Dunkerque mise sur l’énergie hydrogène verte

Publié le 18 mars 2021 à 9h46 - par

Riche d’un tissu industriel exceptionnel, Dunkerque, pionnière en matière d’énergie et d’environnement, multiplie les expérimentations innovantes. Prochaine étape : produire et utiliser l’hydrogène vert, pour une alimentation des véhicules et des logements moins polluante. Entretien avec Xavier Dairaine, directeur du programme Éco-Gagnant à la communauté urbaine de Dunkerque (CUD).

"La mobilité hydrogène présente des avantages environnementaux indéniables", Xavier Dairaine, directeur du programme Éco-Gagnant à la communauté urbaine de Dunkerque
© Crédit photo : Droits réservés Vue aérienne de la CUD

Troisième port maritime français, première plateforme énergétique d’Europe, la communauté urbaine de Dunkerque (Nord, 17 communes, 200 000 habitants) dispose d’un formidable tissu industriel. Engagée dans une démarche visant à transformer son écosystème industrialo-portuaire en « démonstrateur de l’industrie du XXIe siècle », retenue dans l’appel à projets « Territoire d’innovation » (qui lui vaut 300 millions d’euros de subventions), labellisée « Territoire d’industrie », la CUD se diversifie en matière d’énergie. Elle s’appuie pour cela sur des filières d’avenir innovantes, répondant aux enjeux de décarbonation de l’industrie, dans une logique d’économie circulaire, en partenariat avec divers industriels implantés sur le territoire.

Depuis des années, la CUD multiplie les initiatives : réseau de récupération de chaleur urbain, réseau de chaleur fatale entre producteurs et consommateurs industriels, « hub » de transformation du CO2, centrale éolienne, thermographie aérienne, sans compter la production d’hydrogène vert, avec notamment l’usine H2V59 de Power-to-Gas, qui sera implantée sur la zone industrielle du port. Elle produira en masse de l’hydrogène vert par électrolyse de l’eau, avec une électricité à base d’énergie renouvelable garantissant une empreinte carbone nulle : une première mondiale. Sa mise en service, prévue en 2022-2023, devrait générer 70 emplois directs et 100 emplois indirects pour une production de 28 000 tonnes d’hydrogène par an.

« La mobilité hydrogène présente des avantages environnementaux indéniables »

Trois questions à Xavier Dairaine, directeur du programme Éco-Gagnant à la communauté urbaine de Dunkerque (CUD).

Dunkerque veut devenir un démonstrateur de l’industrie du XXIe siècle. C’est-à-dire ?

Xavier Dairaine, directeur du programme Éco-Gagnant à la communauté urbaine de Dunkerque (CUD)

Xavier Dairaine : Notre territoire est très industriel et consomme donc énormément d’énergie. Nous souhaitons le transformer, en émettant moins de gaz à effet de serre (Ges) dans tous les domaines, qu’il s’agisse de décarboner les déplacements, le logement ou l’industrie, en partenariat avec les industriels. Nous essayons d’utiliser nos propres ressources : ainsi, la chaleur fatale des industries est utilisée pour le réseau de chauffage urbain, et nous déployons un certain nombre de solutions pour stocker l’hydrogène. En outre, un champ éolien offshore de 600 mégawatts au large de Dunkerque doit être réalisé à horizon 2027 ; il sera alors possible de faire fonctionner des bus électriques avec le vent. Et en attendant, nous projetons de créer une station de production et de distribution d’hydrogène pour alimenter une ligne de bus et les bennes à ordures ménagères ; elle sera alimentée par le centre de valorisation énergétique, créé il y a quelques années pour récupérer l’énergie produite par les déchets (chaleur et électricité). La future station sera également ouverte au public possédant des véhicules individuels roulant à l’hydrogène. Pour cela, nous sommes en train de répondre à un appel à projet de l’Ademe sur le développement d’un écosystème territorial pour la mobilité hydrogène.

Les bus rouleront donc avec de l’hydrogène ?

Xavier Dairaine : Oui, en partie, car Dunkerque s’est engagée dans un processus vertueux pour ses bus urbains. Car, même si la part des transports dans les émissions de Ges est moindre que sur d’autres territoires, elle n’est pas négligeable. La flotte diesel a tout d’abord été convertie au GNV (gaz naturel pour véhicules), puis au 100 % biogaz en 2016. Et nous avons développé récemment le projet GRHYD* qui est un démonstrateur du développement de l’hydrogène. Celle-ci est introduite dans le gaz naturel, à hauteur de 20 %, pour créer un nouveau gaz – l’Hythane, distribué par Engie, le principal partenaire du projet. L’Hythane a été testé pour les transports, mais en réalité nous envisageons plutôt de faire rouler une ligne de bus uniquement à l’hydrogène. Du reste, pour pouvoir utiliser du gaz enrichi à l’hydrogène, il faudrait que la réglementation sur l’énergie dans le transport évolue – les normes de sécurité en particulier. Or, lorsqu’elles évoluent, les normes Euro des moteurs ne prennent pas en compte pour autant la possibilité d’augmenter la quantité d’hydrogène que l’on peut introduire. Le seuil réglementaire actuel autorise uniquement un taux de 2 % d’hydrogène en volume dans le GNV : un apport énergétique insignifiant qui n’offre pas de réels avantages environnementaux. Et les constructeurs travaillent plutôt sur des solutions hydrogène complètes.

Vous avez aussi testé le gaz hydrogène pour chauffer des logements ?

Xavier Dairaine : Entre juin 2018 et mars 2020, l’Hythane a été expérimenté par cent foyers de Cappelle-la-Grande (7 983 habitants), dans un réseau neuf et dans des logements neufs équipés de chaudières à condensation neuves. J’insiste car aucune expérimentation n’a été faite dans l’habitat existant pour l’instant. Ajouter 20 % d’hydrogène en volume dans le gaz naturel permet d’approvisionner les clients dans les mêmes conditions de sécurité pour les biens et les personnes, avec des avantages environnementaux indéniables : réduction du dioxyde de carbone et de l’oxyde d’azote. Faute de réglementation adaptée, GRHYD a nécessité une autorisation ministérielle spécifique pour distribuer ce gaz hydrogène dans les réseaux d’habitation ; elle s’arrêtait au 31 mars 2020. Et 20 %, c’est la quantité maximum autorisée pour que cette énergie reste un gaz naturel dans la réglementation actuelle. La CUD continue de travailler sur ce projet mobilité hydrogène pour le développer à plus grande échelle. Pour la partie innovation recherche, la CUD a créé le GIP Eura Énergie – Parc d’innovations avec divers partenaires pour travailler sur les futurs besoins en énergie du territoire avec les industriels partenaires, soit tous les industriels de l’énergie en France.

Propos recueillis par Martine Courgnaud – Del Ry

* Gestion des réseaux par injection d’hydrogène pour décarboner les énergies

Voir aussi :

Un appel à projets « Écosystèmes territoriaux hydrogène » est ouvert jusqu’au 14 septembre 2021, pour un cofinancement Ademe-Région des initiatives.

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