Analyse des spécialistes / Urbanisme

Quelles sont les règles régissant les modalités d’affichage publicitaire sur les monuments historiques ?

Publié le 5 septembre 2018 à 8h19 - par

Les Journées du patrimoine, les 15 et 16 septembre prochains seront l’occasion de découvrir des monuments historiques méconnus ou habituellement fermés au public. Certains d’entre eux, en cours de restauration, ne seront pas ouverts au public, dissimulés derrière des échafaudages, voire de grandes bâches publicitaires qui ne font pas toujours l’unanimité. Il faut savoir que l’affichage publicitaire sur un monument historique est très encadré juridiquement ce qui n’empêche pas un recours accru à son utilisation révélant parfois certains abus.

Quelles sont les règles régissant les modalités d'affichage publicitaire sur les monuments historiques ?

L’article L. 581-4, I. du Code de l’environnement pose le principe de l’interdiction de toute publicité sur les immeubles classés ou inscrits au titre des monuments historiques. Des exceptions sont prévues. Notamment, l’affichage sur les monuments historiques peut être autorisé lorsqu’ils font l’objet de travaux en application de l’article L. 621-29-8 du Code du patrimoine.

Dans le cadre de l’instruction des demandes d’autorisation de travaux sur les immeubles classés ou sur les immeubles inscrits, l’autorité administrative chargée des monuments historiques peut autoriser l’installation de bâches d’échafaudage comportant un espace dédié à l’affichage.

Le régime de mise en œuvre de cet article résulte du décret n° 2011-574 du 24 mai 2011, aujourd’hui transposée au sein du Code du patrimoine aux articles R. 621-87, R. 621-88, R. 621-89 et R. 621-90 du Code du patrimoine. Une demande d’autorisation doit être déposée conjointement au dossier d’autorisation de travaux sur les immeubles qui comportent l’indication de l’emplacement de l’échafaudage, sa surface et sa durée d’installation, l’indication de l’emplacement des bâches, l’identité de la personne désirant apposer un message publicitaire et le montant attendu des recettes, ainsi que les esquisses ou les photos des publicités envisagées et l’indication de l’emplacement envisagé. L’autorisation est délivrée par le préfet de région ou par le ministre de la Culture si le dossier est évoqué. La décision est adoptée dans un délai de deux mois suivant la réception de la demande. Faute de réponse dans les délais impartis, la demande est réputée rejetée. Si elle est autorisée, la décision d’autorisation est notifiée au maire par le préfet de Région.

Selon l’article R. 621-90 du Code du patrimoine, l’autorisation d’affichage est délivrée au vu de la compatibilité du contenu de l’affichage, de son volume et de son graphisme avec le caractère historique et artistique du monument et de son environnement, sa destination et son utilisation par le public, en tenant compte des contraintes de sécurité. Elle détermine en particulier, selon les dimensions de l’échafaudage et du monument, les limites de la surface consacrée à l’affichage, qui ne peut excéder 50 % de la surface totale de la bâche de support, l’emplacement de l’affichage sur la bâche ainsi que la durée de son utilisation, qui ne peut excéder l’utilisation effective des échafaudages. Elle peut prescrire que la bâche reproduise, sur les surfaces laissées libres, l’image du monument occulté par les travaux. Les références de cette autorisation ainsi que l’indication des dates et surfaces de l’affichage autorisé doivent être mentionnées sur l’échafaudage, de manière visible de la voie publique, pendant toute la durée de son utilisation. En contrepartie, les recettes issues de l’affichage doivent être entièrement affectées au financement des travaux de restauration et sont prises en compte pour minorer les subventions publiques, y compris lors de travaux ultérieurs le cas échéant (articles L. 621-13 al. 2 et R. 621-91 du Code du patrimoine).

L’autorisation délivrée est soumise au contrôle du juge administratif qui exerce un contrôle normal. Récemment, le juge des référés du Tribunal administratif de Paris a suspendu l’arrêté du préfet de la région Île-de-France délivrant à la ville de Paris une autorisation d’affichage publicitaire pour la promotion d’un iPhone X permettant le financement des travaux de rénovation du Théâtre du Châtelet, dans la mesure où l’autorisation accordée méconnaissait l’article R. 621-90 du Code du patrimoine en l’absence de toute prescription précise quant aux dimensions et l’emplacement de l’affichage, lequel d’ailleurs masquait en partie les vitrines des commerces riverains (ordonnance du 13 février 2018, req. n° 18-1412). Le choix de la marque et du type de publicité n’a pas encore semble-t-il fait l’objet d’un contrôle par le juge administratif bien que l’alinéa 1 précité de l’article R. 621-90 du Code du patrimoine semble le permettre.

Cette dérogation au principe d’interdiction de l’affichage publicitaire sur les monuments historiques se justifie par un intérêt économique indéniable compte tenu de l’importance du coût de restauration des monuments historiques face à un manque de moyens pour les rénover, ce qui a motivé récemment la création du « loto du patrimoine » confié à Stéphane Bern. L’affichage publicitaire est désormais beaucoup utilisé et efficace quant à l’objectif poursuivi. Depuis sa création, 100 millions d’euros de travaux de rénovation ont pu être réalisés mais c’est également une véritable activité commerciale pour certaines entreprises (la société JC DECAUX, par exemple) et une vitrine de luxe pour certaines marques (Louis Vuitton, Appel, Samsung…).

Ce recours accru à l’affichage publicitaire sur les monuments historiques a donné lieu à des illégalités et des abus. Ainsi, pour l’Euro 2016, huit bâches avaient été accrochées sans autorisation et en l’absence de travaux de restauration, sur la façade du Capitole de Toulouse à la demande de l’UEFA. Elles ont été décrochées après le dépôt d’une plainte auprès du Procureur de la République par les associations de protection de l’environnement.

L’affichage irrégulier est en effet passible d’une amende pouvant aller jusqu’à 7 500 euros d’amende qui peut se cumuler avec une amende administrative dont le montant est aujourd’hui de 1 500 euros.

La suppression des publicités litigieuses peut-être ordonnée par le juge (articles L. 581-34 à -42, art. L. 581-26 du Code de l’environnement). De même, le retrait de l’affichage publicitaire sur des immeubles de la place des Vosges a été ordonné par le ministre de la Culture à la suite de plaintes, les travaux ayant été achevés.

Ce dispositif juridique doit donc trouver un équilibre entre la nécessaire protection des monuments historiques et leur financement permettant leur restauration.

Muriel Fayat, Avocat associé chez Chatain & Associés

Auteur :

Muriel Fayat

Muriel Fayat

Avocat associé chez Chatain & Associés


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