Olivier Nys : “Nous avons la capacité de changer la vie des gens”

Publiée le 27 novembre 2023 à 8h30 - par

Entretien avec Olivier Nys, Directeur général des services à la Métropole et à la Ville de Montpellier. « Parlons Territoires », les acteurs de l’action publique locale ont la parole : trois temps forts pour décrypter l’action de la Ville de Montpellier.
Entretien avec Olivier Nys, Directeur général des services à la Métropole et à la Ville de Montpellier

Quelles sont les raisons qui vous ont fait choisir Montpellier ?

L’honnêteté m’oblige à concéder que c’est un choix qui est très largement partagé avec l’exécutif, mais il se trouve qu’effectivement, le projet montpelliérain cochait énormément de cases. D’abord parce qu’il porte une détermination politique rare du Maire-Président, Michaël Delafosse, qui a mûri dans le temps un grand projet politique pour son territoire. Un projet ambitieux, complet, cohérent, responsable qui se saisit résolument de tous les enjeux de ce territoire si particulier.

La deuxième raison est très clairement une méthode de travail radicalement transversale, collective et partagée, tout en étant proactive.

Dernier élément et non le moindre qui a pesé dans ma décision, c’est l’état d’esprit, porté là aussi par un maire très humain, très empathique, très à l’écoute, porteur d’une exemplarité et d’une éthique rares, qui incarne les nouveaux logiciels politiques. Il en résulte des relations et méthodes de travail à la fois structurées, fertiles et efficaces ; je sais que c’est rare et donc très stimulant pour les équipes.

Enfin, je suis méditerranéen et rejoindre Montpellier, terre d’accueil, de brassage, de mixité, de migrations, riche de sa diversité, de ses communautés, de son patrimoine, de ses traditions, est une forme de retour aux sources.

Comment répondre au projet de Michaël Delafosse de faire deux mandats en un ? Quels sont les leviers sur lesquels, immédiatement ou le plus vite possible, il faut s’appuyer ?

L’ambition du mandat est légitime car le territoire en a vitalement besoin, d’abord pour mettre à niveau un certain nombre de politiques publiques qui ont eu du mal à accompagner la croissance du territoire (assainissement, déchets, éducation, enfance, mobilités…), ensuite pour porter avec force les enjeux et les transitions de notre temps. Cela a exigé de notre part un très gros travail d’études et de planification.

Les deux projets – métropolitain et municipal –, très lourds et très denses, obligent l’administration et au-delà ses satellites, d’où une nouvelle organisation afin de passer d’une administration de mission, qui était ici plutôt mûre, à une administration de projet.

La direction générale ne porte que le projet et le changement. Nos politiques publiques reposent sur 13 pôles opérationnels et mutualisés soutenus par 7 pôles en charge des ressources.

Nous avons aussi revisité les process et méthodes de travail, afin d’horizontaliser, partager et amplifier la culture projet, sa formalisation, sa généralisation. Au mi-temps du mandat, nous avons dorénavant une cartographie de 450 projets bien structurés, plutôt bien staffés, qui vivent notamment grâce aux instances adéquates et à une organisation conçue à cette fin.

Le deuxième volet actionné est naturellement la question des moyens. Deux mandats en un mandat complexifient l’équation financière à laquelle se sont greffés depuis 18 mois un choc énergétique jusqu’ici inconnu et une poussée inflationniste. Pour conserver les grands équilibres de nos deux collectivités, nous avons donc lancé un large plan de marges de manœuvre.

En quoi consiste ce plan de marges de manœuvre ?

Toutes percutées par cette conjoncture contraire, des collectivités ont fait le choix de la fiscalité. D’autres ont tenu leur promesse de stabilité fiscale et doivent faire différemment.

Les recettes utilisées il y a dix ans lors de la baisse des dotations ne peuvent plus l’être : les « coups de rabot », l’optimisation du patrimoine, les politiques achat, les refontes tarifaires d’ampleur, l’émergence du mécénat offrent beaucoup moins d’opportunités. À cela se greffe une hausse logique soudaine et vive des taux d’intérêt, qui succède à des années d’érosion ayant permis une baisse régulière des frais financiers.

Un plan de marges de manœuvre doit dorénavant revisiter en profondeur notre service public. C’est pourquoi, à Montpellier, il est structuré à deux niveaux.

