Réouverture des écoles après le confinement : interview de Thierry Vasse, DGA d’Orvault et Vice-président de l’ANDEV

Publié le 30 avril 2020 à 11h48 - par

Thierry Vasse, Directeur général adjoint d’Orvault (Loire-Atlantique, 26 600 habitants) et Vice-président de l’Association nationale des directeurs de l’éducation des villes (ANDEV), nous éclaire sur les modalités vraisemblables de l’école en sortie de confinement après le 11 mai 2020.

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Réouverture des écoles après le confinement : interview de Thierry Vasse, directeur général adjoint d’Orvault (Loire-Atlantique) et vice-président de l’ANDEV

Thierry Vasse

Le 28 avril 2020, le Premier ministre a présenté le plan gouvernemental de déconfinement devant l’Assemblée nationale. La réouverture des écoles maternelles et élémentaires sera « très progressive » à partir du 11 mai sur tout le territoire « sur la base du volontariat », dans des classes accueillant au maximum quinze élèves. Il reste donc une dizaine de jours pour rouvrir les écoles, avec le maximum de sécurité sanitaire, propice à susciter la confiance du monde éducatif en son entier : parents d’élèves, enseignants, Atsem, personnel administratif, animateurs périscolaires… Thierry Vasse, DGA d’Orvault et Vice-président de l’ANDEV, a accepté de répondre à nos questions et de nous éclairer sur les modalités vraisemblables de l’école en sortie de confinement.

Quelles conditions attendez-vous pour une sortie de confinement sereine ?

Ces dernières semaines, nous avons entendu beaucoup d’annonces, parfois contradictoires. Par exemple, alors que nous nous attendions à accueillir seulement les enfants de grande section, CP et CM2, ce sont tous les élèves du primaire qui pourront venir à l’école à partir du 12 mai. Nous avons besoin d’orientations fiables et d’un cadre national clair, en particulier sur les enjeux sanitaires car il nous faudra exclure le moindre risque. Le 29 avril, les associations d’élus rencontraient le gouvernement pour échanger sur le protocole sanitaire que le ministère de l’Éducation nationale mettra à disposition des communes. Il se présentera sous forme de fiches thématiques (accueil des élèves, organisation des classes, circulations, désinfection des locaux…) fixant les recommandations auxquelles les écoles devront se plier. Nous attendons également d’en savoir plus sur la prise de décision de réouverture des écoles. Il pourrait, et c’est tant mieux, y avoir des déclinaisons différentes en fonction des spécificités locales, avec possibles ajustements et souplesse.

Ce qui pose la question de la responsabilité du maire dans la prise de décision ?

En effet, si le maire a toute latitude pour s’opposer à l’ouverture, au cas où il considère que les conditions de sécurité sanitaire ne sont pas réunies localement, endossera-t-il la responsabilité juridique d’ouvrir ou de ne pas ouvrir ? Il règne encore beaucoup trop de flou et de questionnements sur ce sujet et on ne sait toujours pas qui prendra la décision et la responsabilité au final d’ouvrir les écoles, certaines écoles seulement : le maire, le préfet, le DASEN… ? À moins qu’il ne s’agisse d’une décision collégiale ? Là encore, nous avons besoin de précisions au plus vite.

Comment se passera la mise en œuvre de la réouverture des écoles ?

Une fois prise la décision d’ouvrir les écoles, on ne pourra pas travailler chacun dans son coin et il y aura donc une nécessité de mise en œuvre concertée : services de l’État, collectivités, services de santé, avec bien sûr un « tuilage » indispensable entre les inspecteurs de l’Éducation nationale, les directeurs d’écoles et les services éducation des collectivités. Nous devrons répondre aux questions d’organisation point par point : configuration des locaux, agents présents, scénarios (jours pairs / impairs ou matin / après-midi)… Plus on multipliera les groupes de quinze enfants maximum, plus ce dispositif nécessitera de personnels d’encadrement. Or, on ne sait pas qui pourra être mobilisable, entre les agents à risque, ceux qui souhaiteront rester chez eux pour garder leurs enfants…

Après les arbitrages et les validations, il faudra aussi expliciter les adaptations nécessaires aux familles et aux agents. Les délais sont très courts, tout est à construire et avec encore beaucoup d’incertitudes… Sans compter que nous sommes entre les deux tours des élections municipales, ce qui ajoute de la complexité en ce contexte déjà inédit. Certains maires, qui ne se représentaient pas devront tout de même prendre des décisions, d’autres sont en campagne et seront peut-être tentés d’adopter des décisions stratégiques sur le plan politique… Tout cela nous demande d’anticiper fortement différents scénarios, d’être à l’écoute, vigilants, créatifs et réactifs pour être à la hauteur de l’événement, ce qui est à la fois enthousiasmant et déstabilisant, dans ce contexte où tout se traite à distance. Il se peut que l’enjeu consiste aussi à réinventer, dès maintenant, l’école de septembre pour l’adapter aux risques de poursuite de la pandémie ; peut-être sommes-nous là dans une logique d’expérimentation pour que tout soit calé à la rentrée…

Quelles seront les conséquences du déconfinement sur le plan éducatif ?

L’enjeu est colossal tant sur le plan éducatif que sur celui des relations sociales entre pairs, sans compter les nécessaires interventions d’adultes éducateurs complémentaires. Peut-être sommes-nous en train d’avancer à grands pas vers une autre façon de concevoir les apprentissages, entre le « présentiel » et le « distanciel ». Ce que nous vivons là va bousculer les cadres et les logiques habituelles de travail au sein des écoles, tant sur le plan éducatif que sur celui du travail en équipes. Les enseignants, et autres acteurs éducatifs comme les Atsem, devront certainement travailler autrement, sortir des logiques « ma classe », « mes élèves », pour mutualiser davantage, constituer des groupes interchangeables, mutualiser les espaces et matériels. Un vrai challenge à relever… Et l’opportunité aussi de donner une place plus importante, éclairée et validée à l’éducation informelle, à côté de l’éducation formelle. L’opportunité de reconnaître plus encore le rôle considérable joué par les acteurs du monde territorial, de l’animation et du secteur associatif, qui apportent leur expertise en matière d’animation périscolaire, à côté de l’enseignement scolaire, pour une éducation globale des enfants. Si, malgré les avancées issues de la réforme des rythmes éducatifs, ces deux mondes sont encore souvent très cloisonnés, gageons que ce qui doit s’inventer aujourd’hui dans une logique d’entraide et de complémentarité pour répondre ensemble à cette situation de crise inédite, permettra une réelle dynamique éducative partagée, dans le respect des compétences de chacun.

Propos recueillis par Martine Courgnaud – Del Ry


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