports urbains, les services publics essentiels au fonctionnement du pays sont d’abord assurés par les collectivités, rappellent les élus. « On tient la baraque », confirme le maire DVD de Charleville-Mézières Boris Ravignon.
Même constat pour Régis Banquet, président PS de Carcassonne Agglo : « Heureusement que dans ce foutoir au niveau national, les élus locaux tiennent la barre parce que tout repose essentiellement sur eux aujourd’hui ».
Les élus des intercommunalités (communautés de communes et d’agglomérations, communautés urbaines et métropoles) sont d’autant plus critiques qu’ils prennent la plupart de leurs décisions par consensus, à l’abri des clivages partisans, sauf dans les grandes villes.
« L’intercommunalité est un espace politique positif, loin de l’ambiance où surabondent les clivages, les conflits, c’est un espace politique apaisé où l’on construit des convergences (…) au lieu d’exacerber les différences », a martelé le maire DVD de Toulouse Jean-Luc Moudenc, en ouverture du congrès.
Blocage gouvernemental : inquiétudes sur le budget et le désengagement citoyen
Faute d’interlocuteur gouvernemental à leur congrès, les élus ont voté une motion mercredi 8 octobre appelant la sphère politique nationale à « trouver la voie du compromis ».
L’annonce d’une nomination imminente d’un nouveau Premier ministre et l’éloignement de la perspective de la dissolution n’ont en revanche pas totalement rassuré.
« On entend des noms pour Matignon mais je ne suis pas sûr que ce sera de nature à débloquer la situation », a jugé Sébastien Miossec, président délégué d’Intercommunalités de France, alors que l’ex-ministre Jean-Louis Borloo, dont le nom circule pour le poste de Premier ministre, est attendu à Toulouse en fin d’après-midi.
« On n’a rien appris hier soir mais ce qu’on constate, c’est que tout est bloqué. Un nombre incalculable de chefs d’entreprise ont le stylo à la main pour embaucher ou investir mais ne le font pas à cause de l’incertitude politique », observe de son côté Régis Banquet.
L’annonce d’une présentation d’un budget lundi 13 octobre en Conseil des ministres ne rassure pas davantage.
« Si un nouveau Premier ministre doit déposer un budget lundi, la journée de dimanche ne suffira pas pour le travailler. On touche le fond », lâche M. Banquet.
Jacques Bilirit, président DVG de la communauté d’agglomération Val de Garonne regrette lui l’absence de nouvelles concertations avec les collectivités pour élaborer le prochain budget.
Les élus s’inquiètent également du manque de perspectives pour élaborer leur propre budget.
« Sur la politique de la ville, tant que le budget de l’État n’est pas voté, tout reste en stand-by », remarque Anne Terlez.
À l’approche des municipales, certains s’inquiètent aussi d’un effet boomerang de la situation politique sur l’engagement citoyen.
« Forcément, cela va rejaillir sur nous, élus locaux, et il y a un risque très fort de désintérêt et de dégoût de nos concitoyens pour la vie politique », assure Sébastien Miossec.
« Cela jette le discrédit sur l’action publique et la place du politique » estime également Sandra Le Nouvel, présidente DVG de la communauté de communes du Kreiz Breizh, qui appelle à une « vraie décentralisation » dans « tous les domaines » pour sortir de l’ornière.
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