Violences sexuelles sur les enfants : la Ciivise fait 82 préconisations

Publié le 20 novembre 2023 à 7h45 - par

La Ciivise, Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants, dont l’avenir est incertain, a remis vendredi 17 novembre 2023 au Gouvernement 82 préconisations « offensives et réalistes » pour lutter contre la pédocriminalité.

Violences sexuelles sur les enfants : la Ciivise fait 82 préconisations
© Par Monkey Business - stock.adobe.com

Au terme de trois ans de travail et du recueil de 30 000 témoignages, la Ciivise, qui souhaite poursuivre son travail, a publié un rapport de 730 pages dans lequel elle décortique le mécanisme de ces violences.

Le rapport a été remis à la secrétaire d’État à l’Enfance Charlotte Caubel, accompagnée des ministres Bérangère Couillard (Égalité femmes-hommes), d’Agnès Firmin Le Bodo (Professions de santé) et Sabrina Agresti-Roubache (Citoyenneté).

Le Gouvernement a « salué la qualité du travail de la Ciivise », annonçant qu’il ferait lundi 20 novembre 2023 des « annonces sur la prévention des violences sexuelles faites aux enfants ».

Repérage systématique des enfants vulnérables, extension de la notion d’inceste aux cousins, soins de psychotrauma remboursés pour toutes les victimes : la Ciivise détaille une politique publique globale contre un fléau qui touche selon le Gouvernement un enfant toutes les trois minutes.

Elles sont « un problème d’ordre public et de santé publique massif, qui détruit, anéantit une multitude d’enfants. Les conséquences pour la société sont considérables et les pédocriminels extrêmement dangereux », explique son coprésident, le juge des enfants Édouard Durand qui présentera son rapport au public à la Maison de la Radio à Paris lundi 20 novembre, journée internationale des droits de l’enfant.

Alors que 160 000 enfants sont victimes de violences sexuelles chaque année, selon la Ciivise, la question doit être posée systématiquement à chaque enfant, par l’infirmière scolaire ou le médecin, et lors d’un « rendez-vous annuel de dépistage et de prévention sur son bien-être et son développement ».

Elle demande de généraliser le repérage des violences sexuelles dans certaines situations : grossesses adolescentes, hospitalisation d’enfants et adolescents à la suite d’une tentative de  suicide.

Alors que 70 % des plaintes pour violence sexuelle sur enfant sont classées sans suite, la Ciivise veut améliorer le traitement judiciaire. L’enfant doit être mis en sécurité immédiatement. Sur le modèle des ordonnances de protection pour les femmes battues, la Ciivise préconise une ordonnance de sûreté de l’enfant (OSE) que pourrait déclencher le juge « en cas d’inceste vraisemblable ».

La Ciivise ouvre la réflexion sur « l’imprescriptibilité » du crime, sans le lier à sa gravité mais à sa spécificité : révéler l’inceste prend souvent des décennies. « On ne doit pas opposer aux enfants un jour au-delà duquel ils ne peuvent demander justice », estime le juge Durand.

Cette imprescriptibilité des viols de mineurs existe en Suède, Norvège, Belgique et au Canada, selon le rapport.

Pour aider les victimes à se « réparer », la Ciivise préconise un parcours de soins spécialisés en psychotrauma financé par l’assurance maladie. Ils permettent de réduire les séquelles : conduites à risque, addictions, problèmes psychiques…

« Un mouvement social »

Enfin, elle demande à poursuivre sa mission alors que le Gouvernement maintient le flou sur son avenir au-delà du 31 décembre 2023.

Sénateurs, députés, célébrités et associations féministes et de protection de l’enfance appellent depuis juin le président Emmanuel Macron à la maintenir. Certains craignent de voir écarté le juge Durand qui l’a incarnée.

« La liberté de ton qu’a la Ciivise pour demander des évolutions du droit, de la prise en charge des victimes est nécessaire », a jugé vendredi 17 novembre, Pierre-Alain Sarthou, directeur général de la Cnape, première fédération de la protection de l’enfance.

La présidente du Planning Familial Sarah Durocher a salué « le travail énorme effectué par la Ciivise » : « nous attendons maintenant des actes politiques, sur la prévention, la prise en compte de la parole des personnes. »

La Ciivise a été lancée en janvier 2021 par Emmanuel Macron pour répondre à l’avalanche de témoignages sous le hashtag #MeTooInceste, suscité par le livre « La Familia Grande » de Camille Kouchner qui révélait l’inceste commis par son beau-père Olivier Duhamel sur le frère de l’autrice.

Lors des 26 réunions publiques qu’elle a organisées à travers la France, « s’est créé un vrai mouvement social avec ces gens qui se sont levés au milieu d’inconnus et se sont rassis beaucoup plus forts », estime Laurent Boyet, membre de la Ciivise.

Ces derniers mois, de nombreuses œuvres au cinéma, à la télévision et de littérature ont analysé l’inceste longtemps tabou, à l’instar de Triste tigre, le récit de Neige Sinno couronné du Prix Fémina.

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