Le dumping social n’est pas totalement interdit par le droit communautaire

Publié le 23 décembre 2014 à 0h00 - par

Peut-on imposer au sous-traitant établi dans un autre État membre de payer un salaire minimal à ses salariés ?

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Une harmonisation sociale limitée

Le droit communautaire a ainsi légiféré sur le cas des travailleurs détachés dans les États membres pour y exercer une activité. La directive 96/71/CE du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 1996, concernant le détachement de travailleurs effectué dans le cadre d’une prestation de services exige ainsi que les travailleurs détachés pour assurer une prestation de service bénéficient  de « taux de salaire minimal, y compris ceux majorés pour les heures supplémentaires ».

Ainsi, les prestations réalisées par les travailleurs détachés sur le lieu du contrat doivent satisfaire à un standard minimum de rémunération, ce qui permet d’éviter, dans une certaine mesure, les phénomènes de dumping social, et prévient la menace « du plombier polonais », bien connu pour travailler à bas coût. Ces stipulations sont applicables à l’ensemble des entreprises, y compris celles titulaires de marchés publics. Par ailleurs, les directives sur les marchés publics prévoient que des conditions particulières en matière sociale (et aussi environnementale) peuvent être imposées par les pouvoirs adjudicateurs, à condition d’être mentionnées dans les avis d’appel d’offres.

Mais qu’en est-il de la rémunération des travailleurs qui appartiennent à une entreprise sous-traitante lorsque la prestation est réalisée dans le pays du sous-traitant ?

Le pouvoir adjudicateur ne peut pas légalement imposer un salaire minimum au sous-traitant du titulaire

C’est ainsi qu’en a jugé la Cour de justice de l’Union européenne dans un arrêt du 18 septembre dernier,  C 549/13. La ville de Dortmund, en Allemagne a lancé un appel d’offres ayant pour objet un marché public relatif à la numérisation de documents et à la conversion de données pour le service d’urbanisme de cette ville, pour un montant d’environ 300 000 euros. Conformément à l’article 4 de la loi du Land de Rhénanie-du-Nord-Westphalie, l’appel d’offres imposait au titulaire de verser à ses salariés un salaire horaire minimal de 8,62 euros et à exiger de ses sous-traitants qu’ils s’engageraient à leur tour à respecter ce salaire minimal.

Selon la Cour, « l’article 56 TFUE s’oppose à l’application d’une réglementation de l’État membre dont relève ce pouvoir adjudicateur obligeant (le) sous-traitant à verser auxdits travailleurs un salaire minimal fixé par cette réglementation ». Elle estime en effet que si l’objectif de protection des travailleurs est légitime, le moyen employé est disproportionné. Un salaire minimal ne serait en effet pas efficace pour obtenir cet objectif s’il n’est appliqué qu’aux marchés publics, comme en l’espèce. Par ailleurs (et c’est l’évidence même), ce salaire minimal rend moins attrayant l’exécution des prestations dans l’État membre d’accueil.

On ne peut s’empêcher de n’être pas entièrement convaincu par l’argumentaire de la Cour, qui, in fine, paraît autoriser un certain dumping social.

Laurent Marcovici


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