Covid-19 : les personnes âgées pauvres plus touchées par la surmortalité

Publié le 9 novembre 2020 à 16h32 - par

La surmortalité due au Covid-19 affecte particulièrement les personnes âgées défavorisées issues des quartiers populaires, mais moins les actifs « travailleurs essentiels », selon les résultats préliminaires d’une étude menée en Île-de-France à paraître courant novembre 2020.

Covid-19 : les personnes âgées pauvres plus touchées par la surmortalité

Si les « premiers de corvée » ne sont pas surreprésentés dans la mortalité de cette année, ils transmettraient le virus à une population plus âgée avec laquelle ils partagent des logements exigus, expliquent l’urbaniste Guy Burgel et son équipe dans une note citée par Le Monde et dont l’AFP a obtenu copie.

Les données de mortalité publiées par l’Insee entre le 1er janvier et le 15 juin 2020, croisées avec la taille des logements, les revenus par foyer, la structure d’âge ou encore la densité, ont permis aux auteurs de confirmer les conclusions de précédentes études : les territoires pauvres sont ceux où la surmortalité concomitante à la première vague de Covid-19 est la plus importante.

Ainsi, avec une base 100 pour les années 2018-2019, les indices de surmortalité « s’envolent, souvent au-delà de 150, dans la moitié Nord du Grand Paris et sur la plus grande partie de la Seine-Saint-Denis », département le plus pauvre de la France métropolitaine. A contrario, « la banlieue Ouest et les arrondissements centraux et occidentaux de Paris connaissant une surmortalité beaucoup plus basse (indices souvent inférieurs à 125 et même à 116) », écrivent les auteurs.

« Le paradoxe est que ça vient des quartiers jeunes », explique Guy Burgel, professeur de géographie urbaine à l’Université Paris-Nanterre. Les années précédentes, les taux de mortalité étaient plus importants dans les zones plus riches, où la population est plus âgée. 

« Quand on voit la surmortalité 2020, c’est exactement l’inverse : c’est dans les quartiers bourgeois, plus vieux, que la surmortalité est la plus faible. Et c’est dans les quartiers jeunes, plutôt à problèmes, où l’on meurt plus par le Covid », explique-t-il.

Hypothèses de causalités

Un premier élément d’explication est évacué par les auteurs.

« Ce n’est pas la densité de population qui importe, mais la densité à l’intérieur des logements », explique Pierre-Régis Burgel, professeur de pneumologie à l’hôpital Cochin et co-auteur de l’étude. Paris comporte davantage d’habitants au km2 que la Seine-Saint-Denis, mais, dans ce dernier département, le nombre de pièces moyennes par habitant est plus faible.

Une fois ce constat posé, « on est obligé d’avoir une hypothèse d’enchaînement, hypothétique, des contagions : elles se produisent par des transmissions de virus intrafamiliales et intergénérationnelles, dans des appartements surpeuplés », avance Guy Burgel.

En moyenne sur l’ensemble du Grand Paris, le nombre de décès des plus de 65 ans entre janvier et juin 2020 par rapport aux années précédentes et en hausse de 34 %, contre 21 % pour les 25-65 ans.

Pour cette dernière catégorie, les auteurs n’observent pas de pic dans les quartiers défavorisés, ce qui tend à classer les « premiers de cordés », dont ils sont tendanciellement originaires, « plutôt comme vecteurs potentiels du virus que comme malades sévèrement atteints », notent-t-ils.

Autrement dit, ces travailleurs essentiels auraient tendance à ramener le virus à leurs parents vivants dans le même appartement, qui, eux, développeront des formes graves du Covid-19, voire en mourront.

S’y ajouteraient, selon les hypothèses des auteurs, des causes médicales : la moins bonne santé préalable des personnes âgées défavorisées et la moins bonne couverture médicale de ces territoires.

« Si vous habitez à Saint-Denis, s’il n’y a pas de place à l’hôpital Avicenne, vous allez mettre 24 ou 36 heures à vous retrouver à l’hôpital Cochin », dans Paris, développe le médecin Pierre-Régis Burgel, « et pour toutes les maladies infectieuses, la prise en charge précoce est associée à un meilleur pronostic ».

Selon les auteurs, l’avalanche de « simultanéités » permettent de formuler ces hypothèses, mais pour établir des liens de causalités, « il faut pousser la réflexion » plus loin, estime Maxime Schirrer, chercheur au CNAM et co-auteur de l’étude.

L’une des pistes envisagée pourrait être d’établir empiriquement, individu par individu, les conditions de vie des personnes hospitalisées pour le Covid-19 à partir de leur dossier médical – une tâche qui fait face à de nombreuses complications pratiques et déontologiques, selon les chercheurs.

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