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Publication de la loi relative à « la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine », quels impacts pour les collectivités locales ?

Publié le 15 septembre 2016 à 13h49 - par

La loi n° 2016-925 du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine a été publiée le 8 juillet 2016 au Journal officiel. Articulée autour de deux thèmes principaux – portant respectivement sur la liberté de création et la création artistique (titre Ier) et sur le patrimoine culturel et la promotion de l’architecture (titre II)  –, cette loi comporte 119 articles au contenu très varié.

Publication de la loi "création", quels impacts pour les collectivités locales ?

Certains de ces articles intéressent de près ou de loin le monde des collectivités locales.

Donatien de Bailliencourt avocat collaborateur Granrut

Donatien de Bailliencourt

S’agissant des dispositions relatives à la liberté de création et à la création artistique

Ayant constaté que le cadre juridique de l’intervention des personnes publiques – État, collectivités territoriales et établissements publics – en faveur de certains secteurs culturels, comme le spectacle vivant ou les arts plastiques, n’avait fait l’objet d’aucun dispositif législatif d’ensemble et s’était construit sur des bases juridiques éparses1, le législateur a estimé nécessaire et opportun de donner une assise juridique solide à l’action publique en faveur de la création artistique tout en consacrant le principe même de la liberté de la création artistique2 .

C’est tout l’objet de l’article 3 de cette loi qui rappelle le rôle essentiel joué notamment par les collectivités locales dans le domaine culturel et artistique, en leur conférant la mission de définir et mettre en œuvre, dans le respect des droits culturels énoncés par la convention de l’ONU du 20 octobre 2005, « une politique de service public construite en concertation avec les acteurs de la création artistique ».

Cette politique doit poursuivre des objectifs définis par cet article 3, tels que celui d’assurer un développement artistique sur l’ensemble du territoire ou de favoriser l’égal accès à la culture en s’adressant aux personnes qui en sont les plus éloignées ou à des publics spécifiques comme les jeunes ou les personnes en situation de handicap.

Dans l’exercice de leurs compétences, les collectivités locales doivent veiller au respect de la liberté de programmation artistique.

Ces dispositions ont ainsi pour finalité d’améliorer la cohérence de la politique conduite par l’État avec celle des collectivités publiques sur l’ensemble du territoire, par la traduction d’actions communes d’intérêt général en faveur de la création artistique.

À cet effet, l’article 4 de la loi modifie le III de l’article L. 1111-9-1 du Code général des collectivités territoriales3, en prévoyant que la conférence territoriale de l’action publique comprend une commission thématique dédiée à la culture et en soumettant, au moins une fois par an, à l’ordre du jour de cette conférence un débat sur la politique en faveur de la culture.

Par ailleurs, l’article 5 de la loi modifie les dispositifs de label et de conventionnement ouverts au profit de toute entité de droit privé ou de droit public porteuse d’un projet artistique et culturel présentant un intérêt général pour la création artistique dans les domaines du spectacle vivant ou des arts plastiques et pour le développement de la participation à la vie culturelle.

Le processus d’attribution de ce label ou de ce conventionnement par le ministre de la Culture associe étroitement les collectivités territoriales concernées par le projet, en les faisant notamment participer au jury chargé de sélectionner la structure à labelliser.

L’impact de la loi du 7 juillet 2016 sur les collectivités territoriales se fait également ressentir au niveau du régime juridique applicable aux agents recrutés pour les besoins de spectacles vivants.

L’article 47 de la loi précise que, « lorsque les collectivités territoriales agissent en qualité d’entrepreneur de spectacles vivants, les artistes du spectacle vivant engagés par elles pour une mission répondant à un besoin permanent sont soumis aux dispositions applicables aux agents contractuels de la fonction publique territoriale », à la différence de ceux recrutés pour un besoin non permanent qui sont soumis au Code du travail.

Cette disposition vient corriger une solution source d’insécurité juridique pour le législateur et résultant de deux décisions du 6 juin 2011 aux termes desquelles le Tribunal des conflits a considéré, en contradiction avec le principe issu de la jurisprudence Berkani4, que le contrat par lequel une collectivité publique gérant un service public administratif et agissant en qualité d’entrepreneur de spectacle vivant engage un artiste du spectacle en vue de sa participation à un tel spectacle, est présumé être un contrat de travail soumis aux dispositions du Code du travail5.