  • Un travail avec les élus sur le dimensionnement (qualité et quantité) de nos politiques publiques, de nos prestations de service public : c’est un travail de réinterrogation profonde de l’existant et d’objectivation de notre action publique, exigeant des choix politiques forts et parfois difficiles.
  • Au sein de l’administration et au plus près du terrain, nous avons lancé un vaste chantier collectif pour travailler sur la manière dont nous produisons et délivrons les services publics : comment être plus efficace à coût moindre ou constant ? La clé d’un tel projet est de pouvoir impliquer chaque équipe, chaque unité, chaque centre de responsabilité, celles et ceux qui sont au plus près du terrain. Des outils, une méthodologie et un accompagnement ont été mis à disposition afin de les aider à réfléchir sur leurs méthodes de travail, leur organisation, leurs process, et faire d’éventuelles propositions. Cette démarche, que j’avais éprouvée à Reims ou à Lyon, tant à la Ville qu’à la Métropole, produit toujours beaucoup d’idées, de propositions dont la faisabilité mérite d’être instruite sous l’angle social, juridique, économique, calendaire, avant de les soumettre à la décision politique.

Savoir si l’on veut une IA choisie ou une IA subie

Il est évident que la question de l’IA et de son impact sur nos organisations et sur l’efficience du service public a soudainement émergé au cœur de nos priorités. Elle s’est déjà invitée dans des applicatifs métiers (ex. : production de délibérations). À Montpellier, cela a fait l’objet d’une expression politique claire sur deux points : l’IA doit d’abord être choisie et non subie, le sourcing de l’IA doit être maîtrisé, afin de protéger les données relevant des citoyens et plus largement du territoire.

Après plusieurs expériences de DGA puis DGS de grandes collectivités, qu’est-ce qui vous anime ?

Le métier de cadre dirigeant de collectivité est un des plus beaux métiers qui puisse être car nous avons la capacité de changer la vie des gens, de la rendre un peu plus légère… Il est autant aliénant qu’exaltant, particulièrement à Montpellier où j’ai la chance, et je le redis très librement, d’accompagner un maire qui est un homme rare, pour qui les mots vision, conviction, courage, transparence, exemplarité, éthique et humanisme ne sont pas vains. Il est extrêmement stimulant de porter un projet politique aussi cohérent et fort, qui ambitionne de changer le territoire et la vie de ses habitants. Une seule illustration : fin 2023, Montpellier sera la plus grande métropole européenne à proposer des transports en commun totalement gratuits, mesure majeure pour ancrer le choc des mobilités vers une nécessaire transition écologique, mais aussi mesure de soutien au pouvoir d’achat. J’ajoute que le fait d’animer une administration mutualisée qui dispose de toutes les compétences du bloc communal est particulièrement puissant en disposant d’une grande partie des leviers pour changer le territoire.

Enfin, nous avons mis en place une gouvernance très saine. Rien n’est simple en collectivités mues par une double hiérarchie et bien souvent des majorités plurielles. La mutualisation implique aussi d’assumer une bi-institutionnalité avec des exécutifs de natures très différentes. Pour autant, avec le Maire-Président, ses deux exécutifs et ses cabinets, nous avons posé une gouvernance très claire, structurée, collégiale, transparente qui respecte les périmètres de responsabilités de chacun tout en s’alignant collectivement. Les équilibres trouvés permettent à l’administration d’assumer sa vocation et d’apporter sa juste valeur ajoutée, ce qui est un enjeu majeur.

Une gouvernance qui fait fuir les talents ?

La complexité de nos collectivités et la place de chacune et chacun peuvent interpeller la nouvelle génération qui a besoin d’un peu plus de sens, de légitimité, d’agilité, de réactivité… J’observe que les récentes promotions de l’INET s’ancrent moins que les précédentes dans la territoriale. Cela dit des choses sur nos métiers, nos organisations, nos méthodes. Je suis profondément convaincu que nous devons absolument horizontaliser nos fonctionnements, décloisonner les organigrammes, animer une vraie transversalité, organiser une forte responsabilisation et surtout faire vivre une gouvernance qui respecte l’administration et singulièrement celle des managers, afin qu’ils puissent assumer de manière pleine et entière, sans interférence, leurs responsabilités. C’est aussi pourquoi un projet d’administration qui porte les principaux enjeux dont une administration doit se saisir me semble indispensable.

Propos recueillis par Hugues Perinel

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