L’année 2023 a été « une période très intense pour la médiation. La hausse du nombre de saisines s’est poursuivie à un rythme accéléré. Plus que jamais, nous appréhendons l’importance qu’il y a à promouvoir et à faire vivre, à tous les étages du système éducatif, les valeurs et les principes de la médiation, qui sont aussi ceux de notre République : le dialogue, la tolérance, le respect des différences, le débat démocratique et la recherche de l’équité, afin de ne jamais laisser s’enclencher la spirale de la haine ni prospérer une situation portant atteinte aux droits fondamentaux ou à la dignité des personnes », affirme Catherine Becchetti-Bizot, médiatrice de l’Éducation nationale et de l’Enseignement supérieur, qui a présenté, le 17 juillet 2024, son rapport 2023 intitulé « Faire alliance, redonner confiance ».
Ainsi, l’an dernier, les médiateurs ont traité 20 400 saisines : 19 10 reçues en 2023 et 1 298 restées en cours de traitement à la fin de l’année 2022. Le nombre de saisines et leur taux d’augmentation continuent de progresser, avec une hausse de 12 % en un an contre 6 % en 2022, soit une progression de + 42 % sur les cinq dernières années ! Bien qu’une grande partie des demandes transite d’abord par le pôle national, qui les oriente vers le pôle compétent en les accompagnant parfois d’une analyse, d’un appui opérationnel ou d’éclairages juridiques, 92 % des saisines sont traitées par les médiateurs académiques, explique Catherine Becchetti-Bizot. En effet, les litiges examinés par le réseau relèvent majoritairement de décisions prises par les services des rectorats, des directions départementales (DSDEN), des centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires (CROUS) ou des établissements scolaires et universitaires.
90 % des dossiers ont pu être clôturés en 2023. Au 31 décembre dernier, seuls 2 % des dossiers restaient en attente d’une réponse de l’administration. 8 % étaient, à cette même date, en cours d’instruction par les médiateurs et seront reportés dans le bilan de l’année 2024.
La répartition des saisines entre personnels et usagers de l’Éducation nationale et de l’Enseignement supérieur est restée stable en pourcentage. La part des usagers demeure importante : plus des trois quarts (77 %) des demandes proviennent des élèves, des parents et des étudiants, soit 14 171 saisines, rapporte la médiatrice. Elle souligne toutefois que le nombre de réclamations des personnels poursuit sa progression (+ 18 % en un an). Celles-ci représentent 23 % des saisines adressées au médiateur, soit 4 278 saisines (contre 3 954 en 2022).
Les saisines présentées par les personnels
Parmi les saisines présentées par les personnels, la part des non-titulaires a augmenté de manière rapide depuis cinq ans (+ 82 %), surtout pour ce qui concerne les non-enseignants (avec 558 saisines en 2023, soit + 149 % de progression en cinq ans). Cependant, celle-ci s’avère plus lente que l’an dernier (+ 9 % en un an, au lieu de + 26 % l’an dernier) et encore trop irrégulière pour permettre une analyse pertinente, indique le rapport.
Les demandes émanant des enseignants contractuels comptent pour 11 % des dossiers. Ces saisines ont augmenté de 10 % en un an (et de 60 % depuis 2018). En revanche, le rapport constate un tassement du nombre des demandes des personnels d’éducation, de documentation, et des psychologues de l’Éducation nationale. Si ce nombre avait augmenté rapidement en 2022 (+ 61 % par rapport à 2021), il diminue cette année de 5 %. L’augmentation entre 2018 et 2023 s’élève néanmoins encore à 41 %.
Les enseignants titulaires, en particulier ceux du second degré, constituent, comme chaque année, la part la plus importante des sollicitations des personnels (soit 52 % des dossiers présentés). Ces réclamations ont augmenté de 31 % en cinq ans. La part des professeurs des écoles croît à un rythme régulier, à hauteur de 17 % sur cinq ans. Elle représente 15 % des dossiers.
Les domaines de saisines présentées par les personnels sont tous, excepté les questions de recrutement, en augmentation en 2023, à des niveaux variables.
