Le projet de loi de finances (PLF) 2026, dévoilé le 14 octobre 2025 par le « nouveau nouveau » Premier ministre, Sébastien Lecornu, prévoit de faire porter sur les collectivités locales un effort de plus de 4,6 milliards d’euros. Un chiffre que conteste le président du Comité des finances locales (CFL) et maire PS d’Issoudun (Indre, 11 232 habitants), André Laignel. Après avoir rapidement passé le PLF au crible, André Laignel avance plutôt un montant de 8 milliards d’euros, qui « sera sans doute plus proche de 10 milliards d’euros quand on aura tous les chiffres ».
En présentant le volet « collectivités locales » du PLF au Comité des finances locales, le 15 octobre au matin, Françoise Gatel ministre de l’Aménagement du territoire et de la décentralisation et Amélie de Montchalin, ministre de l’Action et des comptes publics, n’ont donné aucun détail sur la baisse de moyens que recouvrent ces 4,6 milliards d’euros, regrette André Laignel. « Mais si on raisonne simplement de loi de finances à loi de finances, c’est déjà le double des 2,2 milliards d’euros que le Gouvernement avait annoncés pour 2025 », a-t-il précisé en conférence de presse à l’issue de la réunion du CFL. Parmi les mesures non incluses dans le PLF 2026, il cite notamment : l’augmentation des cotisations CNRACL (1,4 milliard), la baisse des dotations aux agences de l’eau (90 millions) ou à l’Agence nationale pour l’habitat (700 millions) ou encore la diminution du fonds vert (500 millions). Des ponctions incohérentes avec les politiques publiques, souligne André Laignel : « ponctionner les agences de l’eau alors qu’on nous dit que la problématique de l’eau est essentielle » ou réduire le fonds vert qui passerait à 650 millions au lieu d’1,5 milliard et qui avait déjà diminué de moitié l’an passé » alors qu’on nous a dit que l’environnement ne serait pas pénalisé »… Et le maire d’Issoudun de souligner : ce budget est une « purge massive ».
Peine collective
Quant au dispositif de lissage conjoncturel des recettes fiscales des collectivités territoriales (Dilico), qui passe de 1 à 2 milliards d’euros, il est « bidon, c’est « la réintroduction sous une autre forme des contrats de Cahors ». Il est censé être remboursé en cinq ans et non plus en trois ans, à hauteur de 80 % seulement, à une condition : si, globalement, les dépenses de fonctionnement sont inférieures à l’inflation pour l’ensemble des collectivités. « C’est une peine collective, comme dans les régimes fascistes, une méthode totalement inacceptable », fulmine le président du CFL qui ajoute : « ce qu’on a compris, c’est qu’on ne nous remboursera rien ».
Une fois encore, on constate que l’État continue à faire des collectivités locales ses sous-traitants, « en l’occurrence des sous-traitants mal traités ». Tout ceci va aggraver la situation financière des collectivités, entraîner une baisse des investissements et au lieu de les utiliser comme un levier de relance pour l’économie nationale, on leur affecte la tâche d’être des outils de la récession.
Alors que Sébastien Lecornu évoque le dépôt d’un projet de loi qui renforcerait le pouvoir local dans un nouvel acte de décentralisation, le président du CFL constate au contraire que « la recentralisation financière continue à être à l’œuvre, avec une arme massive : la restriction financière, à laquelle nous sommes confrontés pour 2026 ». « Ce qui affecte les déclarations du Premier ministre d’un vice de forme et de fond qui contredisent totalement ses propos, poursuit-il. Tel que le budget se présente, il est ravageur pour les collectivités et donc pour nos concitoyens. Il ne sera plus possible de répondre aux besoins de modernisation, aux investissements et même au fonctionnement des collectivités, alors que, aujourd’hui, les collectivités locales sont le seul socle de stabilité encore existant. Fragiliser ce socle, c’est aggraver la situation de la France ».
Voyant dans la situation budgétaire actuelle une crise de recettes plutôt qu’une crise de dépenses, André Laignel rappelle que l’État se prive de plus de 80 milliards d’euros de recettes par des avantages consentis, chaque année. À commencer par les 52 milliards d’euros de TVA qui compensent les impôts locaux supprimés. Pour le président du CFL, c’est la politique de l’offre qui nous conduit dans l’impasse financière. La solution : un changement de politique économique.
Martine Courgnaud – Del Ry
