Médecins de demain : un changement de paradigme

Publié le 23 octobre 2024 à 11h20 - par

Le 17 octobre 2024, l’Académie nationale de médecine et la Conférence des doyens des facultés de médecine ont organisé un colloque sur les médecins de demain. Leurs conclusions ? La formation des futurs praticiens nécessite un véritable changement de paradigme pour inclure plus de prévention, de numérique et de coordination.

Médecins de demain : un changement de paradigme
© Par Iryna - stock.adobe.com

« La situation actuelle est celle du Titanic. Le système de santé est en train de couler. 87 % des Français sont dans un désert médical et le système de soins c’est 12 % du PIB », n’a pas hésité à déclarer le Pr Yves Lebranchu, membre de l’Académie de médecine, lors de la conférence de presse qui a suivi le colloque consacré aux médecins de demain. Quelles sont alors les solutions ? Faut-il plus d’étudiants en médecine (l’ex-Premier ministre Gabriel Attal avait annoncé la formation de 16 000 médecins en plus), plus d’argent pour le système de santé, plus de régulation ?

Privilégier les zones sous-denses

Pour Yves Lebranchu, l’évolution du système de santé et de l’exercice médical nécessitent un changement de paradigme. « Il ne faut plus considérer un système de soins basé uniquement sur le soin, mais aussi un système de santé basé sur la prévention », a-t-il relevé. Il a notamment pris l’exemple de la vaccination contre les infections respiratoires sachant que 3 % seulement de la population à risque est vaccinée contre le pneumocoque. Ce changement de paradigme impliquerait également une régionalisation de la formation des médecins par rapport aux besoins des populations avec notamment une universitarisation territoriale, c’est-à-dire la création d’antennes de facultés en-dehors des grandes villes universitaires. « Actuellement, nous n’avons pas d’études épidémiologiques, discipline par discipline, région par région, pour savoir de combien on a besoin de médecins pour demain. Et donc le chiffre de 16 000 est un chiffre qui n’est pas actuellement documenté de façon, je dirais, scientifique », a d’ailleurs souligné le professeur Patrice Diot, ancien président de la Conférence des doyens et aujourd’hui membre de l’Académie de médecine. Régionalisation et meilleure répartition de l’offre médicale. « Il faut aussi réfléchir à ne pas faciliter les installations dans les zones surdotées pour optimiser les installations dans les zones sous-dotées. Des outils doivent peut-être être utilisés pour aider les médecins à s’installer prioritairement en zone sous-dotée », a pour sa part lancé Benoît Veber, président de la Conférence des doyens. Autre idée qui a émergé lors de cette journée de colloque, celle d’un service médical à la nation pour les étudiants en fin d’études ou pour les médecins fraîchement diplômés. Une idée qui « mériterait d’être creusée » selon les participants au colloque.

Redonner du sens

Si la formation doit être plus régionalisée et accueillir plus d’étudiants, elle ne doit pas être pour autant de moins bonne qualité. Surtout, elle doit s’adapter aux évolutions des exercices. Par exemple, le numérique, même s’il fait l’objet actuellement d’un enseignement de 20 heures, doit être mieux pris en compte. Car il est certain que l’exercice médical de demain va être bouleversé avec l’intelligence artificielle. Autre point soulevé : celui des conditions de stage et d’internat. « Il y a une formation par le compagnonnage. Et lorsqu’un chirurgien a un ou deux internes avec lui au bloc, il transmet plus de compétences que lorsqu’il en a six », a pointé Yves Lebranchu. Qui a également évoqué la question du sens. « Il faut redonner du sens au métier de soignant. Je suis frappé par le nombre de soignants en burn-out. L’une des raisons est peut-être le fait qu’on a complètement modifié le système hospitalo-universitaire et transformé la notion d’équipe en notion de pôle, a expliqué le praticien qui exerce au CHU de Tours. Nous avions des services qui étaient des équipes et où tout le monde se connaissait. Je pense que c’est cela aussi qu’il faut retrouver : la collaboration entre soignants, que ce soit à l’hôpital ou dans un milieu extrahospitalier. »
Enfin, dernier changement de paradigme : la vision des compétences des autres professionnels de santé. L’infirmière en pratique avancée (IPA) a notamment été citée en exemple. En effet, grâce à ses cinq ans d’études, elle est formée à l’accompagnement des malades chroniques, à la primo-prescription dans certains cas. Un travail complémentaire à celui du médecin qui, lui, sera le recours à toutes les situations que l’IPA ne pourra pas gérer. « Le médecin de demain sera un chef d’orchestre. Il aura dans une vision de réseau de soins des professionnels de santé qui coordonneront l’activité », a conclu Catherine Barthélémy, présidente de l’Académie de médecine.

Magali Clausener