Le rôle des collectivités territoriales est enfin rappelé pour l’enseignement artistique spécialisé et l’enseignement supérieur de la création artistique et de l’architecture.

L’article 51 de la loi vient à cet égard préciser que les collectivités locales garantissent, avec l’État, un véritable accès aux enseignements artistiques, à l’apprentissage des arts et de la culture, en finançant l’enseignement artistique spécialisé au travers des établissements d’enseignement public de la musique, de la danse et de l’art dramatique6.

Pour ces secteurs d’activités, la région joue un rôle clé, puisque ce même article lui confère la mission d’organiser l’enseignement préparant à l’entrée dans les établissements d’enseignement supérieur de la création artistique dans le domaine du spectacle vivant, et l’autorise à adopter, en concertation avec les collectivités concernées et après avis de la conférence territoriale de l’action publique, un schéma régional de développement des enseignements artistiques dans les domaines de la musique, de la danse et de l’art dramatique .

S’agissant des dispositions relatives au patrimoine culturel et à la promotion de l’architecture

La loi du 7 juillet 2016 s’est donnée pour objectifs de renforcer la protection et d’améliorer la diffusion du patrimoine culturel7, de renforcer le régime juridique des biens archéologiques et des instruments de la politique scientifique archéologique8, ainsi que de valoriser les territoires par la modernisation du droit du patrimoine et la promotion de la qualité architecturale9.

Au titre de la modernisation du droit du patrimoine et de la promotion de la qualité architecturale, l’article 72 a créé un label « centre culturel de rencontre » qui peut être attribué par exemple à une collectivité territoriale « qui occupe de manière permanente un site patrimonial ouvert au public qu’elle contribue à entretenir ou restaurer et qui met en œuvre, sur ce site, un projet culturel d’intérêt général en partenariat avec l’État, une ou plusieurs collectivités territoriales ou un groupement de collectivités territoriales ».

L’article 74, qui modifie le Titre Ier du Livre VI du Code du patrimoine, y introduit un chapitre II portant sur les biens inscrits au patrimoine mondial. En vertu de ces nouvelles dispositions, les collectivités territoriales doivent assurer, au titre de leurs compétences dans les domaines du patrimoine, de l’environnement et de l’urbanisme, la protection, la conservation et la mise en valeur du bien reconnu en tant que bien du patrimoine mondial en application de la convention Unesco du 16 novembre 1972.

Cette protection est assurée par une zone dite « tampon » qui, incluant son environnement immédiat, les perspectives visuelles importantes et d’autres aires ou attributs ayant un rôle fonctionnel important en tant que soutien apporté au bien et à sa protection, est délimitée autour du bien en concertation avec les collectivités locales concernées.

Un plan de gestion est également élaboré conjointement par l’État et les collectivités territoriales concernées afin d’assurer la préservation de la valeur universelle exceptionnelle du bien. Ce plan de gestion doit être pris en compte dans l’élaboration ou la révision du schéma de cohérence territoriale ou du plan local d’urbanisme10.

Enfin, l’article 75 de la loi réécrit les dispositions du Titre III du Livre VI du Code du patrimoine relatives aux sites patrimoniaux remarquables, en prenant soin d’associer les collectivités territoriales concernées à ce classement11.

 

Donatien de Bailliencourt, Avocat Counsel, cabinet Granrut

 


Notes :

1. Étude d’impact du 7 juillet 2015 sur le projet de loi n° 2954.

2. Article 1er de la loi.

3. Cet article L. 1111-9-1 est relatif à la conférence territoriale de l’action publique qui est créée dans chaque région pour « favoriser un exercice concerté des compétences des collectivités territoriales, de leurs groupements et de leurs établissements publics ».

4. TC, 25 mars 1996, Préfet de la Région Rhône-Alpes c/ CPH de Lyon, req. n° 03000 : principe selon lequel les personnels non statutaires travaillant pour le compte d’un service public à caractère administratif sont des agents contractuels de droit public quel que soit leur emploi.

5. TC, 6 juin 2011, M. A et Mme Bussière-Meyer c/ Communauté de l’agglomération belfortaine, req n° 3792 et C3794.

6. Dispositions insérées à l’article L. 216-2 du Code de l’Éducation.

7. Chapitre I du Titre II.

8. Chapitre II du Titre II.

9. Chapitre III du Titre II.

10. Article L. 612-1 du Code du patrimoine.

11. Article L. 631-1 et suivants du Code du patrimoine.


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