Le 12 mars dernier, la Cour des comptes rendait son rapport public annuel. Si l’essentiel est consacré aux actions à mener contre le changement climatique, une partie traite, comme toujours, de l’état des finances publiques à fin février 2024.
+ 0,9 % de dépenses prévues en 2024
Dans cette partie, la Cour accuse le gouvernement d’être trop optimiste dans ses prévisions notamment de croissance. Les finances des administrations publiques locales n’occupent que peu de place dans le rapport. Celui-ci « est plutôt positif pour les collectivités locales et il n’est pas à charge, ce qui change de ce qu’on a connu par le passé », analyse Philippe Laurent, vice-président de l’Association des Maires de France (AMF). Pour 2024, les magistrats rappellent les prévisions du ministère de l’Économie : une progression des dépenses de 0,7 % ou de 0,9 % à champ constant, avec une hausse des dépenses d’investissement de 6 %, en raison de la position dans le cycle électoral, compensée par le repli des dépenses de fonctionnement de 0,4 %. Cette hausse de l’investissement et la chute des droits de mutation à titre onéreux rendraient les collectivités locales, à l’équilibre en 2022, déficitaires en 2023 (- 0,3 point de PIB) et en 2024 (- 0,2 point de PIB). Les magistrats précisent toutefois que « ces prévisions demandent à être confirmées », la progression des achats pouvant se révéler plus rapide (prévue à – 0,8 %, après + 0,8 % en 2023), « potentiellement en lien avec la hausse des prix alimentaires, et de certaines dépenses sociales comme l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) et la prestation de compensation du handicap (PCH) ».
La Cour relève que « la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL) contribuerait à dégrader le solde des régimes sociaux à hauteur de 0,1 point de PIB en 2023 et en 2024 », ce qui est lié au vieillissement de la pyramide des âges de la fonction publique territoriale (FPT). Cela s’aggravera, le déficit de la CNRACL étant prévu à 8 Mds€ en 2027.
Dans l’ensemble et selon la loi de programmation des finances publiques du 18 décembre 2023, les dépenses locales reculeraient de 1,9 % en 2026 et 1,0 % en 2027. Mais la Cour des comptes estime que « ces prévisions sont d’autant plus ambitieuses qu’elles ne sont associées à aucun mécanisme contraignant. En outre, la baisse significative des investissements prévue en fin de période n’est pas structurelle mais liée au cycle électoral communal ».
« Le gouvernement responsable du déficit »
Les magistrats estiment qu’il faut, pour repasser au-dessous d’un déficit public de 3 % de PIB, en plus des 54 Mds€ d’économies publiques entre 2024 et 2027 annoncées par le gouvernement, 50 milliards d’économies supplémentaires sur la période 2025-2027, un effort qui « n’a pas d’exemple dans l’histoire récente ». Bruno Le Maire rappelait le 6 mars dernier, face aux commissions des finances de l’Assemblée nationale et du Sénat que « la dépense publique, c’est 50 % de dépense sociale, 30 % de dépense de l’État, 20 % de dépense des collectivités locales. Tout le monde doit donc participer au rétablissement ». Et de fustiger par exemple « l’empilement d’échelons d’administrations locales » ou le taux d’absentéisme dans les collectivités locales : 17 jours/an, contre 12 dans le privé et 10 dans les services de l’État. En prévision de la loi de finances pour 2025, la Cour des comptes s’est donc vue confier un rapport sur les dépenses spécifiques des collectivités territoriales à remettre d’ici fin juin prochain.
À l’AMF, on n’apprécie pas du tout… Sur le millefeuille territorial, « le gouvernement est en place depuis 7 ans, il pouvait lancer des réformes s’il le souhaitait », estime Philippe Laurent. Pour ce dernier, le gouvernement est responsable du déficit, puisqu’il a lui-même supprimé taxe d’habitation, cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises ou impôt sur les sociétés : « Les collectivités n’avaient rien demandé. D’ailleurs, elles ont maintenu le service public, investi, et augmenté la taxe foncière si besoin ». Les efforts sont déjà faits pour l’AMF.
N’y a-t-il pas toutefois quelques points d’ombre, l’absentéisme par exemple ? « Le temps de travail est aussi bon dans les collectivités locales que dans les administrations d’État, et est proche du privé, ai-je conclu dans un rapport de 2015, qui date certes un peu », note Philippe Laurent. Mais temps de travail et absentéisme ne sont pas la même chose 1… En tout cas, pour Philippe Laurent, « l’absentéisme s’explique aussi par une FPT qui vieillit, par certains métiers pénibles et non télétravaillables (auxiliaires de puériculture, animateurs de centres aérés, aide-soignantes, etc) et un départ à la retraite plus tardif. Et s’il y a des abus, ce sont les médecins auxquels il faut s’attaquer, pas les maires ! ».
Quant au pacte de Cahors encadrant l’évolution des dépenses des grandes collectivités, disparu depuis le Covid, l’AMF accepterait-elle son retour ou au moins certains efforts ? « Nous n’accepterons aucun contrôle, nous respectons la règle d’or de n’emprunter que pour investir et non pas pour le fonctionnement. Pour le reste que l’État cesse s’acharner contre nous ». Cela promet des débats houleux…
Frédéric Ville
1. Pour plus de précisions, lire l’étude de Fipeco.