« Là où les polices municipales sont développées et armées, les agents sont depuis longtemps des “primo-intervenants” »

Publiée le 21 janvier 2021 à 18h00 - par

Alors que la loi de sécurité globale est en débat au Parlement, les polices municipales apparaissent toujours plus essentielles sur le terrain, au sein du dispositif national, aux côtés et en coopération avec la police et la gendarmerie nationales. Rôle de la police municipale dans le respect du couvre-feu, stratégie nationale de prévention de la délinquance, armement : entretien avec Xavier Dussel, directeur principal, directeur de la police municipale de la ville de Valence (26).
« Là où les polices municipales sont développées et armées, les agents sont depuis longtemps des “primo-intervenants” »

Y a-t-il, à la faveur de la crise sanitaire, une plus grande coordination entre la police nationale et les polices territoriales ?

Xavier Dussel : La coordination entre forces de police est toujours plus accrue lors d’une gestion de crise. Il en va de même pour la Covid, où les échanges d’informations sont renforcés. Cela a également donné lieu à de multiples contrôles coordonnés des forces de sécurité intérieure (FSI) et police municipale sur les territoires communaux.

Quel est le rôle de la police municipale dans le contrôle du respect du couvre-feu sur l’ensemble du territoire ?

Xavier Dussel : La police municipale verbalise quotidiennement, aux côtés de la police ou gendarmerie nationale, les contrevenants aux mesures Covid en vigueur, y compris celles se rapportant au couvre-feu. Pour ce qui a trait au non-respect des mesures Covid par les acteurs économiques, la police municipale peut aussi, en fonction des directives édictées par le maire, constater les infractions en vue de les transmettre aux services de police ou gendarmerie pour enquêtes, poursuites, voire demandes de fermeture administrative. L’action de la police municipale est donc ici en fonction de la position politique prise par le maire, et des directives de service qui en découlent.

La stratégie nationale de prévention de la délinquance 2020-2024 envoyée par circulaire aux préfets fin décembre 2020 prévoit une nouvelle gouvernance rénovée et efficace au niveau territorial, avec un rôle central confirmé au CLSPD notamment. Doit-on conclure que l’on se dirige vers une stratégie de sécurité locale plus décentralisée ?

Xavier Dussel : Si l’on s’en réfère à la circulaire du 23 décembre 2020, il y est précisé que la stratégie locale tiendra compte « des préoccupations des élus et des enjeux de leurs territoires, dans le respect des termes de la loi n° 2007-297 du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance qui fait du maire le pivot de la politique de prévention de la délinquance ».

Le CLSPD a donc vocation à conserver sa fonction stratégie et centrale au plan local. Pour autant, les actions locales sont désormais tenues de s’inscrire dans le prolongement de la « Police de Sécurité du Quotidien » (PSQ) et dans la stratégie nationale de prévention reposant sur 4 axes (les jeunes, les personnes vulnérables, l’implication de la population, et enfin une gouvernance rénovée).

Certains observateurs ont donc évoqué un risque de « re-centralisation » de la prévention de la délinquance (par le biais des services déconcentrés de l’État) et non de décentralisation. La vigilance des municipalités (et des coordonnateurs CLSPD) est donc requise pour ne pas transformer les CLSPD et les outils locaux de prévention de la délinquance en « chambres d’enregistrement » de mesures gouvernementales (d’ailleurs recensées dans une « boite à outils », à ce jour constituée de 40 mesures-type).

L’armement des polices municipales est en hausse constante ces dernières années (+ 12 % par rapport à l’année précédente). Est-ce le signe à terme d’une inévitable plus forte participation des forces locales aux missions régaliennes de sécurité exercées aujourd’hui par la police et la gendarmerie nationales ?

Xavier Dussel : Sur les territoires où les polices municipales sont développées et armées, les agents se présentent depuis longtemps comme des « primo-intervenants ». Ils assurent de facto certaines missions de « Police Secours » dévolues aux forces de sécurité intérieure, tout particulièrement la nuit. Cette implication des polices municipales est d’ailleurs prévue et encadrée par les conventions de coordination signées entre l’État et les maires (accidents de la route, violences intrafamiliales, tapages nocturnes, IPM…), mais résulte également de l’article 73 du Code de procédure pénale (posant le principe de l’interpellation de tout individu en flagrant-délit en vue de le présenter à l’OPJ TC).

La qualité d’agent de police judiciaire adjoint (APJA) des policiers municipaux ne leur permet en revanche pas (en l’état actuel du droit) de s’illustrer dans les missions d’enquête judiciaire et de recherche d’infractions, qui incombent aux seules forces de PN et GN. Idem pour les opérations de rétablissement de l’ordre public qui sont expressément interdites aux policiers municipaux.

À noter enfin que le maire qui ne souhaite pas inscrire sa police municipale dans cette logique de coopération renforcée peut toujours y faire obstacle, conformément au principe de libre administration des collectivités territoriales.

Propos recueillis par Julien Prévotaux

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