Dans cette décision, rendue le 31 décembre 2020, la plus Haute juridiction administrative française rejette un recours de la commune d’Arcueil contre la suspension – en première instance puis en appel – à la demande du préfet du Val-de-Marne d’un arrêté de ce type pris en septembre 2019.
Les juges administratifs soulignent notamment que « le pouvoir de police spéciale des produits phytopharmaceutiques confié aux autorités de l’État fait obstacle à l’édiction, par le maire d’une commune, de mesures réglementaires d’interdiction de portée générale de l’utilisation de ces produits ».
Cette décision vient clore un long feuilleton juridico-politique, démarré en mai 2019 lorsque le maire de Langouët (Ille-et-Vilaine) Daniel Cueff, qui a depuis quitté ses fonctions, avait pris un arrêté interdisant l’utilisation de produits phytopharmaceutiques « à une distance inférieure à 150 mètres de toute parcelle cadastrale comprenant un bâtiment à usage d’habitation ou professionnel ».
Son arrêté avait été rapidement annulé à la demande des représentants de l’État, mais l’initiative avait déclenché un vaste débat en France sur l’usage des pesticides. Plusieurs dizaines de communes avaient pris par la suite des arrêtés similaires, dont Paris et Lille, le mouvement étant soutenu par des partis et ONG, écologistes ou de gauche notamment.
« C’est un avis très négatif, mais on ne baisse pas les bras, on n’a pas fait tout ça pour s’arrêter », a déclaré à l’AFP Florence Presson, adjointe au maire de Sceaux (Hauts-de-Seine) et une des responsables du Collectif des maires anti-pesticides.
Des communes du Collectif ont notamment déposé plusieurs demandes de question prioritaire de constitutionnalité (QPC) sur le sujet, a précisé à l’AFP Corinne Lepage, ancienne ministre de l’Écologie et avocate du collectif, ainsi que d’une quarantaine de communes impliquées.
Ces demandes invoquent notamment le droit à la santé et le principe de précaution, « qui sont bafoués par le principe de compétence exclusive » de l’État en la matière, que vient de réaffirmer le Conseil d’État, a précisé Me Lepage. En effet, selon l’avocate, « l’État fait ou ne fait pas, mais il est seul à pouvoir faire », et son inaction peut donc entraîner la violation de ces principes constitutionnalisés.
Le collectif envisage par ailleurs de saisir la Commission européenne d’une action contre la France pour « manquement à la protection des riverains », ont indiqué Mmes Presson et Lepage.
François Veillerette, porte-parole de l’ONG Générations futures, très engagée sur ce dossier, s’est de son côté dit « déçu » et « agacé qu’on laisse les utilisateurs de pesticides négocier leur utilisation et que dans le même temps on dénie tout pouvoir de protection aux maires ».
Il faisait référence aux dérogations prévues dans un arrêté du gouvernement de fin 2019 sur les « zones de non traitement » aux pesticides, qui fixe des distances minimales d’utilisation par rapport aux habitations : cinq mètres pour les cultures dites basses comme les légumes et céréales, dix mètres pour les cultures hautes, fruitiers ou vignes, 20 mètres pour les substances considérées comme les plus dangereuses. Les distances de cinq et dix mètres peuvent être ramenées respectivement à trois et cinq mètres, notamment en cas de conclusion de « chartes d’engagement départementales » proposées par les utilisateurs.
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