L’internet, parcours d’obstacles pour les mal-voyants

Publié le 26 avril 2023 à 8h00 - par

Acheter un billet d’avion ou de train, faire ses courses en ligne : la plupart des sites internet ne sont pas conçus pour être utilisables par les personnes handicapées, notamment aveugles, les entravant dans leur vie quotidienne et leur accès au travail.

L'internet, parcours d'obstacles pour les mal-voyants
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Le sujet sera au menu de la Conférence nationale du Handicap mercredi 26 avril 2023 à l’Élysée, grand rendez-vous réunissant membres du Gouvernement, élus, associations, entreprises, qui a pour mission tous les trois ans de donner le cap des politiques publiques du handicap.

« Comme tous les aveugles, je fais mes courses depuis 17 ans sur Houra.fr – qui dispose d’une ergonomie ad hoc pour les handicapés -, alors que 90 % des sites de commerce électroniques sont inaccessibles. Pour réserver des vacances, je dois me rendre en agence de voyages. Je ne peux pas bénéficier des prix compétitifs trouvés sur internet. Quand on est handicapé, on paie plus cher que les autres », explique Manuel Pereira, chargé de l’accessibilité numérique à l’Association Valentin Haüy, qui agit en faveur des aveugles et des malvoyants.

Les services numériques publics et ceux des grandes entreprises privées ont en principe l’obligation d’être accessibles de façon équivalente à tout citoyen, y compris ceux en situation de handicap, visuel, auditif, moteur, troubles dys…. Mais faute de sanctions, peu le sont.

Les déficients visuels, (70 000 aveugles, 1,6 million de malvoyants en France), naviguent sur internet grâce à des aides techniques restituant les informations présentes à l’écran par le biais de synthèses vocales, d’afficheurs en braille ou des logiciels de grossissement de caractères.

Ne pouvant voir où pointe une souris, ils utilisent des raccourcis clavier. Ils peuvent connecter leur ordinateur à un clavier tactile en braille.

Mais ces outils techniques ne fonctionnent que si le site est « accessible » à tous, y compris aux personnes handicapées.

Chaque site doit publier en bas de sa page une mention déclarative d’accessibilité, qui indique son niveau de conformité au RGAA (référentiel général d’amélioration de l’accessibilité). Il est jugé « conforme » avec un niveau de conformité à 100 %, non conforme en-dessous de 50 %, « partiellement conforme » entre ces deux niveaux.

Le site du palais présidentiel de l’Élysée est à 66 %, SNCF-Connect à 70 %, Mon Espace santé à 75 %. France Connect est « non conforme ».

Pour les associations, seul un site conforme à 100 % est vraiment utilisable. « Après avoir passé toute une commande sur internet, on se retrouve parfois avec une case qui n’est pas codée. On ne peut pas payer ou il faut remplir la case en rouge par exemple. On reste bloqué », explique Manuel Pereira.

« Au-delà des aveugles »

« Les billets des TER de Bourgogne, où habite ma grand-mère, ne sont pas vendus au téléphone s’il existe des guichets en gare. Vous êtes handicapé et vous devez vous déplacer en gare pour acheter un billet », se désole Céline Bœuf, aveugle.

« Ces nouvelles technologies qui pourraient faciliter leur quotidien aboutissent à les exclure encore davantage », explique Arnaud de Broca, président du Collectif Handicaps qui rassemble 52 associations.

Au-delà des aveugles, cela concerne les daltoniens, les dys, les sourds, les handicapés moteurs et tous ceux qui, en vieillissant, voient leur vue baisser.

« Beaucoup de personnes handicapées ne peuvent pas utiliser les logiciels de visio, de comptabilité, de bases de données. S’ils ne sont pas accessibles, ils excluent les handicapés de l’emploi », explique Arnaud de Broca.

Pour les associations et les experts, seuls des contrôles et sanctions effectives permettront de modifier la situation, comme ce fut le cas avec le règlement général sur la protection des données (RGPD) sur la protection des données personnelles.

« Les technologies existent, les professionnels peuvent le faire mais il n’y a pas d’engagement politique. Comme la loi ne prévoit pas de sanction, ce n’est pas une priorité. Nos clients nous disent on le fera plus tard », explique Romy Duhem-Verdière, du cabinet d’expertise en hautes technologies Octo Technology.

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