De la jurisprudence à la circulaire

Publié le 2 février 2011 à 0h00 - par

Le juge administratif contrôle l’administration. L’administration tire de la jurisprudence administrative des règles d’action. Rien, jusque-là, que de très naturel. En revanche, certaines de ces règles disposent d’un statut incertain. Découvrez le regard d’un magistrat en lisant la chronique de Laurent Marcovici.

On se rappelle que, par une interprétation constructive de la loi Barnier du 2 février 1995, le Conseil d’État a jugé que les délégations de service public, même conclues avant l’intervention de cette loi, ne pouvaient s’appliquer au-delà d’un délai de vingt ans, compté à partir de sa publication (CE, ass, 8 avril 2009, n° 271737 et 271782, compagnie générale des eaux (CGE) c/ Commune d’Olivet), soit donc le 3 février 2015. Mais une incise de l’arrêt précise que la règle s’applique « sauf justifications particulières préalablement soumises à l’examen de trésorier-payeur général ».

Comme le relève la circulaire n° 10-029-M0 du 7 décembre 2010, de la Direction générale des Finances publiques du MEFI, le Conseil d’État a ainsi institué une procédure qui n’est prévue par aucun texte. Néanmoins, le ministère affirme que tous les contrats en matière d’eau, d’assainissement et d’ordures ménagères susceptibles de dépasser la date du 3 février 2015 devront faire l’objet d’un examen préalable par le trésorier-payeur général (TPG) « y compris [ceux] dont la durée est pleinement justifiée au regard du texte de l’article L. 1411-2 du CGCT ».

La circulaire est rédigée de manière assez ambigüe mais il semble en ressortir en premier lieu, que si aucune décision expresse n’est prise par l’assemblée délibérante, « le contrat sera dès lors réputé caduc et ne pourra faire l’objet d’aucun flux financier ». Ainsi, le ministère des Finances se reconnaît le pouvoir de faire cesser tout effet à des contrats, alors même qu’aucune décision juridictionnelle n’en aurait constaté la nullité, et alors même que la durée du contrat serait justifiée au fond, par exemple compte tenu de l’importance des investissements de départ. Dans l’hypothèse où une décision expresse de prolongation est prise, sans consultation préalable du TPG, il semble que le ministère considère également que le comptable doit s’opposer aux paiements induits par le contrat, sauf réquisition.

On peut s’attendre à ce que le Conseil d’État ait à se prononcer sur cette circulaire dont, en première analyse, la légalité semble pouvoir être mise en cause, et que sa réponse sera d’un grand intérêt pratique.

Laurent Marcovici


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