L’habitat indigne à Marseille, un combat sans fin né rue d’Aubagne

Publié le 5 novembre 2024 à 14h15, mis à jour le 5 novembre 2024 à 14h15 - par

La rue d’Aubagne, symbole du mal-logement à Marseille, aligne, six ans après les effondrements mortels du 5 novembre 2018 et l’évacuation de centaines d’habitants, des immeubles toujours plus délabrés, illustrant la difficulté des pouvoirs publics à éradiquer l’habitat indigne qui gangrène la ville.

L'habitat indigne à Marseille, un combat sans fin né rue d'Aubagne
© Par schaerfsystem - Pixabay.com

« Priorité absolue » de la majorité municipale de gauche depuis 2020, après 25 ans d’inaction sous le règne de Jean-Claude Gaudin (LR) – « Nos combats sont nés dans le malheur de la rue d’Aubagne », disait récemment le maire Benoît Payan –, la lutte contre l’habitat insalubre tarde pourtant à produire des effets, avec toujours autant de taudis et un besoin croissant de logements sociaux.

Mi-octobre 2024, lors des rendez-vous annuels du logement organisés par la municipalité, Benoît Payan assurait que « pour la première fois, cet été, la courbe des immeubles en péril s’est inversée », même si le nombre de taudis à travers la ville stagne à environ 40 000, avec toujours plus de signalements.

« Un avant et un après »

Multiplication des contrôles – 2 500 pour 2023 –, grâce à des équipes renforcées, hausse de l’enveloppe consacrée aux travaux d’office sur les immeubles dangereux – 4,2 millions d’euros en 2023, soit 25 fois plus qu’en 2018 –, « il y a un avant et un après rue d’Aubagne », confirme Francis Vernède, directeur de la fondation Abbé Pierre en Paca.

« Depuis 2020, la ville a pris 1 400 arrêtés de mise en sécurité et sorti 518 immeubles de ces situations de péril » se félicite Patrick Amico, adjoint au maire en charge du logement et de la lutte contre l’habitat indigne. Il souligne que « la nature des arrêtés a changé, avec de moins en moins d’expulsions et des situations moins dangereuses que celles que l’on trouvait il y a trois ans ». Mais, reconnaît-il, « ça va très lentement : lorsqu’on met un immeuble en sécurité, on peut intervenir très vite, mais ce sont des travaux qui permettent seulement de sécuriser l’immeuble, d’empêcher son effondrement, ça ne le réhabilite pas ». D’autant que, dans la majorité des cas, ces interventions touchent à du bâti privé.

Depuis 2019, la Métropole Aix-Marseille a, elle, imposé un permis de louer aux propriétaires du quartier de Noailles, qui englobe la rue d’Aubagne. Il devrait être étendu l’an prochain.

Autre volet, la lutte contre les marchands de sommeil, « des rapaces qui captent le logement indigne et en profitent », selon les mots du maire, qui leur a promis « la guerre », avec 162 signalements au procureur depuis 2020 et une trentaine de condamnations en justice.

« Insuffisant et tardif »

« Pour nous, associations, ce qui est fait est encore très très insuffisant et surtout très tardif » cingle Emmanuel Patris, co-président d’Un centre-ville pour tous. Mais « on part de très loin » et « la municipalité n’a qu’une petite partie des compétences qui touchent au logement ». La rénovation urbaine comme la production de logement social sont du ressort de la Métropole et de l’État.

Mi-octobre 2024, la Société publique locale d’aménagement d’intérêt national, créée en 2021 par l’État, la Métropole et la Ville ont donné le coup d’envoi d’un premier chantier de rénovation de quatre immeubles de Noailles. D’ici 2032, la SPLA-IN ambitionne de réhabiliter 182 immeubles du centre-ville, promettant 70 % de logements sociaux.

« Quid du reste ? interroge M. Patris. Parce qu’on est très, très loin des objectifs ! On est sur 400 immeubles repérés comme très problématiques, donc de l’ordre de 4 000 logements. Et on sait que pendant ces dix ans, d’autres vont arriver ! »

Autre grand chantier annoncé par Emmanuel Macron en 2021, dans son plan « Marseille en Grand », la rénovation des grandes copropriétés privées dégradées est aujourd’hui au point mort, du fait de sa complexité juridique.

En attendant, Marseille manque cruellement de logements sociaux, auxquels pourraient pourtant prétendre 73 % des ménages, avec une grande distorsion géographique dans l’offre. « En centre-ville, on a une moyenne d’à peu près 10 % de logements sociaux. À Noailles c’est 4 %, alors que 80 % de la population est éligible », souligne M. Patris.

En cinq ans, le nombre de demandes non pourvues a explosé, passant de 39 000 en 2019 à plus de 50 000, selon la mairie.

« À Marseille, un habitant sur quatre vit sous le seuil de pauvreté, rappelle Francis Vernède. Autant de clients potentiels pour l’habitat indigne, et ça renforce le pouvoir des propriétaires qui se disent “bon, j’ai toujours quelqu’un pour venir”. »

« On n’est pas du tout au bout du tunnel ! Il faut maintenir la pression, dit-il. Et ce n’est pas parce que ça se bouscule pour loger dans un taudis que le taudis a de la valeur. Non, ça nous dit juste beaucoup sur la misère de Marseille ! »

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