Le numérique ne peut pas être le seul moyen d’accès aux services publics, au risque de laisser de nombreux Français sur le bord de la route, victimes « d’illectronisme ». Pourtant, les chiffres donnent le vertige : 572 millions de démarches administratives sont effectuées en ligne chaque année (hors école, hôpitaux, collectivités territoriales, police et gendarmerie), soit plus d’une sur huit.
Toutefois, le téléphone demeure le mode d’accès privilégié aux services publics, ainsi que le montrent plusieurs études récentes relayées par la mission d’information du Sénat dans son rapport du 16 septembre 2025*. En effet, selon le Baromètre des services publics de 2025, le téléphone est préféré par les usagers, avant le déplacement, les échanges par mail ou par internet. Et les fractures territoriales remettent en cause l’égalité d’accès aux services publics. L’accueil physique prend donc toute son importance dans les territoires, ruraux en particulier, où de multiples structures visent à pallier la disparition des guichets : points multi-services, guichets uniques, services sociaux, espaces France services…
Maisons France services : succès et défis pour les collectivités
Les maisons France services sont un succès. Près de 2 800 sont aujourd’hui déployées sur l’ensemble du territoire et réalisent plus d’un million d’accompagnements par mois, selon l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT). Les conseillers France services assurent des fonctions d’écoute et de premier accueil des usagers aussi importantes que l’aide à l’accomplissement des démarches administratives. Les rapporteurs Gilbert-Luc Devinaz (Rhône) et Nadège Havet (Finistère) soulignent leurs atouts : fournir une aide administrative et un contact humain, s’adapter aux usagers et à la diversité des publics et des besoins locaux, et toucher des usagers très éloignés des services publics qui ne se rendraient pas aux différents guichets administratifs.
Mais ce dispositif que l’État devait prendre en charge coûte cher aux collectivités. Seuls 1 % des espaces France services sont portés par l’État et 67 % par les collectivités. Interrogés par la mission, un élu évalue le budget à 40 000 euros par an et un autre à 120 000 euros par an pour un dispositif mobile et un autre en quartier prioritaire de la ville (QPV).
Service public itinérant
La mission, qui émet vingt recommandations, conseille de poursuivre la consolidation du réseau et préconise de privilégier l’implantation des nouveaux espaces dans les sous-préfectures pour rééquilibrer les coûts incombant aux collectivités. Il conviendrait de développer de nouveaux espaces dans les quartiers prioritaires de la ville (QPV), aujourd’hui moins dotés, et de multiplier les formules itinérantes propices à se rapprocher des usagers. En outre, les sénateurs pensent utile d’encourager les permanences France services dans les mairies, premier service public de proximité. Le rapport relate de multiples expériences locales qui montrent l’implication des élus locaux dans l’accompagnement du public dans les démarches dématérialisées. Les élus consultés par la mission suggèrent l’organisation des permanences France services dans chaque mairie, une fois par semaine.
Par ailleurs, en théorie, les agents France services assurent une offre de premier niveau et les demandes plus complexes ou le suivi des dossiers personnels relèvent des services en titre. Mais en réalité, les agents traitent de nombreuses démarches. Développer des permanences physiques des opérateurs (Caf, CPAM, Carsat…) au sein des espaces France services, liées aux besoins du territoire et des usagers serait une piste d’amélioration. Il faudrait également garantir aux conseillers France services un accès téléphonique dédié aux opérateurs nationaux dans chaque département, pour faciliter et accélérer leurs interventions auprès des usagers.
Martine Courgnaud – Del Ry
* L’accès aux services publics : renforcer et rénover le lien de confiance entre les administrations et les usagers
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Savoir accueillir le public Pour la mission sénatoriale, les pouvoirs publics doivent garantir à l’usager le choix du canal par lequel il souhaite entrer en relation avec l’administration (« omnicanalité). Quel que soit le mode de contact, les agents doivent être formés à l’accueil du public – une compétence à valoriser dans la formation et le déroulement de carrière. Car l’accueil nécessite un « savoir-être » comprenant non seulement l’écoute, mais aussi la gestion des tensions et des conflits. |
