Dépenses sociales : quand les départements trouvent des leviers d’action

Publié le 22 octobre 2025 à 10h30 - par

Alors que les finances des départements sont sous pression, un groupe de travail de l’Assemblé des départements de France (ADF) relève méthodiquement les leviers d’action possibles sur les dépenses sociales.

Dépenses sociales : quand les départements trouvent des leviers d’action
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« Avant de se plaindre à l’État et de vouloir négocier avec lui, utilisons les leviers de maîtrise des dépenses sociales qui sont à notre disposition », assurait Christophe Baron, DGA du Pôle des solidarités au Département de la Vendée, lors des assises de l’Afigese fin septembre 2025. Face à une situation financière sous tension, le sujet n’est plus tabou pour bon nombre de départements et un groupe de travail sur les dépenses sociales a été créé à l’Assemblée des Départements de France (ADF). Si tel ou tel sujet peut paraître de faible enjeu, ce sont les économies mises bout à bout qui sont in fine potentiellement importantes1 .

3 Mds€ récupérés sur 15 Mds de PCH

Du côté de l’insertion, la récupération des indus de Revenu de solidarité active (RSA) n’est certes plus nouvelle. « D’après nos discussions entre DGA, peu de personnes ne respectent pas les règles, mais en Vendée par exemple, les indus par an représentent tout de même 1 M€ sur 40 M€ qu’il faut aller chercher », précise Christophe Baron. Parfois en outre, certaines personnes sont bénéficiaires du RSA alors qu’elles pourraient plus avantageusement bénéficier de l’Allocation adulte handicapé, du minimum vieillesse ou encore d’un programme d’insertion. Par ailleurs, le financement des dispositifs d’insertion (ateliers et chantiers d’insertion, insertion par l’activité économique…) (mais aussi du handicap) se fait désormais par objectifs, c’est-à-dire avec, en plus d’une part forfaitaire, une part variable qui dépend des résultats atteints… et qui est donc modulable par définition.

Dans le secteur du handicap, il faut gérer les indus de la même manière que dans le social. Les dépenses de prestation de compensation du handicap (PCH) ont presque été multipliées par trois entre 2010 et 2024, passant de 1,1 à 3,1 Mds€2 . « Quand l’allocation coûte 15 000 €/mois/personne compensés seulement à 35-40 % par l’État, mieux vaut contrôler sur pièces et sur le terrain. On a par exemple en Vendée été victime d’une arnaque à 40 000 € pour une personne décédée », note Christophe Baron. En Vendée, ce contrôle de l’effectivité (vérification des déclarations du bénéficiaire, justificatifs de l’effectivité de l’utilisation des sommes reçues) est bien opéré : « Si vous créez un poste à 40 000 €/an, il sera vite rentabilisé par 400 000 à 500 000 €/an d’économies, assure Christophe Baron. Si une facture de PCH concernant le soin dépasse 30 000 €, on l’envoie à l’Agence régionale de santé, laquelle ne laissera pas faire, si c’est injustifié. In fine, sur 15 M€ de PCH, on a ainsi récupéré 3 M€ », précise Christophe Baron.

Moins de marges de manœuvre pour les Ehpad

Il faut par ailleurs noter que les structures d’accueil de personnes en situation de handicap sont souvent financées par des dotations globales des départements : « Mais si un établissement est financé pour 40 places et que seules 20 places sont occupées, comme cela nous est arrivé, il faut revoir la dotation globale, explique Christophe Baron. Ce travail n’est pas toujours fait par les départements, l’ADF a des exemples très précis ».

Dans le domaine de la vieillesse, de la même manière, la dotation dépendance versée aux Ehpad peut être réduite, dès lors que le taux d’occupation baisse : « Nous avons ainsi économisé 2 M€ sur 250 M€ au total », note Christophe Baron. Par ailleurs, certains départements, ceux sous forte contrainte budgétaire notamment, imposent à l’évolution des tarifs d’hébergement de leurs Ehpad des taux directeurs négatifs : – 3 % dans le Nord et le Pas-de-Calais, – 2 % dans le Gard, au moins pendant une certaine période. Certains estiment que cela va se multiplier. Cela force les Ehpad à réduire les tarifs, mais surtout – c’est l’objectif sous-tendu – à faire des économies – si c’est encore possible… –, et cela permet aux départements des économies sur l’Aide sociale à l’hébergement.

D’autres économies sont toutefois difficiles à obtenir. Par exemple, le fait que les départements octroient une garantie d’emprunt aux projets ou réhabilitations d’établissements pour personnes âgées devrait diminuer les taux d’intérêt bancaires, « mais les banques ne jouent pas le jeu », regrette Christophe Baron. Globalement, ce dernier estime que la situation compliquée des Ehpad a déjà entraîné la conduite d’audits organisationnels et financiers à l’initiative des départements et donc déjà des réductions de dépenses. Pour lui, les marges de manœuvre sont donc beaucoup plus importantes dans les secteurs du social, du handicap et de l’enfance.

Bientôt des mesures exogènes ?

Pour ce qui est de la jeunesse, « les contrats jeunes majeurs entre 18 et 21 ans coûtent très cher, observe Christophe Baron. Il vaut donc mieux en amont faire un gros travail d’accompagnement à l’autonomie pour éviter d’avoir à signer ces contrats ».

Il ne faut pas non plus passer à côté de certaines recettes. Dans le secteur de l’enfance (protection, prévention…), la contractualisation – facultative – des départements avec l’État apporte des recettes supplémentaires non négligeables, par exemple 1,4 M€ pour renforcer la protection de l’enfance dans le Tarn-et-Garonne par le contrat de 2020. Pour les services d’aide et d’accompagnement à domicile, la dotation qualité versée par l’État est de 3 €/h d’intervention : « On a ainsi obtenu pour nos 1,5 Mh d’intervention, 4,5 M€ », se félicite Christophe Baron pour la Vendée. C’est de bonne guerre avec un État qui, dans l’ensemble, ne compense plus guère les augmentations des Allocations individuelles de solidarité (AIS).

Toutes ces mesures internes, puisqu’elles sont a priori légales et ne visent à corriger que des dysfonctionnements ou de la fraude, ne touchent donc pas a priori le modèle social. Il en irait autrement de mesures exogènes (modifications de la législation) qui, elles, pourraient amputer le modèle social et sur lesquelles tous les présidents de départements ne sauraient être d’accord. « Il y aura bien discussion sur la fermeture d’Ehpad ou d’établissements pour personnes en situation de handicap lors de la prochaine loi de finances », anticipait Christophe Baron. De quoi s’écharper en effet.

Frédéric Ville

1 Ces économies globales n’ont toutefois pas été précisées, car variables d’un département à l’autre.

2 Bilan de l’application de la loi du 11 février 2005, Rapport d’information n° 306 (2024-2025), déposé le 5 février 2025


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