Une loi pour accélérer la rénovation de l’habitat dégradé

Publié le 15 avril 2024 à 10h20 - par

La nouvelle loi sur l’habitat dégradé doit notamment permettre aux maires de mieux lutter contre le logement indigne.

Une loi pour accélérer la rénovation de l'habitat dégradé
© Par Gerald Villena - stock.adobe.com

La France compte, aujourd’hui, près d’1,5 million de logements dégradés. La loi du 9 avril 2024, parue au JO du 10 avril 2024, vise donc à accélérer et simplifier la rénovation de cet habitat. « Il s’agit d’un texte riche de mesures concrètes et efficaces qui permettront aux collectivités, aux services de l’État, aux bailleurs sociaux et aux opérateurs spécialisés de mieux gérer sur le terrain les situations dramatiques et d’encourager les interventions précoces sur cet habitat », résume le ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires.

Cette nouvelle loi poursuit ainsi trois objectifs : prévenir la dégradation de l’habitat, accélérer la réhabilitation de l’habitat dégradé et lutter contre les marchands de sommeil. Enrichi au cours de son examen parlementaire, le texte est passé de 17 articles initiaux à 59 articles.

Intervenir avant une dégradation définitive

La loi étend le champ des travaux pouvant faire l’objet d’une opération de restauration immobilière (ORI), afin d’encourager son utilisation à un stade plus précoce des dégradations. Le texte crée une nouvelle procédure d’expropriation « des immeubles indignes à titre remédiable ». Celle-ci concernera les propriétaires de logements frappés par au moins deux arrêtés de péril ou d’insalubrité au cours des dix dernières années, lorsque les prescriptions de ces arrêtés n’ont pas été totalement exécutées. Cette procédure est conçue pour permettre des interventions en mont, sur les immeubles dont l’état est critique, mais qui peuvent encore être sauvés. Les syndicats de copropriétaires pourront souscrire un prêt global collectif, afin de financer les travaux de réparation, d’amélioration ou d’entretien des immeubles.
La rénovation de l’habitat dégradé est désormais intégrée dans les missions de soutien et de conseil de l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT). Objectif : faciliter l’accès des petites et moyennes collectivités locales aux moyens d’ingénierie nécessaires. L’association Foncière Logement, filiale du groupe Action Logement, pourra intervenir dans les opérations programmées d’amélioration de l’habitat (OPAH) et dans les ORI. L’ensemble des travaux de rénovation des copropriétés en difficulté pourront bénéficier de la garantie du fonds de garantie de la rénovation énergétique (FGRE).
Plusieurs dispositions viennent renforcer le permis de louer. L’instauration du permis de louer sera ainsi possible même en l’absence de programme local de l’habitat (PLH). Dans le cadre de l’instruction du permis, le maire ou le président de l’intercommunalité compétent en matière d’habitat pourra faire visiter le logement et infliger des amendes en cas de mise en location sans déclaration ou autorisation préalable. Le maire pourra également faire réaliser d’office des travaux, voire faire démolir des bâtiments non conformes aux règles d’urbanisme présentant un risque pour la sécurité ou pour la santé.
En cas de doute sur la solidité de certains bâtis, les maires pourront demander un diagnostic structurel des immeubles situés dans des zones d’habitat dégradé ou ancien, aux frais des propriétaires. À l’initiative des parlementaires, la nouvelle loi consacre l’obligation, pour les propriétaires, d’assurer le relogement définitif des occupants, dès lors qu’ils n’ont pas réalisé les travaux prescrits dans un arrêté de péril ou d’insalubrité dans les 3 ans. Introduite par le gouvernement, une autre disposition du texte permettra aux préfets, à titre expérimental, d’inciter les propriétaires de logements en péril ou insalubres à conclure un bail à réhabilitation en vue de leur rénovation. Par ailleurs, dans le but de sécuriser le traitement des copropriétés dégradées, la loi prévoit l’insaisissabilité des comptes bancaires de copropriétés en redressement. En outre, la procédure de mandat ad hoc est facilitée.
Un régime de concession pour le traitement des copropriétés dégradées est institué. Le droit de préemption urbain est étendu pour faciliter et sécuriser sa mise en œuvre par les communes qui souhaitent l’utiliser comme moyen de lutte contre la dégradation de l’habitat. Enfin, la réduction d’impôt accordée aux propriétaires de logements anciens (« dispositif Denormandie ») est prolongée jusqu’à 2027 et élargie aux travaux de rénovation de l’habitat dégradé dans les copropriétés en grande difficulté.

Accélérer la réhabilitation de l’habitat dégradé

La nouvelle loi instaure un régime de scission judiciaire des copropriétés en redressement dans le cadre d’une opération de requalification des copropriétés dégradées (ORCOD). Objectif du législateur : régler le problème des immenses copropriétés.
Parallèlement, le texte vient renforcer la procédure de prise de possession anticipée dans le cadre d’opérations de requalification de l’habitat dégradé. La procédure d’expropriation des immeubles insalubres à titre non remédiable est sécurisée, notamment s’agissant des immeubles comprenant des locaux commerciaux. Enfin, la déclaration de carence d’une copropriété est facilitée. Le texte réforme aussi les outils mobilisables dans le cadre d’une opération d’intérêt national (OIN) pour gagner du temps sur les projets.

Lutter contre les marchands de sommeil

Les sanctions pénales contre les marchands de sommeil sont renforcées par la nouvelle loi. La peine complémentaire d’interdiction d’acquérir un  bien immobilier (autre que la résidence principale) est ainsi portée de 10 à 15 ans. Dans le même esprit, le fait pour un bailleur de refuser d’établir un contrat de bail ou de délivrer un reçu ou une quittance de loyer sera désormais puni jusqu’à 1 an de prison et 20 000 euros d’amende. En outre, un article, introduit par le Sénat, autorise la mise à disposition aux collectivités locales, à titre gratuit, des biens confisqués aux marchands de sommeil pour en faire des logements.
L’application au logement, et non à chaque locataire, des normes de décence pour les colocations à baux multiples, a permis à certains marchands de sommeil de procéder à des divisions informelles d’appartements pour y entasser des ménages. Afin que les maires aient les moyens de s’opposer à de telles pratiques, les communes pourront désormais fixer des exigences de décence plus fortes pour les colocations à baux multiples. Cette mesure doit être expérimentée pendant 5 ans.


On vous accompagne

Retrouvez les dernières fiches sur la thématique « Action sociale »

Voir toutes les ressources numériques Action sociale