Le rapport rédigé par Dominique Libault, président du Haut Conseil du financement de la protection sociale, remis le 28 mars à la ministre des Solidarités et de la Santé à l’issue de la concertation nationale « Grand âge et autonomie », dresse « un constat étayé » et formule 175 propositions pour « envisager une réforme ambitieuse », se félicite la Fédération hospitalière de France (FHF). Dans la foulée de sa présentation, la Fédération a ainsi salué « la prise de conscience de l’exécutif de l’impérieuse nécessité de faire du grand âge un enjeu majeur pour l’avenir de notre pays. » Et, avant les arbitrages et les annonces, qui feront suite au rapport, la FHF tient à affirmer « ses cinq priorités pour répondre aux attentes et préoccupations des Français ».
Dans le cadre de la contribution de la FHF au Grand débat national, la consultation menée auprès de 6 000 Français avec IPSOS a révélé que plus des trois quarts (76 %) des répondants pensent qu’aujourd’hui, en France, les personnes âgées ne sont pas suffisamment bien accompagnées. Ils attendent massivement (pour 91 % d’entre eux) des mesures fortes, comme faire bénéficier les établissements médico-sociaux du statut d’intérêt général. Ils souhaitent majoritairement que, face aux enjeux de la prise en charge des personnes en situation de dépendance et de handicap, des solutions mixtes entre l’Ehpad et les services à domicile soient développées (30 % veulent prioritairement des solutions de service à domicile et 56 % des solutions mixtes Ehpad/domicile). « Face au défi majeur que représente le grand-âge, nous ne pouvons pas nous permettre d’échouer. Ce sujet, parce qu’il touche aux préoccupations quotidiennes des Français et qu’il nous concerne tous, est un enjeu de société majeur. Ce défi doit être relevé collectivement », a déclaré le président de la FHF, Frédéric Valletoux, après avoir pris connaissance du rapport Libault. Aussi, au regard des 175 propositions formulées par le rapporteur, la Fédération a identifié « les cinq engagements indispensables et prioritaires sur lesquels la future réforme devra reposer ».
Engager un « changement de logiciel » de l’aide aux aînés
Quels que soient leurs troubles somatiques ou cognitifs, il faut construire une offre correspondant aux attentes des personnes âgées reposant prioritairement sur la prévention, le maintien des liens sociaux et le maintien de l’autonomie, estime la FHF. Pour avancer vers cet objectif, il faut résolument décloisonner l’offre entre domicile, établissements sanitaires et médico-sociaux, en donnant beaucoup plus de libertés aux acteurs du secteur pour faire évoluer leur réponse en fonctions des besoins et des spécificités de chaque territoire. Cette mutation supposera un « plan ambitieux d’investissement » dans l’immobilier (penser les structures dans une logique « domiciliaire », diversifier les formes d’hébergement dans une optique de maintien du lien social et d’ouverture vers la cité) et les nouvelles technologies (système d’information, domotique et télé-soin).
Engager une « révolution des métiers »
Pour la Fédération, la future loi Grand-âge et autonomie doit être l’occasion de développer de nouveaux métiers de la dépendance et de revaloriser, « de manière décisive », les carrières des professionnels (revalorisations salariales progressives, refonte et renforcement de la formation initiale et continue, renforcement du plan qualité de vie au travail). Selon son enquête réalisée avec IPSOS, les Français estiment à 80 % que les infirmiers et aides-soignants sont rémunérés de manière inadéquate.
Engager le « renforcement des effectifs »
« Un signal clair sur le renforcement des moyens humains, dans les établissements comme dans les services, est très fortement attendu par les professionnels, mais aussi par l’ensemble la population, qui a pleinement conscience de la pénurie de moyens », insiste la Fédération hospitalière de France.
Engager un « bouclier hébergement »
Il faut plafonner le reste à charge aux ressources des personnes âgées, prône la FHF : aujourd’hui, celui-ci dépasse de 300 à 500 euros par mois les ressources des personnes âgées. « Demain, personne ne doit se voir facturer plus qu’il ne peut payer avec ses revenus », plaide ainsi la Fédération.
Engager « Un budget à la hauteur des enjeux »
La FHF estime que, pour bâtir un socle solidaire pour l’autonomie, un budget de 10 milliards d’euros est nécessaire. Pour financer ces objectifs (reste à charge, développement et transformation de l’offre, renforcement des effectifs et attractivité des métiers), un consensus existe, selon elle, sur la nécessité de dégager à horizon de 3 à 5 ans au moins 10 milliards d’euros de financement publics nouveaux. Le gouvernement a fait connaître sa volonté de ne pas augmenter les prélèvements obligatoires à ce titre. De ce fait, la Fédération réclame que le gouvernement prenne les mesures nécessaires pour que les ressources aujourd’hui nécessaires au remboursement de la dette sociale (15 milliards d’euros) soient progressivement affectées au plan autonomie grand âge. En effet, l’extinction de la dette sociale à horizon 2024 devrait ainsi permettre de contribuer au financement d’une cinquième branche/risque de la Sécurité sociale, que la FHF préconise de créer « avec un socle public majoritaire, national, égalitaire et solidaire ».
« Je tiens à rappeler que, tout comme les hôpitaux, les maisons de retraite publiques s’inscrivent dans l’histoire de la solidarité française et ont vocation à accueillir toute personne nécessitant des soins et un accompagnement, et ce quels que soient son origine ou ses revenus. Les maisons de retraite publiques ne réalisent pas de gain financier, excepté pour le réinvestir dans l’établissement, afin de garantir son adaptation et ses missions : reconstruction, rénovation, acquisition et renouvellement des équipements. De notre côté, nous continuons à travailler à l’évolution de l’offre publique (plate-forme de ressources, notamment) indispensable pour répondre aux besoins de nos concitoyens », conclut Frédéric Valletoux, président de la FHF.