- 29 % des saisines portent sur des questions financières : rémunérations, indemnités, retards de paiement, remboursements de frais, trop-perçus…
- 21 % des saisines des personnels concernent le déroulement de carrière et les questions statutaires : avancement d’échelon ou de grade, évaluation, détachement, disponibilité, congé de formation, réintégration, procédures disciplinaires, ruptures conventionnelles, licenciements…
- 15 % des saisines concernent les affectations et les mutations : inter et intra-académiques, postes à profil…
- 13 % des saisines concernent les relations professionnelles : entre pairs ou hiérarchiques, organisation et conditions de travail, présomptions de harcèlement ou de discrimination, demandes de protection juridique.
- 11 % des demandes intéressent les questions de recrutement : concours externes et internes, examens professionnels, stages, recrutement ou renouvellement de contrats… Soit une baisse de 12 % en un an (mais l’augmentation est de 97 % sur cinq ans).
- 8 % des saisines concernent des sujets de protection sociale : arrêts de travail, congés de longue durée, congés de longue maladie, accidents du travail, prise en charge du handicap, demandes d’allégement de service, de temps partiel, mise à la retraite pour invalidité…
- 3 % des réclamations concernent les pensions et les retraites (validation, réversion).
Les saisines présentées par les usagers
Parmi les saisines présentées par les usagers, près de la moitié (48 %) des demandes proviennent d’élèves ou de parents d’élèves inscrits dans les établissements publics du second degré. Cette catégorie a augmenté de 46 % en cinq ans. Les saisines concernent également de plus en plus d’élèves du premier degré (2 060 réclamations en 2023), observe la médiatrice. Leurs demandes ont augmenté de 37 % sur les cinq dernières années.
Viennent ensuite les saisines présentées par les étudiants de l’enseignement supérieur public (25 % des usagers, soit près de 3 600 saisines). La baisse constatée depuis deux ans ne se poursuit pas : les demandes ont progressé de 18 % en un an et de 31 % en cinq ans.
Concernant les saisines de l’enseignement privé (de niveau scolaire comme supérieur), leur nombre poursuit sa tendance à la hausse. Les demandes provenant des élèves inscrits dans les établissements scolaires privés sous contrat représentent moins de 5 % des saisines des usagers, mais leur nombre a augmenté de 77 % sur les cinq dernières années pour s’établir à 677 demandes. Concernant les usagers des établissements de l’enseignement supérieur privé, les saisines ont crû trois fois plus vite encore en 2023 (+ 40 %) par rapport à l’année précédente (+ 12 %), en s’élevant à plus de 650 demandes. Elles sont près de 4,5 fois plus nombreuses qu’en 2018.
Les domaines de saisines présentées par les usagers se répartissent de la façon suivante.
- 39 % concernent la vie quotidienne dans les établissements d’enseignement scolaire.
- 25 % portent sur l’insertion dans le cursus scolaire ou universitaire : inscriptions, orientation, affectations…
- 22 % des demandes intéressent les examens et concours : contestations de notes et de résultats (59 %), inscriptions à l’examen (14 %), délivrance du diplôme (12 %), aménagement d’épreuves (8 %), et divers autres sujets comme les demandes de copies ou de procès-verbaux, la validation des acquis de l’expérience (VAE), la reconnaissance de diplômes étrangers, les suspicions de fraudes (9 %).
- 14 % des saisines traitées en 2023 concernent des questions financières ou sociales : frais de scolarité, bourses, allocations, gratuité, cantine.
Le rapport de la médiatrice fait un zoom sur l’instruction en famille (IEF), qui a connu « une flambée des réclamations en 2023. » Le nombre de saisines relatives à l’IEF reçues l’an dernier par les médiateurs a ainsi été multiplié par dix par rapport à 2022, passant d’une trentaine à plus de 300 !
Plus de la moitié (54 %) de ces demandes portent sur des situations de refus de l’IEF par l’administration, principalement en maternelle. La médiatrice relève l’incompréhension « particulièrement forte » dans les familles qui ont fait le choix de l’IEF pour les aînés et se sont vu refuser leurs demandes pour leur dernier enfant scolarisé pour la première fois en maternelle.