Pauvreté : en France, la fragilisation des plus précaires

Publié le 5 septembre 2023 à 8h00 - par

Une fragilisation d’un public déjà précaire et une bascule de personnes qui étaient « sur le fil » : le cri d’alarme lancé par les Restos du Cœur face à l’afflux de demandeurs illustre, selon les associations, un « glissement » de la pauvreté en France, qui affecte plus de 9 millions de personnes selon l’Insee.

Pauvreté : en France, la fragilisation des plus précaires
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« Il y a deux phénomènes : il y a des personnes qui étaient déjà dans une situation de pauvreté pour lesquelles ça s’enracine, ce sont essentiellement des femmes seules avec enfants, des étudiants ou des étrangers », décrypte auprès de l’AFP Pascal Brice, président de la Fédération des acteurs de la solidarité (FAS).

« Cela devient compliqué pour elles, soit parce qu’elles sont expulsées de leur logement pour hausse de loyer, soit parce que la hausse des prix de l’énergie et de l’alimentation sont telles qu’elles ne peuvent plus faire face, soit parce qu’elles sont dans des hébergements d’urgence alors que le Gouvernement est en train d’en fermer ».

« Il y a également les personnes qui étaient à la limite et qui basculent », ajoute-t-il, « le plus souvent des travailleurs pauvres, des actifs, salariés ou indépendants, des auto-entrepreneurs qui sont rattrapés par les coûts du logement ».

En France, deux indicateurs de l’Insee notamment permettent de mesurer la pauvreté. La définition la plus couramment utilisée est un « seuil de pauvreté monétaire » fixé à 60 % du revenu médian, soit environ 1 125 euros mensuels pour une personne seule, selon les chiffres de 2020 de l’Insee. Quelque 9,2 millions de personnes vivent en dessous de ce seuil en France métropolitaine et sont donc pauvres, soit 14,6 % de la population.

Un autre indicateur de l’Insee se concentre lui sur les « privations » sociales et matérielles, comme ne pas pouvoir posséder deux paires de chaussures, se chauffer correctement ou partir une semaine de vacances par an.

Début 2022, 14 % de la population se trouvaient dans cette situation – le plus haut niveau depuis la création de cet indicateur en 2013 – notamment en raison de l’augmentation des prix de l’énergie.

Dans ce contexte, les demandes affluent auprès des distributeurs d’aide alimentaire, conduisant certaines associations au bord de la rupture. À l’image des Restos du Cœur, contraints de baisser le seuil du « reste à vivre » à ne pas dépasser pour être éligible à leur aide.

Moins de cinq euros par jour

Le « reste à vivre » correspond au montant des revenus disponible une fois déduites les charges fixes, comme le loyer et l’électricité.

Selon un rapport publié par le Secours catholique en novembre dernier, près de la moitié des familles accueillies par l’association disposaient d’un reste à vivre de moins de cinq euros par personne et par jour.

« C’est un glissement, il se passe quelque chose face à la fragilité de ceux qui était déjà pauvres et ceux qui ont commencé à basculer », a estimé Christophe Robert, directeur général de la Fondation Abbé Pierre, lundi 4 septembre 2023 sur franceinfo.

Un glissement déjà perceptible lors de la crise liée au Covid-19, marquée notamment par d’interminables files d’attente d’étudiants devant des points de distribution de colis alimentaires et une paupérisation des travailleurs précaires.

« Tous les profils viennent nous voir : les étudiants, les mères seules, les jeunes personnes actives », mais « on a vu revenir cette année » un public rencontré pendant la crise sanitaire, à savoir « des personnes qui se débrouillaient jusque-là avec des petits revenus, qui n’avaient pas d’emploi à plein temps », relève Houria Tareb, secrétaire nationale du Secours populaire.

Un « certain nombre de ménages qu’on pourrait croire relativement à l’abri se retrouvent dans des situations très compliquées », abonde Jean Merckaert, du Secours Catholique.

Pour le président des Restos du Cœur, Patrice Douret, l’inflation actuelle, qui affecte l’alimentation, l’énergie ou encore les transports, « touche toutes les catégories sociales, dans tous les territoires ». « Il n’y a pas un département qui ne connaisse pas une hausse importante du nombre de personnes accueillies », souligne-t-il.

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