Le service public de la petite enfance (SPPE) vient de faire ses premiers pas. Quels sont les premiers retours de terrain que vous recueillez ?
Il est encore trop tôt pour se prononcer. Permettez-moi d’abord de rappeler les grandes lignes de la loi. Depuis le 1er janvier, les communes ont la responsabilité de l’organisation du service public de la petite enfance (SPPE) pour la garde des enfants de moins de 3 ans. Il ne s’agit pas d’un droit opposable à proprement parler mais d’assurer aux familles une meilleure lisibilité de l’offre de proximité.
Toutes les communes sont-elles concernées, même les plus petites ?
Les communes ont l’obligation, quelle que soit leur taille, de recueillir les besoins des familles et les informer des possibilités d’accueil de leurs enfants, chez les assistantes maternelles ou bien dans des structures collectives publiques ou privées. Le soutien à la parentalité relève aussi de leurs nouvelles prérogatives. Les communes de plus de 3 500 habitants ont l’obligation de planifier le déploiement des modes d’accueil. Le conseil municipal est consulté dès qu’un gestionnaire envisage de créer une structure d’accueil et ce dernier peut s’y opposer. Pour les communes de plus de 10 000 habitants, il devient obligatoire d’élaborer un « schéma pluriannuel de maintien et de développement de l’offre d’accueil du jeune enfant », ainsi que de mettre en place un relais petite enfance, ce lieu d’information étant destiné aux futurs parents et parents de jeunes enfants ainsi qu’aux professionnels. C’est donc bel et bien toute une filière qui se structure.
Comment les élus apprécient cette avancée ?
C’est une bonne occasion de mettre enfin en place une vraie politique dévolue à ce moment-clé de la petite enfance. Toutes les communes ont été alertées, via l’AMF (Association des Maires de France), mais aussi les CAF ou encore les PMI. Certaines commencent à s’organiser. Ce qu’il faut bien garder à l’esprit, c’est que toutes les communes deviennent de fait autorité organisatrice de la petite enfance. Les plus petites communes passent généralement par les intercommunalités où la compétence a été déléguée ; celles qui sont en dessous du seuil des 3 500 habitants mais n’en sont pas loin sont généralement en mesure de mobiliser un agent technique pour faire face à cette nouvelle obligation.
Manque de places en crèche, pénurie de personnel… Difficile d’avoir une perception assez juste de la réalité.
On compte 59 places en crèches pour 100 enfants en France. Mais quand bien même de nouvelles places seraient créées, et de réels efforts ont été menés dans ce sens ces dernières années, le personnel ne suivrait pas. La Cnaf évalue à 10 000 le nombre de professionnels formés manquant dans les crèches. Il est nécessaire de rendre le métier plus attractif, en offrant de meilleurs plans de carrière aux salariés. Aujourd’hui, ce personnel se heurte à des évolutions de carrière en tuyaux d’orgue ; une Atsem en maternelle ne peut pas devenir assistante maternelle ou travailler dans une crèche, etc. C’est un verrou à faire sauter pour susciter plus de vocations.
Les maires peuvent désormais mettre leur veto à l’installation d’une crèche, essentiellement venue du privé. Dans quel cas un tel recours se justifierait ?
Si un privé installe une crèche mais que cette dernière vient déstabiliser l’organisation prévue dans le cadre du service public, un maire ou un président d’interco pourra s’y opposer. Je ne sais pas si le gestionnaire pourra contester cette décision et sous quelle forme mais il est clair que des échanges auront lieu avec les privés. Jusqu’à présent, il nous arrivait parfois de découvrir au détour de la signature d’un permis de construire qu’une crèche privée allait s’installer. Ce ne sera désormais plus possible. Avant, notre avis n’était que consultatif.
Est-ce que les moyens alloués à cette mission sont à la hauteur des attentes ?
C’est le flou le plus complet pour l’heure. La loi prévoit un fonds de 86 M€ l’année du lancement pour les communes, ce financement était dans le projet de loi de finances pour 2025. On sait ce qu’il en est advenu, le montant n’a donc pas été débloqué. Mais de fait, ce montant n’était pas à la hauteur des attentes : pour la seule ville de Montpellier, le surcoût lié au lancement de ce nouveau dispositif est de 500 000 € chaque année. Nous allons essayer de convaincre la nouvelle ministre en charge du dossier, à savoir Catherine Vautrin, de la nécessité d’éclairer au plus vite notre lanterne. On ne peut que regretter le départ d’Agnès Canayer, l’ancienne ministre, qui connaissait bien le sujet et avec laquelle nous avions un dialogue constructif.
Notamment sur le relèvement du taux d’encadrement dans les mini-crèches ?
Nous avions en effet avancé sur le sujet essentiel de la prestation de service unique dans les crèches. Pour rappel, il s’agit de fixer le même prix par enfant pour chaque famille. Mais cette prestation se fait à l’heure, ce qui oblige de « consommer » les heures allouées pour ne pas les perdre. Nous avions proposé de passer à un forfait à la demi-journée, plus simple à gérer.
Comment intégrer les structures privées dans ce nouveau SPPE ?
Je ne vais pas revenir sur les dernières polémiques. Mais il faut être lucide, on ne peut se passer numériquement des crèches privées. À l’État de renforcer le contrôle de la qualité des prestations, au regard notamment des constats réalisés par le rapport de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS), publié avril 2023. Le comité de filière peaufine un référentiel national sur la qualité d’accueil des enfants de moins de 3 ans. Il devait être publié en décembre 2024 mais la chute du gouvernement a retardé cette publication. Ce référentiel est annoncé sous peu, il nous sera très utile pour améliorer l’accueil des enfants de moins de 3 ans.
Stéphane Menu